Plutôt dans tous
les sens des deux termes utilisés, à l'endroit comme à l'envers. De la gauche
vers la droite ou inversement. De haut en bas ou à la verticale, de l'amont
vers l'aval ou dans le sens contraire. Dans les sens usités et ceux
sous-entendus de l'expression ainsi conçue et pondue pour les besoins de
l'analyse.
Nature et savoir,
dans cet ordre des choses ou dans l'autre positionnement des deux mots du
puzzle, sont des mots-clefs autour desquels s'articule l'école nationale
supérieure agronomique (ex INA) pour se dévoiler à son monde des connaissances
et perpétuer ainsi une tradition vieille de plus d'un siècle déjà. Créée en
1905, l'ex INA est cette première école Algérienne du savoir agricole et du
monde rural, née au tout début du siècle dernier. Et à propos de cette
école-là, je retiens deux dates-symboles ; à savoir celles de 1974 et 2010,
soit à un intervalle de trente-six ans de différence dans la chronologie du
temps qui passe. Ainsi, pas plus tard qu'hier encore, je me disais à moi-même :
« trente-six ans, déjà ! ». Comme le temps passe si vite… ! Et après trente-six
ans passés dans la vie d'un être humain, il n'ya pas trente-six solutions pour
revisiter ces mêmes-lieux. L'école n'ayant depuis pas bougé, ni changé de
territoire géographique, il fallait lui revenir sur les mêmes lieux et par la
même porte d'entrée qu'autrefois. En septembre 1974, ce fut ma première visite
de l'école en question. Ce souvenir était resté encore vivace dans ma mémoire
tant le décor m'avait visiblement enchanté et par endroit ensorcelé. A cette
date-là, je me rendis à cet magnifique endroit tout juste pour rendre visite à un
ami, alors étudiant en première année d'ingéniorat. L'endroit m'avait alors
enchanté. Il m'avait vraiment fasciné. Je succombais à son charme naturel et
beau sous tous ses aspects, dispensant en plus ce savoir destiné à ce monde
rural et paysan d'où je suis originaire. D'où je venais moi-même. J'avais comme
l'impression que cela m'était prédestiné et que je ne pouvais y accéder à cause
de la nature du bachot que je détenais, acquit à la même année. Je jalousais
beaucoup mon hôte qui me recevais pour l'occasion sans rien lui montrer du
malaise que je ressentais en visitant ces lieux du savoir où la ferme est
l'objet de tous ces diagnostics et expérimentations journaliers décortiqués sur
ces tables et laboratoires d'étudiants privilégiés dont la filière de mon bac
m'excluait de facto. J'avais longtemps contemplé les lieux, ces lieux
paradisiaques pour un gars leur parvenant du monde rural d'à côté, convaincu
que je venais de rater là la chance de ma vie de réaliser ce rêve d'enfance de
retourner avec ce diplôme ici acquit travailler la terre de mes aïeux et
enfance. Et même si le niet (administrativement parlant) était catégorique, je
ne perdis jamais espoir dans mon entreprise de plus tard revenir à cette terre
nourricière, le savoir inculqué par l'école en moins s'il le faut, vu que mon
admission comme étudiant relevait du domaine de l'impossible. En quittant le
grand portail de l'école, la joie provoquée juste un instant plus tôt
s'effaçait complètement. Les traits de mon visage se rétrécirent. J'éprouvais comme
de la nausée, ne pouvant admettre cette exclusion plutôt justifiée.
Je réalisai alors combien le chemin était
encore loin. Cependant, en gardant bonne mémoire de la visite qui m'avait
émerveillée, je ne perdis aucun espoir de pouvoir un jour profiter du savoir
rural distillé sur ces mêmes-lieux, quitte à y revenir plus tard sur mes pas et
sur ces mêmes lieux, munis d'un autre baccalauréat, m'ouvrant grande ouverte
cette porte du savoir à laquelle je ne pouvais tout à l'heure légalement y
accéder.
L'endroit, ensorcelant et enchanteur à
souhait, n'a pas besoin d'être présenté. C'est au contraire lui qui se présente
à vous, fort de ses nombreux atouts, atours et secrets dus à la nature de son
environnement et à sa beauté exceptionnelle mais surtout à la qualité de son
enseignement destiné à ce monde rural privé de tous les privilèges dont dispose
la ville pour paradoxalement bien nourrir ses nombreuses populations. C'est
donc au plan utilité et développement durable que ses situe la fonction
essentielle de l'école en question, s'appuyant sur l'infrastructure de ce
secteur primaire pour y injecter toutes ces expérimentations ayant fait leur
preuve dans le monde agricole. En l'école en question, la nature, très
généreuse et parfois démunie de tout, ne pouvait trouver meilleur allié,
meilleur défenseur sur tous les plans ; celui du savoir en particulier pour se
dresser tel un avocat convaincu du bien fondé de sa mission et défendant
crânement mais correctement cette cause commune de toute l'humanité où le monde
de l'agriculture y tient cette fonction stratégique et place plutôt
privilégiée.
Située à
proximité du bleu de la mer et de l'espoir, grand comme l'étendue d'un océan,
l'INA, alors arborait cette verdure printanière et durable, comme habit de
toujours à vous retremper à tout moment dans la beauté éternelle de ces près
naturels situés à quelques pas de la ville. L'image magnifique et fantastique
que je gardais de ces lieux me revenait assez souvent dans ma mémoire, aussi
belle et aussi prenante et imposante, à chaque fois que quelqu'un évoquait
malencontreusement l'endroit de son site, ses valeurs historiques ou
naturelles, sinon le produit de son enseignement mis alors à contribution et à
l'épreuve de Dame Nature, si rude et si féconde et généreuse ! Depuis, c'était
plutôt de ces beaux souvenirs de cette école –la mienne me disais-je à chaque
fois, mais qui me fuyait- que je vivais. Dont je me suffisais. Me régalais, à
temps perdu lorsqu'il m'arrivait de me retrouver tout seul en rase campagne au
beau milieu de ce monde rural, à la nourriture frugale et à l'organisation
sociale encore tribale. Depuis cette mémorable visite de ce haut lieu du savoir
rural destiné à métamorphoser le monde paysan algérien, c'était plutôt mes
souvenirs qui prenaient largement le dessus sur ces réalités tangibles et
amères qui me tenaient bien loin de ces techniques destinées au monde rural où
je vivais et duquel je tirais l'essentiel de ma subsistance et autre joie que
me procurait cette nature. Du premier coup, il y eut entre cette école-là et
moi-même ce coup de foudre instantané et éternel, lequel ne pouvait déboucher
facilement sur cette lune de miel tant attendue, entre l'homme et la nature,
entre la terre et celui qui la travaille, entre cette richesse naturelle et cette
force de travail attachée à ce berceau de l'agriculture, pur et dur comme l'est
la nature au travers de ses nombreuses saisons. Et personne parmi mes
interlocuteurs, nombreux à intervenir dans ma vie de fellah, ne pouvait me
dissuader à changer d'idée au sujet de l'école autrefois longuement visitée, ni
à celui du métier très dur que je continuais malgré tout à l'exercer. Personne
ne pouvait non plus me persuader du contraire de ce que j'éprouvais franchement
au profit de l'école, cette école-là qui s'adressait chaque jour que fait Dieu
au monde rural, dont je suis heureux et très fier d'y appartenir. En paysan
butté et réputé fidèle à la nature et à ses principes au plan de l'alternance
de son fonctionnement, je continuais à toujours considérer l'INA comme cette
grande école qui pouvait un jour tirer notre agriculture de sa torpeur en y
injectant chaque jour une bonne dose du savoir dont a énormément besoin
l'économie rurale et le monde de l'agriculture en général. A telle enseigne que
je me décidai en septembre 2010 à revisiter ces mêmes lieux dont la profondeur
de leur transformation du monde rural de par le monde me hantait à chaque
instant. Alors, trente-six ans plus tard, me levant de bonne heure comme tout
paysan qui se respecte, je me préparai à cette nouvelle visite comme si je
devais de nouveau me rendre à l'université. Cette autre université dont je ne
pouvais avoir ce droit d'accès pour les raisons citées plus haut, affranchi
cette fois-ci de cette ferme volonté de franchir à nouveau son grand portail
pour de nouveau baigner dans ce monde rural évolué qui me manquait. Je le
faisais cette fois-ci convaincu de la justesse de mon acte, conduisant pour
l'occasion, mon propre fils à s'y inscrire et y demeurer, le temps d'embrasser
une carrière d'ingénieur agricole que l'école en question savait depuis
longtemps dispenser à ces fils d'indigènes restés encore attachés à la terre de
leurs aïeux et dont je fais encore partie. Même si l'exclusion de facto de
l'époque n'en avait pas totalement été effacée de ma mémoire de jeune étudiant
dont les séquelles demeurent présentes à l'instant où je transcris ce texte qui
me tenait à cÅ“ur de vous communiquer sa teneur, ses émotions et le rêve
d'adolescent longtemps entretenu depuis.
En fait, le rêve,
autrefois d'adolescent, longtemps caressé en son temps, mit beaucoup de temps
pour enfin se réaliser, consommant depuis sa naissance plus de trois longues
décennies ! Ce fut donc tout naturellement à mon fils nouveau bachelier dans la
série toute indiquée de le réaliser, par procuration sinon par intuition
parentale et sentimentale, allais-je dire ! Mais… avec quel retard, me dis-je,
totalement ébloui de saisir au vol cette occasion de rachat par personne
interposée. Cette attente était trop longue à supporter. Ce fut infernal ! Je
devais pour cela attendre toute une génération et un peu plus : oui ! trente
six ans ! J'allais dire toute une éternité !
Voilà pour le
volet histoire d'une nuit de miel enfin –difficilement admise quand même- que
je considérais presque éternelle, tant les liens entre ladite école et moi-même
sont toujours restés assez solides, puisque les ponts n'ont jamais été rompus
ou coupés ! Bien au contraire, et depuis ma première visite des lieux tout
indiqués, ces derniers se sont définitivement scellés même si, à titre
officiel, je n'ai jamais figuré sur une quelconque liste des nombreux effectifs
d'étudiants admis à l'école, très nombreux, au fait, à avoir depuis investi le
monde vaste et trop compliqué de notre agriculture.
Quant au présent,
le notre je veux dire, associé à celui de la grande école, bien entendu, les
choses se présentent un peu différemment. Parfois tout autrement ! Comment cela
? Aux nouvelles valeurs humaines que véhicule le temps est venu s'ajouter
celles arborées ou tout juste pratiquées, sinon insinuées par certaines gens,
accrochées au pouvoir ou tout simples administrés d'un état-nation, mouvant et
très prolixe dans ses textes et logique de contexte.
Vue de l'extérieur, la grande école
d'autrefois réussit tout de même à défier le temps, présentant apparemment le
même visage que celui arboré durant les années soixante-dix du siècle dernier.
Hormis sa nouvelle appellation, laquelle n'ajoute absolument rien au mérite de
sa condition d'antan, elle garde le même aspect et les mêmes reliefs et autres
repères naturels qu'autrefois –faits, il est vrai- d'un vert chatoyant et
attrayant, mariant à loisir dans cette même couleur celui porté par sa
formidable verdure, formée d'arbres et de près, avec l'aide de cette peinture
fraichement repassée sur ses grilles et nombreux accès tirant vers ce même
coloris.
Jadis la doyenne
des grandes écoles de la région, l'INA est aujourd'hui à la traine par rapport
à ses semblables, loin de lui tenir tète, il y a tout juste quelques décennies,
étreignant son élogieux palmarès tel un lourd fardeau difficile à supporter au
milieu de ce nouveau paysage où le « savoir rural » n'a plus sa place et où
notre première préoccupation a cédé le pas et beaucoup de terrain à ces métiers
de l'argent sale et à l'opportunisme politique occasionnel qui a tout détruit
de ce qui naguère était considéré comme un vrai repère sociétal. Le monde vient
de lui tourner le dos après que les gouvernants du pays aient eu à négliger son
apport dans le développement économique du pays. L'agriculture, parent pauvre
de nos programmes gouvernementaux, traine encore et toujours la pate
comparativement à d'autres secteurs budgétivores mais peu pourvoyeurs en
matière d'emploi et d'autosuffisance alimentaire. Pour une nation qui se soucie
beaucoup plus du retard mis dans l'arrivée à quai de son navire céréalier lui
parvenant de ces lointaines contrées que de la récolte céréalière du pays,
l'INA, hier, ni même l'ENESA aujourd'hui, n'auront aucune considération ni
place de choix sur l'échiquier économique de la nation.
Ce constat est lattant. EcÅ“urant même ! Mais
tout le monde fait avec ou presque ! Et lorsqu'il s'agit de vanter les mérites
de notre agriculture, l'INA est la dernière institution du pays à être
consultée pour ce faire. C'est normal, dirions-nous, puisque tout s'opère au
travers de ce gonflement démesuré de nos chiffres de récoltes comme de
consommation pour donner l'illusion d'une vraie dynamique du secteur. Certains
statisticiens autoproclamés, et souvent réclamés par la haute sphère du pouvoir
à cor et à cri, sont tout indiqués pour cette sale besogne, faite - il est
vrai- bien souvent sans la moindre vergogne !
L'INA, cet important institut d'autrefois et
cette grande école de nos jours, ce lieu du savoir tout indiqué qui garantit ce
futur immédiat de l'économie du pays, fort de ce palmarès éloquent et élogieux
de son histoire toujours pérenne, croule sous le poids des problèmes liés à son
présent dont il peine énormément à leur trouver la meilleure solution. Avec une
si belle histoire capable de hisser cette école très haut au sein de la
pyramide du savoir, le grand institut d'autrefois dont le concours d'accès aux
bacheliers faisait ce tri nécessaire pour ces futurs ingénieurs d'état est
aujourd'hui bien moins côté administrativement que ceux se situant dans le
voisinage.
Pire encore, il n'a même pas été érigé au
statut de grande école. Quelle bêtise humaine, me dis-je ! Même si certains
échos nous parvenant d'ici et là continuent à encore susurrer qu'il n'y a
aucune raison de le doter de cycle préparatoire propre aux grandes écoles. Cela
est une autre raison de voir les choses pour un esprit fainéant, ayant
longtemps caractérisé un pays lorgnant tout le temps vers la mer pour
satisfaire à ses besoins en alimentation de base de ses populations. Un pays
qui ne sait faire du commerce que dans le sens de l'importation des produits
d'autrui vers son propre territoire est déjà réglé dans cette optique de servir
de réceptacle à leurs débouchés. Il n'aura jamais la présence d'esprit de se
hisser à leur niveau. De penser un jour à les concurrencer sur leur propre
territoire en s'engageant à exporter vers ces marchés extérieurs ses propres
produits. Mais… avant cela, faut-il encore produire ? Cela est bien le rôle de
l'INA après la disparition forcée ou voulue des ITMA et de l'INA ! La
destruction en règle de tout ce qui faisait naguère le prestige de l'économie
socialiste d'antan avec ces fleurons d'instituts qui –il faut bien l'avouer-
pullulaient à travers le territoire national. Plutôt que de faire ce diagnostic
sévère, il est préférable de fermer à ce niveau-là la parenthèse ouverte juste
un instant auparavant.
En tout état de
cause, le rêve longtemps cajolé par le père vient d'être brillamment réalisé
par son propre fils, admis en 2010 à faire valoir ses connaissances au sein de
cet institut. Ainsi, une génération s'en va et une autre est déjà là pour la
remplacer au pied levé. Le monde ne change qu'à travers les gens qui le
commandent, si bien que leurs besoins du moment sont parfois très différents
que ceux de leurs aïeux. Au demeurant, la science est bien passée par là. A
déjà fait ses effets ! Souhaitons que ces bienfaits de la science rendent
également visite de manière fréquente à nos champs de blé. Ils en éprouvent un
grand besoin. C'est plus que certain ! Le changement attendu vient d'abord des
mentalités de nos dirigeants. Sont-ils vraiment disposés à changer le fusil
d'épaule ?
Notre visite de l'intérieur même de l'école
nous fixera certainement sur les tenants et les aboutissants de ce changement
tant souhaité tant par ces écolos que par ces nombreux agronomes.
Une visite guidée
des lieux vous sera livrée prochainement dans un article à paraitre
ultérieurement.
(*) Universitaire
et écrivain. Il est également l'auteur d'un titre intitulé : «pain, lait et
patate : ce triplé gagnant !», paru en 2009 chez Edilivre, en France.
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Posté Le : 23/09/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Slemnia Bendaoud*
Source : www.lequotidien-oran.com