Algérie

Enquête-Témoignages Nous avons été cambriolés



Enquête-Témoignages Nous avons été cambriolés
Entre frustration, impuissance et injustice, les victimes de cambriolage se sentent toutes atteintes dans leur honneur et leur dignité. La maison, synonyme de sécurité, est ébranlée.
Farida, 45 ans, enseignante : «On ne se sent à l'abri nulle part»
Farida, victime d'un cambriolage, rentre chez elle après une journée de travail. Cette enseignante raconte : «Le plus choquant est déjà de trouver la porte entrouverte. Pendant quelques secondes, je me suis dit que j'ai oublié de la fermer le matin avant de partir. Mes enfants ne reviennent pas à la maison avant mon retour du travail. En quelques secondes, on passe de la frayeur à la sidération en passant par les crises de larmes. Ce qui est le plus choquant est de rentrer chez soi et de se rendre compte que des inconnus ont pénétré dans votre maison. Ils ont fouillé dans nos affaires, dans notre vie, c'est vraiment un choc. Pendant longtemps, je ne suis plus rentrée chez moi seule. Je ne me sentais plus à l'abri dans ma propre demeure ; c'est comme si mon ultime refuge avait été investi.»
Mohamed, 55 ans, retraité : «Un coup pour sa dignité»
Dix années après avoir été cambriolé, Mohamed, retraité, n'a pas oublié. Il entame son récit : «Nous avons déménagé depuis ce cambriolage, mais pour mon épouse, mes enfants et moi-même, nous n'avons jamais effacé de notre esprit ce drame. Nous habitions dans un quartier résidentiel et très calme. Nous n'aurions jamais cru être victime d'un cambriolage dans un tel endroit.» Employés dans des entreprises publiques, Mohamed et son épouse étaient absents de toute la journée. Nos enfants étaient scolarisés à cette époque-là. Ils ne rentraient pas à la maison à midi, et se rendaient chez une nourrice. Lorsque nous sommes rentrés le soir, nous étions sous le choc. La maison était sens dessus dessous. Les robes de mon épouse, les bijoux, l'argent et même une chaîne hi-fi ont disparu. Tout ce qui avait de la valeur a été volé. Le plus choquant est que les voleurs ont pris le temps de manger. Ils se sont servis dans le réfrigérateur. Ils se sont assis à la table de la cuisine, et après s'être repus, ils ont laissé la vaisselle utilisée et les restes des sandwichs qu'ils ont préparés.» Sans comprendre pourquoi, Mohamed s'est senti responsable et coupable. «J'ai vu le visage décomposé de mon épouse qui tentait de ne pas pleurer et l'air perdu de mes enfants ; je me suis dit que je n'ai pas protégé ma famille. Ma dignité a pris un sacré coup. Sur place, j'ai pris toute ma famille chez mes parents. De retour, je me suis rendu au commissariat pour déposer plainte et je suis revenu chez moi. J'ai tenté de ranger la maison.» La famille de Mohamed mettra du temps avant de s'en remettre. Elle déménagera peu de temps après.
Lila, 40 ans, femme au foyer : «On se sent violé»
Lila ne quitte la maison que pour rendre visite à ses parents ou pour assister à des fêtes. Il ne se passe pas grand-chose dans sa vie entre le ménage, les repas à servir pour ses enfants, la télévision et les voisins. «Quand la date du mariage de ma sœur approchait, j'étais très contente. Je pouvais enfin rompre avec la routine. J'attendais avec impatience les vacances pour pouvoir passer quelques jours chez mes parents et pouvoir les aider dans les préparatifs. » Pour cela, Lila a dû convaincre son mari de laisser la maison vide toute une journée. «J'ai mis beaucoup de temps et de volonté pour le convaincre qu'il pourrait se servir le café seul le matin et venir dîner chez mes parents. Cela voulant dire, qu'il n'y aura personne pour surveiller notre maison», explique Lila. Cette dernière n'aurait pas dû parler à ses voisines de ce changement d'habitude. Et pourtant ! «J'étais très contente de changer de vie pour quelque temps. J'ai alors informé ma voisine de palier que je serais absente une semaine. Le premier jour de mon absence, notre appartement a été cambriolé. Tout a été volé. Les voleurs ont même tenté d'ôter la faïence des murs.» Le mari de Lila viendra la chercher le lendemain pour constater les dégâts. «Je me suis sentie violée dans mon intimité. J'étais tellement choquée que je n'ai pas pu prononcer un mot pendant plusieurs heures. Au final, je ne suis pas restée une semaine chez mes parents mais un mois. J'étais trop choquée pour rentrer chez moi rapidement et avoir le courage de rester seule.»
Sid-Ali, 34 ans, chef d'entreprise : «On perd confiance en soi»
Pour Sid-Ali, cela a été encore plus dur car il s'est retrouvé seul pendant plusieurs jours à cogiter cette situation. «Mon épouse est originaire d'Oran. Pour chaque vacances scolaires, je l'emmène elle et les enfants chez ses parents. Pour changer, je me suis dit que nous partirons par train. Le lendemain à mon retour, je n'ai rien trouvé chez moi. La villa était vide. Il n'y avait plus rien à part de la vaisselle cassée.» Pour Sid-Ali, les cambrioleurs ont «fait les choses en grand». Il a laissé les clefs de son camion à la maison. «Les cambrioleurs l'ont utilisé pour tout prendre. Ils ont fait des allers-retours pour tout déménager. Ils n'ont rien laissé.» Pour lui, les cambrioleurs les ont surveillés et avaient une complicité dans le quartier. «Quand je suis arrivé chez moi, je me suis retrouvé dans une maison vide. Je me suis assis par terre pendant une heure sans me rendre compte de ce qui se passait réellement. Après cela, je me suis rendu au commissariat. Je suis revenu à la maison. Je n'ai rien dit à ma famille jusqu'au jour où je suis parti la chercher. Entre-temps, j'ai acheté des lits et quelques affaires.» Depuis, Sid-Ali ne fait plus confiance à personne.


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