Algérie

Enseignants producteurs de l'échec



Un événement récent et malheureux m'a fait rappeler une pratique assez répandue dans les universités algériennes. Nous nous rappelons tous de ces cours difficiles dans lesquels la grande majorité des étudiants obtient une note inférieure à la note de passage, voire aucun étudiant n'était admis dans le cours.Les enseignants de ces cours aimaient se faire passer pour de grands connaisseurs dans leur domaine, et les étudiants finissent par se résigner en acceptant leur sort. Cette vieille pratique algérienne n'a pas complètement disparu, puisque récemment un enseignant a noté 250 étudiants avec un zéro dans un examen. Une telle pratique ne peut exister, à partir du moment où l'enseignant est évalué par les étudiants pour sa disponibilité en dehors du cours, son attitude, son entregent, sa maîtrise du contenu qu'il enseigne, la clarté de son exposé et la pertinence du matériel pédagogique. Ces évaluations par les étudiants servent l'enseignant lui-même pour prendre conscience de la qualité de son enseignement et pour l'améliorer.
Cependant, elles reposent sur le fait que l'étudiant est capable d'évaluer de bonne foi. Quand on enseigne une matière, il est toujours possible de composer un examen où aucun étudiant ne peut obtenir une note de passage. Il est difficile de donner une essence à cette pratique de l'évaluation de connaissances à l'extérieur de l'ignorance de ce qui est l'objectif d'un examen ou encore la vérification des connaissances acquises durant un cours. La compréhension de cet objectif conduit à une meilleure explication des résultats obtenus par des étudiants dans un cours en vue d'une amélioration de l'enseignement. Pour cela, il faut revenir à la notion d'un programme d'enseignement par le contenu. Un programme est un ensemble de thèmes structurés en cours qu'un étudiant doit acquérir durant une période de temps pour enrichir ses connaissances thématiques et pour développer des habilités dans une discipline ou dans un secteur donné. Il y a donc un objectif global pour un programme qui se décompose en objectif spécifique pour chaque cours, voire pour chaque groupe de cours.
Un enseignant connaît l'objectif spécifique qu'il doit atteindre dans le cours qu'il offre. Généralement, il dispose d'une description générique du cours. Et il lui appartient de l'affiner en choisissant le contenu approprié à transmettre aux étudiants, le matériel pédagogique et les travaux à leur faire faire pour mieux assimiler ce contenu, et enfin de choisir le contenu des examens pour la vérification des connaissances acquises. C'est ce dernier point dont l'importance a souvent été sous-estimée en Algérie (et dans les systèmes d'enseignement issus de la France). A partir du moment où l'examen sert à évaluer l'acquisition des connaissances, sa complexité doit égaler être celle du contenu enseigné. Autrement, il y a, soit une sous-évaluation, soit une surévaluation de l'apprentissage, et dans les deux cas il est difficile de valider l'objectif du cours. Ce schéma de l'enseignement suggère que les résultats d'un examen s'expliquent au moins par trois groupes de facteurs. Premièrement, il y a l'adéquation du contenu à transmettre avec l'objectif du cours tel qu'il est décrit dans le programme. Les programmes sont conçus pour assurer un apprentissage graduel à travers un séquencement de cours et donc de connaissances transmises aux étudiants.
Par exemple, on exige des connaissances préalables dans des cours précédents ou dans des cours concomitants pour pouvoir suivre un cours. L'enseignant prépare son matériel pédagogique de façon concertée avec ses collègues pour s'assurer de la cohérence du séquencement des notions apprises au préalable ou en concomitance. Deuxièmement, il y a l'engagement des étudiants pour acquérir les connaissances. Bien sûr, on peut rencontrer dans une classe quelques étudiants minimalistes qui ne voient pas plus loin que le diplôme qu'ils veulent obtenir à tout prix, sans se soucier de leur chance d'accéder à un emploi relatif à leur diplôme. Cependant, il y a une réalité qui fait mentir ces enseignants producteurs de l'échec ; pour être présents dans le cours, tous les étudiants ont réussi les cours précédents ou des examens nationaux. Troisièmement, il y a la présentation du contenu, l'entregent, la disponibilité et l'évaluation de connaissances.
Par exemple, les technologies de l'information sont devenues incontournables en enseignement et il existe de nombreux logiciels dans le domaine public pour produire le contenu, le rendre disponible, améliorer la qualité de l'exposé, intéresser l'étudiant, évaluer les travaux et reconnaître le plagiat. Revenons maintenant à l'enseignant producteur de l'échec. A travers les résultats obtenus par ses étudiants, cet enseignant avoue qu'il n'a pas atteint les objectifs du cours parce qu'il n'a pas été disponible pour les étudiants, ou il a mal évalué l'apprentissage, ou il a mal choisi le contenu, ou il a mal transmis la connaissance, ou il ne maîtrise pas le contenu, pour ne citer que ceux-là. Une évaluation erronée de la connaissance incombe à cet enseignant et à son établissement. Les universités devraient offrir des activités pédagogiques aux enseignants afin de les aider à mieux accomplir leur tâche d'enseignement et d'encadrement.
Par Djemel Ziou
Professeur, Canada


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