Algérie

Enseignants universitaires et hauts cadres Petits calculs et grandes questions sur les salaires


Les simulations qui suivent (voir tableaux), réalisées à ma demande par 10 professeurs des universités d'Alger et d'Oran, que nous livrons au quotidien «Le Quotidien d'Oran», qui font suite à une importante étude que j'ai eu l'honneur de diriger sur la problématique de l'emploi et des salaires en Algérie (10 volumes) entre janvier 2005 et mai 2006, montrent clairement l'urgence d'une revalorisation du savoir, moteur de l'accumulation du XXIème siècle en symbiose avec l'instauration d'un Etat de droit, d'une bonne gouvernance, d'une accélération de la réforme globale en panne et donc de l'urgence d'une cohérence et d'une visibilité dans la politique socio-économique si l'Algérie veut réaliser un développement véritable en ce monde interdépendant en perpétuel mouvement au sein de l'espace euro-méditerranéen et arabo-africain qui est son espace naturel. Dans ce cadre, il est utile de préciser que l'augmentation nette d'environ 28.000 dinars concerne les professeurs d'université en fin de carrière (plus de 30 ans de carrière), soit moins de 1.000/1.500 personnes (actuellement environ 6.000 professeurs et maîtres de conférences à l'échelle nationale toutes disciplines confondues) car la majorité, un jeune docteur d'Etat, maître assistant ou maître de conférences, n'aura dans la nouvelle grille qu'une augmentation variant entre 12.000/15.000, alors que ce sont ces jeunes cadres qui risquent de s'expatrier. Par ailleurs, il faudra attendre cinq années, c'est-à-dire 2013, avec seulement les 80% de ce salaire net pour bénéficier de ce nouveau régime. Alors que pour les cadres de l'Etat, la dernière année suffit avec une retraite de 100%. Ainsi, quoi qu'il en soit, un haut fonctionnaire bénéficie d'autres avantages : véhicule de service, certains du logement de fonction, le pouvoir discrétionnaire lié à sa fonction...etc. Car combien coûte la réparation d'une voiture (en général les hauts fonctionnaires ont au moins deux voitures avec chauffeur à leur disposition, y compris dans certaines grandes sociétés), le téléphone, le logement, sans compter le pouvoir discrétionnaire lié à leur fonction. Ces dépenses grignotent environ 30 à 40% du revenu net d'un enseignant d'université, ce qui laisse à un jeune maître de conférences ou professeur d'université (docteur d'Etat) avec la nouvelle grille des salaires, net, un pouvoir d'achat en termes de consommation inférieur à 25.000 dinars. Nous ne parlerons pas des enseignants du primaire au secondaire dont le niveau de vie est déplorable, alors qu'ils sont censés former les générations de demain. Comme nous l'avons démontré dans d'autres contributions, tenant compte du processus inflationniste, le salaire d'un professeur d'université dégringole à un niveau inférieur à celui de 1968 et la nouvelle grille le fait passer du 1/4 au 1/3 de son homologue maghrébin dont le pays, pourtant, n'a pas les ressources financières de l'Algérie mais mise sur un développement à moyen et long terme. Aussi, il est démontré que la nouvelle grille des salaires dévalorise globalement le savoir, richesse plus importante que toutes les réserves de pétrole et de gaz. Et sans la maîtrise de la connaissance, peut-on imaginer un seul instant la mise en oeuvre d'une véritable politique industrielle ? A la lumière de toutes les expériences réussies, et d'une manière générale de la prospérité ou du déclin de toute civilisation, le populisme étant source de déclin, avec cette grille des salaires qui privilégie les emplois-rentes, il y a risque de provoquer une hémorragie des cadres de haut niveau et l'Algérie ne peut aspirer à un développement véritable durable sur le moyen et le long terme, condition d'atténuation de la pauvreté et du chômage. Sur le plan économique, le constat est que le premier plan de soutien à la relance économique 1999/2004, pour plus de 7 milliards de dollars US, dont aucun bilan n'a été réalisé, et le second 2004/2009, doté d'une enveloppe de plus de 140 milliards de dollars US avec des réévaluations incessantes, montrant le gaspillage des ressources rares, en fait de la rente des hydrocarbures, n'ont pas réussi à inverser les tendances profondes de la crise économique que connaît notre pays depuis deux décennies, assistant à un renforcement de la dynamique rentière, alors que toutes les restructurations opérées par les pouvoirs publics, dans les différents domaines, affichaient apparemment l'objectif de la mise en place d'une économie créatrice de valeur ajoutée reposant sur deux secteurs, à savoir l'industrie et l'agriculture, certains segments des services qui ont un caractère de plus en plus marchand au XXIème siècle. Certes, l'Algérie a pu, grâce aux remboursements par anticipation, réduire sensiblement son stock de la dette extérieure évalué à moins de 5 milliards de dollars US fin 2006, des réserves de change de plus de 90 milliards de dollars US en octobre 2007. Mais il existe un paradoxe entre cette aisance financière et la sphère réelle en nette stagnation renvoyant au blocage systémique que l'on voile avec des chiffres pompeux, gonflés en contradiction avec la réalité (1). Or, du fait d'une gouvernance mitigée, la société reposant sur la rente des hydrocarbures (brut et semi-brut plus de 98% des exportations totales) qui a engendré malheureusement une corruption socialisée mise en relief dans les rapports internationaux de 2007, les hommes d'affaires tant nationaux qu'étrangers préférant les actions de court terme, sans risques, sachant qu'ils seront payés avec l'importance des réserves de change. D'où les activités dans l'importation, les segments d'infrastructures (qui ne sont qu'un moyen du développement) et sachant par ailleurs que le maître d'oeuvre, c'est-à-dire l'Etat, contrôle mal les réalisations, d'où des réévaluations à répétition et des ouvrages mal faits, délaissant les investissements porteurs à moyen et long terme qui font la force de toute économie. Le problème posé : quel serait l'impact de l'Algérie au niveau des relations internationales sans les hydrocarbures au moment où c'est la puissance économique qui est décisive ? La réponse : presque nul. En Algérie, nous assistons à une transition ambivalente soulignée par l'Institut international Bertelsmann dans ses indices de 2006 «de la corruption tentaculaire, l'inefficacité gouvernementale, la partialité des tribunaux, un système de protections sociales défaillant du fait de l'inégalité des chances persistantes en matière d'accès au marché, à l'éducation, au crédit en termes de soins». Comme souligné précédemment, il est démontré universellement que le développement est porté par l'entreprise (les infrastructures n'étant qu'un moyen) et son fondement le savoir. Par ailleurs, comme démontré dans les tableaux qui suivent, se pose un problème quant à l'interprétation du décret régissant les hauts cadres de l'Etat. Il appartient aux autorités d'expliquer clairement à l'opinion publique l'une des deux options choisies pour les hauts cadres (indice 19 dinars ou 49 dinars) afin d'éviter de faux débats. Si c'est la seconde option choisie (indice 49 dinars), les données rapportées par la presse nationale tenant compte de tous les avantages, un haut fonctionnaire coûte à l'Etat plus 370.000 dinars par mois surtout pour la G, et avec les avantages en nature, plus de 500.000 dinars/mois. En fait, cela pose un problème de gouvernance basée sur une communication intelligente et transparente et cela s'applique à tous les secteurs si l'on veut éviter un dialogue de sourds, des bilans se faisant en vase clos, étant juge et partie sans débats contradictoires, et en fin de parcours conduisant au statu quo, l'immobilisme et le divorce Etat-citoyens. Méditons la récente rencontre sur la jeunesse, où le président de la République a établi le constat de l'échec de l'actuelle politique de l'emploi et, par là, du manque de cohérence et de visibilité dans la politique économique et sociale. *Docteur d'Etat - Expert International - assisté de Djamel Eddine HENNI Docteur d'Etat Professeur (1). Voir débat du Docteur A. Mebtoul à la radio algérienne chaîne I en arabe avec l'écrivain Grine le 25 octobre 2007 : le paradoxe entre l'aisance financière et la stagnation de la sphère économique.
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