L'enterrement de Hocine Aït Ahmed en Algérie est cet autre moment historique de l'homme qui s'incrustera à jamais dans la mémoire collective des Algériens.Elle est très curieuse cette douleur qui noue les gorges et serre les c?urs suite au décès de ce leader historique mais qui s'entremêle en même temps à un sentiment de fierté, de sérénité et d'assurance. La disparition à jamais du leader de la révolution algérienne contre un colonialisme féroce a fait très mal aux Algériens, à ceux qui l'ont connu, qui ont partagé avec lui tous ses idéaux ou quelques-uns, à tous ceux qui connaissent son rôle et sa place dans l'histoire de l'Algérie de la guerre pour l'indépendance. C'est une page bien remplie de l'histoire qui est tournée aujourd'hui par sa mort. Sa disparition semble ainsi s'imposer contre le gré de ces nombreux Algériens qui pensaient qu'il restera vivant aussi longtemps que possible -presque éternellement- pour défendre les causes des damnés de la terre, d'ici et d'ailleurs. Même loin d'eux et très souvent sans nouvelles de lui, Aït Ahmed était pour les Algériens, comme une caution «placée» à l'étranger pour veiller sur son pays natal, au cas où des démons oseraient lui faire mal ou diviser son peuple. Il avait bien déclaré depuis très longtemps avec fermeté qu'il était contre toute ingérence de l'Algérie dans les affaires internes des Etats, encore plus contre l'intervention de son armée en dehors de ses frontières. Il devait donc certainement veiller à ce que de l'autre côté des mers, des âmes détestables ne puissent penser à lui importer un quelconque «printemps arabe». La terre qui a enfanté, déclenché et mené la guerre de libération nationale, Aït Ahmed en connaissait la valeur. Il a certes choisi de vivre dans un pays où le droit et les libertés ne se négocient pas parce qu'ils sont garantis et protégés par la loi.«LA MEMOIRE HISTORIQUE EST INDISPENSABLE»Le leader du FFS a accepté ainsi d'être loin (physiquement) de ses militants, de ceux, nombreux, qui auraient aimé qu'il soit à leurs côtés pour les protéger contre la hogra sous toutes ses formes, contre les excès et les abus des pouvoirs auxquels il s'est opposé toute sa vie. Mais ceci n'a rien fait perdre au charisme et à l'envergure politique de l'homme. Les Algériens n'en ressentaient peut-être pas la charge tant qu'il était en vie. Mais sa mort a fait remonter toute la profondeur et la grandeur du symbole qu'il est d'une révolution qu'il a voulue noble et au nom de laquelle il se voulait d'être le rassembleur des Algériens. Ses appels incessants pour la paix civile en ont été assez significatifs.L'avion de la compagnie Air Algérie qui transportait son cercueil en provenance de Lausanne avait atterri jeudi à 16h sur le tarmac de l'aéroport international d'Alger. Le moment dégageait une émotion immense. «La mémoire historique est indispensable», disait Aït Ahmed dans l'une de ses interventions publiques.AIT AHMED ETAIT JEUDI A EL-BIARC'est un autre moment historique qui s'ajoute à son ?uvre et que gardera la mémoire collective des Algériens. Moment qui atténue la douleur de sa disparition par une sérénité, une fierté et une assurance qui ne s'expliquent que parce que Hocine Aït Ahmed est bien revenu au pays. Il ne repartira plus chez « les Autres ». Il a tenu à revenir parmi les siens. Il a voulu revenir vers une terre qu'il a aimée. Il a voulu le montrer en tenant à reposer dans la chaleur de ses entrailles. Il a ainsi démenti toutes les mauvaises rumeurs qui étaient diffusées ici et là à propos de son enterrement en Suisse ou ailleurs. Les Algériens l'avaient perdu de son vivant. Ils avaient une grande peur de le perdre dans sa mort. Il leur est revenu, près d'eux, parmi eux, chez eux, chez lui. L'appréciation n'a rien d'égoïste. Qu'on soit pour ou contre lui, Hocine Aït Ahmed appartient à l'Algérie et aux Algériens.Da El-Hocine avait passé la nuit au siège du FFS, sur les hauteurs des beaux quartiers d'Alger. Il était bien à El-Biar, rue Souidani Boudjemaa. Les Algériens l'avaient veillé en se déplaçant au lieu du recueillement à sa mémoire et en pensées pour ceux qui ne pouvaient le faire. Il était là tout prêt d'eux, parmi eux.Le cortège funèbre a quitté la capitale à 7h 39, aux aurores, dans un clair-obscur froid mais chaud par ce retour définitif au pays d'un de ses enfants qui lui a choisi l'exil. L'enfant du village de Aïn Hamam a été accueilli hier en héros par les Algériens, par ses proches qui lui ont réservé une place « sacrée » auprès d'eux. L'Algérie a récupéré son fils. Même mort, son retour au pays repose les esprits et rassure les Algériens de la force du lien indéfectible qui les lie à un de leurs glorieux combattants des causes justes. La République lui devait tous les honneurs. Elle les lui a rendus. Ses obsèques ont été tout à la fois, nationales, officielles et populaires. Elles se sont passées sous les psalmodies du Coran, les cris d'Allahou Akbar, les youyous des femmes, les chants patriotiques et de son opposition. Elles l'ont été dans la pure tradition du terroir qui est la nôtre et la sienne. Elles ont été à la hauteur de sa stature d'historique et de sa dimension de politique et d'opposant habile.
Posté Le : 02/01/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com