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ENQUÊTE-TEMOIGNAGES Drogue, tabac, ces «amants» qui nous veulent du mal !



Beaucoup de jeunes hommes, femmes et adolescents en Algérie ont déjà goûté aux délices, souvent néfastes, des substances naturellement hallucinogènes ou juste apaisantes du tabac ou du haschich. L'alcool ne manque pas non plus d'attirer une jeunesse assoiffée de sensations fortes et de nouvelles expériences. Et les genres ne constituent aucunement un rempart à ces nouveaux «comportements» nocifs, voire mortels, car filles et garçons, hommes et femmes sont égaux face à la curiosité d'essayer tel ou tel produit, et ensuite face à la dépendance que cela engendre.
D'après un sondage effectué auprès de la population d'une des villes d'Algérie, Bouira pour ne citer que celle-là, 20% des filles et 80% des garçons ont déjà goûté à la cigarette, et vivre dans une grande ville ou fréquenter les bancs de la fac est un facteur multiplicateur de ce genre d'expérience qui relève plus de l'imitation et de la «mode» que d'une réelle envie de fumer. Cela reste cependant secret et occasionnel et se résume à tirer une taffe entre copains et copines, loin des indiscrétions. Néanmoins, dans la majorité des cas, la dépendance ne tarde pas à s'installer ; commence alors le combat de la discrétion, surtout pour les filles qui doivent trouver quelqu'un d'assez fiable pour leur fournir les précieuses clopes.
Ryma, 30 ans, fumeuse malgré elle
C'est le cas de Ryma, jeune maman au foyer, qui, pour avoir fumé trop souvent avec sa meilleure amie «pour le fun», s'est retrouvée dépendante et «quémande» maintenant des cigarettes auprès d'un ami commerçant fumeur. «Au début, ma copine ramenait un paquet de cigarettes qu'on fumait en rigolant pour décompresser. Je me suis mariée très jeune, à 19 ans, et ma belle-famille est stricte et ne tolère aucun dépassement. Alors dès que mon époux et moi avons pu vivre seuls, j'ai trouvé cette échappatoire pour oublier un peu toutes les contraintes de la vie. Je ne pensais néanmoins jamais devenir dépendante. En effet, j'ai vite réalisé que rester sans ma cigarette du jour me rendait particulièrement nerveuse et que la migraine ne me quittait plus ; et pour m'en procurer, pas question d'aller chez un buraliste ; les rumeurs se propagent comme de la poudre au vent dans notre petite ville. Je m'adresse donc quelquefois à un ami commerçant qui me passe trois ou quatre cigarettes en attendant des jours meilleurs.»
Shanez, 17 ans, lycéenne et ne roule pas sur l'or
Parfois, aussi, trouver l'argent pour payer des Marlboro à 200 DA le paquet ou des L&M light à 140 DA n'est pas toujours chose aisée ; car oui, pour une fille branchée comme Shanez et ses copines du lycée, fumer des Rym ou des Nassim, certes pas chères, n'est pas très faisable et pas du tout à la mode. Du coup, elle et ses copines cotisent pour se procurer les fameuses cigarettes et frimer pendant la récréation. «Quand je fume, je me sens pousser des ailes, j'ai l'impression de vivre en France ou aux Etats-Unis et que je suis l'égale de mes idoles de la télé», nous confiera Shanez, le regard plein de fierté. Pour le cannabis, les filles sont, somme toute, égales aux garçons. Ce psychotrope appelé kif, haschich ou marijuana, naturellement euphorisant et désinhibant, parfois même hallucinogène, n'en est pas à ses débuts auprès de pans entiers de la population qui trouvent en cette herbe une certaine relaxation et une ivresse «naturelle». Et malgré les innombrables campagnes de sensibilisation sur les méfaits de sa consommation et alors que la loi en interdit toute consommation ou possession (aussi infime soit-elle), beaucoup de gens savent que fumer un joint ou deux n'est pas vraiment néfaste ; les manuels médicaux excluent toute dépendance au cannabis et certains avancent qu'une consommation légère n'est pas néfaste pour la santé.
Lynda, 25 ans, prof et grande amatrice de cannabis
Fumer du haschich en résine ou en herbe n'effraie donc pas grand monde et encore moins cette jeune femme qui veut goûter, elle aussi, au nirvana. Ainsi, cette fan de Bob Marley a découvert les délices de l'ivresse de l'herbe sur les bancs de la fac. «Des copains m'ont passé un joint et je suis tout de suite tombée sous le charme de cette substance relaxante.» Néanmoins, cette jeune femme active, qui ne voit pas de mal à se décontracter de temps à autre avec ce produit naturel, déplore l'impossibilité pour une fille de s'en procurer : «Les garçons que je connais m'ont dit qu'il faudrait, pour acheter de la drogue, se poster devant un immeuble bien connu des habitués et d'attendre l'arrivée du dealer, opération que je ne me risquerai jamais à tenter… Du coup, je fume occasionnellement en partageant le joint avec mon fiancé qui cède parfois à ce caprice peu commun. » Un luxe que ce jeune couple se permet pour «se sentir libre et planer un instant au-dessus des liens noués par la société». L'alcool, quant à lui, reste assez réprimé par les mentalités des femmes algériennes ; boire de l'alcool est strictement interdit . La société ne tolère pas les ivrognes et les débits de boissons se trouvent généralement dans des endroits reculés et loin des regards indiscrets et moralisateurs. Surtout que se procurer les fameuses boissons enivrantes, comme le Whisky ou la Tequila, n'est pas aisé et même impossible. Pour boire, il faut entrer dans un bar, et en Algérie, y pénétrer est synonyme de tous les sacrilèges et de toutes les fantaisies. La prostitution est le premier mot qui vient à l'esprit de celui qui voit une fille dans un bar et qui de surcroît boit de l'alcool. Il n'est cependant pas impossible de rencontrer des jeunes femmes qui apprécient la boisson, mais qui le font discrètement chez elles.
Rachda, 26 ans : «Mon préféré c'est la vodka !»
Rachda, travaillant dans le milieu de la nuit, nous confiera à ce sujet : «Mon père était alcoolique, on avait donc toujours de l'alcool à la maison, ce qui m'a facilité la tâche. J'ai commencé à boire à l'âge de 15 ans, et au lycée, je prenais carrément des bouteilles d'alcool pour les boire avec des copains.» Cette jeune femme ajoutera néanmoins que les hommes qui connaissent son secret la considèrent comme une fille facile, et ne l'envisagent nullement comme compagne de vie. «Je tombe toujours sur des hommes brusques et sans attention qui croient que je leur tomberais dans les bras une fois que la boisson aura fermenté dans mon cerveau, mais ils sont vite désenchantés de me voir aussi sobre qu'avant et encore moins conciliante avec eux.» Un comportement plein d'a priori qui pousse beaucoup de femmes à rester discrètes sur leurs penchants alcoolisés.
Plaisirs ancestraux, à vous le micro !
Le tabac à priser, la chique, chema ou encore neffa ; cette mixture artisanale composée de feuilles de tabac réduites en poudre additionnées de quelques gouttes de salive est célèbre pour son odeur repoussante, voire nauséabonde. Pourtant, de nombreuses femmes des zones rurales, notamment, recouraient au tabac à priser pour calmer les douleurs dentaires et continuaient à en consommer une fois le mal passé et l'addiction installée.
Nna Zaâzi, octogénaire, «prise» depuis plus de quarante ans
C'est en Petite-Kabylie que cette veuve sans enfants vit depuis sa plus tendre enfance et perpétue cette consommation à laquelle l'avait habituée son défunt mari. «Je préparais les doses de chema à mon époux et il m'autorisait à en consommer avec lui. La première fois fut un peu difficile car, en plus de l'odeur forte, la chema donne des maux de tête insoutenables, mais l'habitude a fait que c'est vite devenu une pratique incontournable et nécessaire.» Nna Zaâzi ajoutera que priser de la chique est une activité très apaisante et dont elle ne peut plus se passer surtout depuis la disparition de son mari.


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