Algérie

Enseignement supérieur: Le dossier des étudiants algériens d'Egypte n'est pas clos



« Ce sont des professeurs émérites qui évaluent le cursus des étudiants concernés sur la base des dossiers qu'ils ont fournis. Nous appelons à la sérénité et nous leur assurons que le problème sera réglé dans les limites de la réglementation du pays. »

C'est la réponse clé que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche donne aux étudiants algériens revenus de l'Egypte qui revendiquent leur intégration dans l'université algérienne. Une réponse qui a été donnée aux étudiants concernés depuis que leur problème avait été posé. C'est-à-dire au lendemain du match Algérie- Egypte qui s'est joué au Caire et qui a eu les conséquences que tout le monde sait. Persécutés, maltraités, menacés par la rue égyptienne, ces étudiants algériens se sont rapprochés des autorités consulaires du pays au Caire pour leur demander de les aider à rentrer sains et saufs. Si leur rentrée en Algérie n'a posé aucun problème, celle de leur identification en tant qu'étudiant et leur intégration dans l'université algérienne en est véritablement un. Du moins lorsque ces étudiants expliquent que la tutelle leur tourne le dos. D'ailleurs, ils expriment leur désarroi en organisant des sit-in quotidiens devant le siège du ministère, à Ben Aknoun. Hier, ils étaient près de 100 étudiants à se trouver à cet endroit. Ils voulaient encore une fois expliquer leur situation pour que les autorités concernées la prennent en charge. Ce qui étonnait le plus hier devant le siège du ministère, c'est la présence de cet impressionnant dispositif sécuritaire dont les agents et leurs fourgons anti émeute étaient probablement plus nombreux que les étudiants qui étaient cantonnés sous une bâtisse en construction. Selon des cadres du ministère, à un moment, ils scandaient «la chourouô, la tarkiî, el idmadj lil djamiî.» Les étudiants veulent donc qu'il leur soit reconnu à tous, le droit d'être admis dans les universités algériennes. C'est une condition que la tutelle rejette dans la forme et dans le fond «avant que leurs dossiers ne soient examinés au cas pas cas et qu'ils puissent produire les justificatifs qu'il faut pour cela». Un des responsables du ministère nous a lancé hier non sans en rire que «certains d'entre eux nous ont même dit qu'ils vont demander à Saâdane d'aller voir le Président pour qu'il leur règle leur situation parce que, ont-ils dit, nous nous sommes sacrifiés pour soutenir l'équipe nationale quand elle a joué au Caire.»

«Un institut qui fait du business»

 Ils disent être 1600, la tutelle nous a affirmé hier qu'ils sont 1500 étudiants. Le ministère note que 17 autres sont inscrits dans les universités égyptiennes et bénéficient d'une bourse de l'Etat algérien. 97 autres bénéficient des mêmes droits mais sont inscrits en Egypte comme enseignants qui finalisent leurs thèses. «Cette population n'a aucun problème et elle est bien prise en charge par les autorités concernées,» nous ont dit hier les responsables du ministère de l'Enseignement supérieur qui nous ont reçus. C'est donc «la population» des 1600 étudiants qui, selon, eux vient contrarier l'ordre des choses. «On ne sait pas si on peut les qualifier ou pas d'étudiants, ils sont tous inscrits à l'Institut arabe d'études et de recherche, une structure de la Ligue arabe, un appendice de l'ALESCO, homologue de l'Unesco. Il n'a pas vocation de former des universitaires,» nous expliquaient hier nos interlocuteurs non sans lâcher «c'est un institut de formation qui s'est cloîtré dans 4 filières (droit, sciences politiques, sciences économiques et sciences de l'information et fait du business.» Au ministère, on pense même que «ce sont des étudiants qui évoluent avec de l'argent, preuve en est que chacun d'eux a dû payer 1100 dollars pour y être inscrit et 100 dollars pour obtenir l'équivalence de leur diplôme des universités égyptiennes qui la leur refuse en général. En tout cas, le Conseil supérieur des universités égyptiennes ne reconnaît pas ce diplôme. Ceci sans compter les frais de séjour qui atteignent près de 5500 dollars par an.» Les cadres du ministère nous font même part de ce qui se dit à ce propos. «Ils choisissent en général de partir par route, par bus ou par taxi, tout au long de la bande Bechar - El Oued, traversent la Libye et atterrissent en Egypte. Nous les avions identifiés en tant que tels après un accident mortel de la route qui a coûté la vie à quatre d'entre eux,» racontent nos sources. Ce sont toutes ces histoires et bien d'autres qui obligent aujourd'hui le ministère à exiger d'eux de fournir des dossiers «complets» pour nous disent les responsables «remonter à l'historique et voir si leur situation est plus ou moins réglementaire. Ils seront évalués par des enseignants dans les filières concernées. Ce sont des professeurs émérites qui font ce travail au niveau des trois conférences régionales. Forcément, il y aura des gens qui seront retenus et d'autres qui ne le seront pas.» Ce qui est appelée conférence régionale, «ce sont des comités scientifiques où siègent des professeurs des filières concernées, le recteur régional ainsi que les recteurs des universités de la région qu'elle soit est, ouest ou centre.» Les dossiers doivent contenir une photocopie du baccalauréat, le diplôme universitaire, c'est à dire licence avec un relevé des notes en plus des pièces justificatives du cursus que l'étudiant a suivi en Egypte.» Aux étudiants qui affirment qu'il y a eu par le passé, des Algériens qui ont eu leur diplôme de cet institut et ont été admis dans l'université algérienne, les responsables du ministère précisent qu' «avant, c'était une poignée de personnes, 3 ou 4 étudiants qui le faisaient, ça ne posait pas de problèmes. Mais aujourd'hui, avec 1500 étudiants, c'est une prise d'assaut de l'université. Il serait grave si on les injecte dans les rouages des institutions, ils vont cadenasser le secteur !» En tout cas, leur intégration, «s'ils en bénéficient après étude approfondie de leur dossier, elle ne se fera pas au détriment des post-graduants nationaux!» Au ministère, l'on estime que «ces étudiants gagneraient en sérénité, on leur promet que leur dossier sera pris en charge mais dans les limites de la réglementation du pays, c'est-à-dire sur la base de critères fixés par un Etat souverain qui a une législation précise en la matière.»

Critères «conformément à la réglementation»

 A propos de critères, les responsables du ministère expliquent que «pour ce qui est de l'obligation qu'il soit inscrit sur leur passeport la mention étudiant, parce que nous savons qu'il y a beaucoup de personnes exerçant des professions libérales qui se sont inscrites dans cette institution de formation en Egypte, qui y sont allées juste pour passer le concours et sont revenues en Algérie pour gérer leurs affaires. Comment voulez-vous dans ce cas qu'on les intègre dans les universités algériennes ?» C'est ce qui est appelé, nous dit-on, «une inscription à distance (el intisseb), donc, ils n'ont pas suivi le cursus universitaire exigé.» L'exigence de la carte consulaire est pour prouver, nous disent les responsables du ministère de tutelle «si la formation a été faite à distance ou pas. L'étudiant doit prouver qu'il a séjourné en Egypte tout au long de la période de sa formation.» Les cachets d'entrées et de sorties apposés sur le passeport par les polices des frontières en constituent cet autre critère qui doit être fourni par les étudiants.          

 Les 35 ans d'âge que l'étudiant ne doit pas dépasser pour prétendre à une inscription en post-graduation dans les universités algériennes est aussi un autre critère mais celui-là, disent nos interlocuteurs «est exigé conformément à la réglementation en vigueur ici en Algérie. Les étudiants qui passent le concours pour une post-graduation ne doivent pas dépasser un âge précis.» «Des garde-fous scientifiques», «des conditions pédagogiques», peu importe l'appellation de ces critères. Au ministère, ils sont maintenus, confirmés et appliqués pour toute étude de dossier de ces étudiants. «Non seulement ils veulent être intégrés à l'université mais ils revendiquent en plus un statut universitaire et un emploi universitaire alors qu'ils n'ont pas de contrat avec l'Etat pour tout cela.» Au passage, les responsables du ministère précisent que «le diplôme obtenu de cet institut ne peut pas avoir d'équivalence avec le diplôme universitaire algérien..» Ils soulignent à cet effet qu'«aucun texte n'a été élaboré pour cela. Il faut savoir que les équivalences se font sur la base de conventions signées entre les deux Etats. Dans celle existante, l'institut arabe d'études et de recherche ne figure pas.» En tout état de cause, le ministère promet de leur donner une réponse avant la fin du mois en cours.




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