Algérie

Enseignants du supérieur


« La nouvelle grille des salaires est une publicité mensongère » L'ambiance était peu studieuse hier à l'université des langues et des sciences sociales de Bouzaréah. L'on distinguait, au loin, un air d'Eric Clapton sur une guitare mal accordée. Les cours n'ont pas été assurés hier mais il était difficile de savoir à qui revenait « la faute ». Les tracts de l'Union nationale des étudiants algériens (Unea) qui a appelé à une grève de trois jour pour la réalisation des ses « 100 et 1 » revendications faisaient presque oublier que les enseignants devaient également répondre à l'appel du Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes) pour demander l'amélioration de leurs conditions socioprofessionnelles. Du coup, les étudiants attribuaient la paralysie de l'université à la réussite de leur mouvement de protestation tandis que les enseignants l'imputaient à la formidable mobilisation des professeurs. Dans la salle des profs du département de psychologie, l'on se rend compte que la colère des enseignants du supérieur est bien réelle. « Ils nous ont ridiculisés avec leur nouvelle grille des salaires. Des enseignants du supérieur classés au 10e échelon touchent 65 000 DA. Mais l'on est en train de faire une campagne disant qu'ils gagneront avec la nouvelle grille 150 000 DA/mois, ce qui est totalement faux. L'on est en train de faire de la publicité mensongère », s'insurge un professeur en psychologie. La « publicité mensongère », explique-t-il, cause du tort aux enseignants dans la mesure où « elle donne une fausse image à la société ». « Si on achète des tomates, le vendeur pensera qu'il peut nous les fourguer à 70 DA puisqu'on en a les moyens, maintenant que nos salaires ont été revus à la hausse », glisse-t-il. L'un de ses collègues insiste sur ce qu'il appelle le « mensonge d'Etat ». « On nous ment. On nous dit que les diplômes détermineront le niveau des salaires, nous savons bien que c'est faux. Il y a des docteurs qui vendent des cacahuètes. Je connais un ingénieur d'Etat qui vend des fruits et légumes. Les gens croient que nos salaires sont augmentés chaque mois », s'insurge-t-il. Et d'enchaîner : « Pourquoi des personnes illettrées ont d'aussi grandes prérogatives dans ce pays ? Pourquoi de simples licenciés (nommés par décret) ont une retraite dorée et des enseignants ayant un doctorat sortent sans le sou ? Pourquoi ne sommes-nous pas payés comme nos confrères maghrébins ? Les enseignants mauritaniens gagnent 2100 euros mensuellement, les Marocains touchent 4000 euros et les Tunisiens ont un salaire qui avoisine les 1400 euros. Pourtant, ces pays sont pauvres et l'Algérie est un pays riche. » La même ambiance régnait hier à l'institut de journalisme et des sciences sociales de Ben Aknoun. Là encore, le débrayage des étudiants de l'UGEA a volé la vedette à celui des enseignants. M. Chaâbani, professeur en journalisme, explique que ce mouvement de protestation fait suite à « la sourde oreille » du gouvernement aux revendications des travailleurs de la Fonction publique. « Peut-être est-ce une forme de mépris de la part de nos dirigeants », dit-il. Lui aussi évoque les salaires des enseignants marocains et jordaniens qui donnent des complexes aux Algériens. « J'ai eu une expérience malheureuse en discutant avec des confrères tunisiens et jordaniens. Alors que je touche à peine 550 euros, mon collègue tunisien a lui 1400 euros par mois. Ça donne à réfléchir », raconte-t-il. Un enseignant en sciences politiques analyse la situation des professeurs sur un ton ironique : « On me dit pourquoi n'es-tu pas satisfait, je leur réponds que tout va bien. Je suis satisfait lorsque je donne mon cours sous la pluie, content de mon salaire de misère. Je n'ai pas le droit de me plaindre. » Puis il se met à décortiquer le comportement des travailleurs algériens. « Regardez, les gens sont tous debout mais aucun ne fait son travail correctement. Ils sont complètement démotivés. La productivité a baissé car les travailleurs se disent qu'ils devront bosser selon ce qu'on leur donne », constate-t-il. Alors qu'à l'extérieur les étudiants s'amusent sur un air de Clapton, notre interlocuteur use du ton de Bob Marley. « On doit se battre pour nos droits », s'exclame-t-il.
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