Algérie

Enquête-Témoignages



Avec la cherté de la vie, boucler les fins de mois devient un exercice de haute voltige pour les bourses moyennes. Comment les chefs de famille s'organisent-ils pour atteindre le jourde la paie sans trop de casse ' Tirent-ils le diable par la queue ' Ont-ils recours à une enveloppe d'urgence ou au système D ' Tour d'horizon.Hafid, 45 ans
«Il n'y a pas si longtemps, on parvenait à joindre les deux bouts sans trop d'encombre. Nous sommes deux à ramener un salaire à la maison et pourtant, les fins de mois sont souvent difficiles. Avec l'inflation galopante et l'augmentation des prix de tous les produits de consommation, y compris ceux de première nécessité, tenir jusqu'à la prochaine paie relève de la gymnastique acrobatique. Avec ma femme, nous réservons des enveloppes pour les différentes dépenses : nourriture, carburant, factures, soins, besoins des enfants”? Nous avons aussi une enveloppe destinée aux économies, mais force est de constater qu'elle est toujours vide à la fin du mois. En fait, c'est là que nous piochons en général durant la semaine qui précède le virement de nos paies. Les salaires stagnent alors que les prix ne cessent d'augmenter. En plus, il y a toujours des dépenses imprévisibles : panne de voiture, réparation d'une fuite”? Gérer les fins de mois lorsqu'on est salariés est loin d'être une sinécure.»
Zohra, 39 ans
«Je ne sais pas gérer ma paie. Chez moi, c'est Byzance les trois premières semaines et pain sec ensuite. J'exagère à peine. Personnellement, quand ma paie tombe, je flambe l'argent sans regarder à la dépense. Je fais plaisir à mes enfants, j'achôte de tout sans faire attention à ce qui reste dans la cagnotte. L'argent va surtout dans l'alimentaire. Viande, fruits, légumes”?, tout est cher. Mon mari et moi tenons à ce que nos enfants ne manquent de rien. Et lorsqu'il ne reste que quelques billets pour finir le mois, j'accommode les restes et gave ma famille de pâtes. Le jour de la prochaine paie, la table s'enrichit à nouveau de plats améliorés, puis rebelote avec les restrictions durant les jours qui précèdent le virement.»
Bachir, 48 ans
«J'ai une excellente gestionnaire à la maison en la personne de mon épouse. Elle s'occupe du foyer et j'avoue qu'elle s'en sort très bien. Elle gère le budget comme une fourmi. Ma femme veille à ce qu'aucun aliment n'atterrisse à la poubelle. Grâce à cette organisation millimétrée, je parviens à boucler les fins de mois sans coup férir. Il arrive toutefois que les quatre ou cinq jours précédant la paie soient ardus à cause d'un imprévu : un ennui de santé, des invités à honorer, un cadeau à offrir. Dans ces cas-là , je suis obligé d'emprunter de l'argent auprès d'amis jusqu'à la prochaine paie.»
Djamel, 39 ans
«J'ai une enveloppe sur laquelle j'ai noté ''urgences . Chaque mois, j'y glisse quelques billets en espérant que je n'aurais pas à y toucher. Cet argent est réservé aux tuiles qui nous tombent parfois sur la tête. Quand tout va bien, l'enveloppe reste fermée. Cet argent aide aussi à financer quelques jours de vacances avec ma femme et mon petit garçon durant l'été. Malheureusement, ces derniers temps, mon enveloppe d'''urgences est systématiquement vidée vers le 25 du mois. Pas étonnant lorsqu'on voit la mercuriale qui flambe. Avant, on allait jusqu'à deux fois au restaurant par mois. Je préfère me priver de certaines sorties que d'être au rouge avec ma banque.»
Samira, 43 ans
«Afin d'éviter de tirer le diable par la queue quatre ou cinq jours avant le virement de la paie, je rationalise mes dépenses tout au long du mois. Pas d'excès les premiers jours pour me retrouver dans l'obligation d'infliger des menus de misère à ma famille à la fin du mois. Je note toutes mes dépenses dans un carnet et je fais très attention à garder un certain équilibre entre l'utile et le futile, en gardant bien sûr une place pour les petits plaisirs de la vie. Grâce à cette organisation, je ne suis jamais aux abois avant la nouvelle paie.» Arriver à boucler ses fins de mois sans tirer le diable par la queue semble être un exercice difficile pour la plupart des citoyens.
En cause, les hausses des prix de tous les produits de large consommation et la stagnation des salaires. Une inflation qui rend les fins de mois difficiles, en dépit de toutes les précautions prises. n


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