Algérie

Enterrement des harraga et arrestation de 15 émeutiers



Tiaret ne décolère pas La ville de Tiaret a connu hier encore un climat agité depuis la nouvelle de la mort d?une dizaine de jeunes harraga et la sortie dans les rues de centaines de jeunes venus manifester, il est vrai, au départ, pacifiquement leur colère. La grogne s?est accentuée jusqu?à l?intervention hier en début d?après-midi des forces antiémeute. La tension déjà électrique a amené responsables locaux et forces de sécurité à user de patience, d?écoute, mais à la vue de pneus qui brûlaient ajoutés à des scènes de violence, les policiers finiront par intervenir à coups de gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Les émeutiers, qui venaient de briser quelques carreaux (deux précisera une source officielle) au niveau du tribunal, casser les vitres de quelques véhicules, avaient brûlé des pneus au niveau de la cité la Gare et n?ont cessé de livrer bataille à coups de pierres avec les forces de l?ordre réquisitionnées sur ordre du wali. La même source qui fait état de l?arrestation d?une quinzaine de jeunes fait savoir qu?après enquête ils seront présentés à la justice afin de répondre pour leurs actes. La colère déjà perceptible depuis la visite de Djamel Ould Abbès mardi, coïncidant avec la nouvelle des jeunes harraga morts en mer, a fait naître un sentiment d?injustice et chaque jeune s?est senti en droit de « réclamer son droit ». Le ministre de la Solidarité nationale qui venait d?écouter les doléances des jeunes, axées pour l?essentiel sur le manque de perspectives, le chômage, la hogra et la bureaucratie, s?est dit « préoccupé et ému » tout en affichant sa disposition « à régler au plus tard le 16 mai prochain certains des problèmes réels rencontrés ». Il y a, dira Ould Abbès, « des réponses urgentes et celles qui nécessitent la mise en branle de dispositifs », allant jusqu?à titiller la fibre sentimentale des Tiarétis en parlant tantôt de Bouteflika tantôt de Belkhadem. Les jeunes surexcités qui avaient participé massivement à l?inhumation des victimes avaient observé pendant longtemps dans la journée avant-hier un sit-in devant la résidence du wali (ex-Château Rousseau), jusqu?à une heure tardive de la nuit. Ils ont réédité la même opération hier. Après quelques heurts, une délégation constituée d?une vingtaine de jeunes a été reçue par le chef de l?exécutif, selon un communiqué de la wilaya. Cette source fait savoir qu?« après la rencontre tenue ce jour, mercredi, avec une délégation des jeunes, il a été rappelé aux manifestants les efforts considérables concrétisés avec des projets en cours ou à réaliser par les pouvoirs publics et beaucoup de problèmes objectifs vont trouver leurs solutions ». Le communiqué de la wilaya avait même rappelé la nécessité de reprendre le dialogue avec la société civile. Tiaret qui vient ainsi de défrayer la chronique, l?espace d?une tragédie, a fait replonger les jeunes dans le doute face à l?incertitude de lendemains qui déchantent. Certains, sans se départir de leur légendaire bon sens paysan, disent « espérer au moins voir projeter sur les écrans de la télévision tous les malheurs débités devant Ould Abbès », car face à ce qui a été dit élégamment lors de l?émission « Cela arrive chez nous », il y a de l?eau à apporter au moulin des décideurs. Des exemples, en voici. Des jeunes dont certains ont longtemps séjourné en prison disent « ne vivre que du fruit de la vente de kif ou du vin au niveau de la forêt ». D?autres diront « s?être spécialisés dans la ??hedda?? », car « toutes les portes sont restées fermées devant nos sollicitations ». Enumérer toutes les litanies débitées par les jeunes serait fastidieux, mais à ressasser les chiffres officiels sur le chômage et l?emploi il semble qu?il n?y a pas photo, bien que le wali dans sa quête de rétablir les choses et semer l?espoir chez les jeunes vient de rappeler « les ambitieux projets inscrits à l?actif de la wilaya ». Beaucoup de projets, il est vrai, qui s?apparentent à du rêve à voir traîner ces projets liés à la réalisation d?une raffinerie, d?un port sec, un marché de gros, la reprise du rail... En fin d?après-midi, ce sont les jeunes du village Biban Mesbah (12 km au sud de Tiaret) qui ont coupé la RN23. Un détachement de la gendarmerie dépêché sur les lieux a rétabli la circulation, quelques heures après.


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