ENQUÊTE-TEMOIGNAGES «Ma soutenance, le plus beau jour de ma vie»

Avec l'accès de plus en plus démocratisé et plus prononcé des filles à la faculté, nombre de comportements se sont vu muer au féminin avec, notamment, la célébration plus que festive des soutenances de mémoires ou de rapports de stage de fin de cycle universitaire, avec parfois des étudiantes accoutrées en petites mariées et escortées par de vraies troupes musicales et des plateaux entiers de plats et de pâtisseries, le tout arrosé de youyous, de larmes de joie et de danses. Des pratiques qui séduisent également les garçons qui invitent, pour l'occasion, toute leur famille et régalent leurs amis et invités de gâteaux variés et de limonade.
Ibtissem, 24 ans
Cette fraîche émoulue de l'Ecole nationale supérieure de Kouba a soutenu brillamment son mémoire en biologie devant un parterre d'invités composés de ses parents, tantes, cousins, cousines, frères et sœurs venus en cortège de Skikda ainsi que ses amis de fac et ses copines de chambre : «Pour cet égrènement, qu'on ne vit qu'une fois, ma famille a préparé pas moins de quatre variétés de gâteaux, ajoutés aux thermos de thé, de café et des limonades dont la centaine de présents ainsi que les profs se sont délectés». Pour cette occasion unique, Ibtissem a aussi tenu à se présenter sous son meilleur jour en s'offrant un tailleur acheté spécialement pour l'occasion afin, dit-elle, de «paraître au meilleur de moi-même devant les examinateurs et sur les photos souvenirs prises pendant la présentation de mon rapport de stage». Ainsi, et après une présentation empreinte de trac et de stress, notre étudiante a eu droit à une vraie petite fête autour de sucreries et rafraîchissements, et a également reçu des cadeaux de la part de ses amis venues en grand nombre pour la soutenir et la féliciter. «Cet événement est réellement un incontournable dans la fac, chaque étudiante digne de ce nom se doit de régaler ses invités qui, à leur tour, ramènent des cadeaux-souvenirs afin de marquer ce jour d'une pierre blanche et de l'ancrer dans les mémoires.»
Abdelghaffar, 23 ans, a fait dans la simplicité
Pour ce jeune homme de Bouira, qui a reçu les félicitations du jury et a donc décroché sa licence en gestion-finances de l'université de Béjaïa, «tout le secret d'une bonne soutenance réside dans la simplicité ; petit comité composé de parents et d'amis proches puis un bon repas convivial pour clore cette longue journée». Côté vestimentaire, notre étudiant a adapté son confort à l'obligation de la tenue correcte : «J'ai opté pour un classique simple : chemise, cravate, pantalon en toile et chaussures impeccables afin de respecter le «correct» exigé pour l'occasion, mais sans pour autant ressembler à un nouveau marié… car après tout, l'essentiel est dans le contenu de ce que j'ai présenté, pas dans ma tenue vestimentaire.» Il n'en demeure pas moins que ce jeune homme dit comprendre parfaitement ses autres camarades qui ont cédé aux vieux usages en préparant des gâteaux et des rafraîchissements, et qui se sont présentés en costume trois pièces.
Dahlia, une maman aux petits soins avec ses fils
C'est avec une nostalgie apparente, mêlée de fierté, que cette maman de deux jeunes hommes nous raconte comment elle a célébré, il y a près de dix ans, les soutenances de ses deux «bébés» et pour lesquels elle n'a lésiné sur aucun moyen. Pour faire de ces deux événements des souvenirs indélébiles, autant pour les lauréats que pour toute leur famille réunie pour l'occasion, Dahlia a fait dans le sensationnel en célébrant les soutenances de ses fils comme de vraies fêtes de mariage. «Comme je n'ai que mes deux garçons, il était impératif de leur offrir le meilleur, aussi bien pour leurs petites réussites scolaires, comme le BEM ou le bac que lors de la remise de leurs diplômes universitaires, le plus important de tous. Ainsi, avec mon dernier, qui a décroché avec brio son ingéniorat en génie civil à l'université de Tizi-Ouzou, Kamel, mon époux et moi avons carrément réservé la salle du prestigieux hôtel Djurdjura, avec plus d'une centaine d'invités réunis autour d'un déjeuner et d'un café.» Des souvenirs grandioses que la petite famille a immortalisés en bandes vidéo dont elle a fait des copies pour les proches et amis.
Hanen, 22 ans, prépare d'ores et déjà sa soutenance
Cette jeune étudiante originaire de Souk Ahras, à l'Est algérien, rencontrée à l'ENS de Kouba, où elle poursuit un cursus qui fera d'elle une prof de mathématiques du cycle secondaire, est en quatrième année, et devra présenter un rapport de stage l'année prochaine. Interrogée à ce sujet, notre interlocutrice n'a pas caché son impatience concernant «cet événement exceptionnel et unique dans la vie d'un étudiant et qui doit se faire en total respect avec la tradition.» Une tradition que les aînées de Hanen ont fait ancrer dans la mémoire collective et que les jeunes générations respectent sans discuter. Ainsi, et selon notre future lauréate, la tenue dans laquelle elle se présentera le jour J devra être classique et classe, sans trop de fioritures mais néanmoins originale, elle sera agrémentée de quelques bijoux discrets et d'un léger maquillage naturel. Côté préparatifs de bouche, Hanen nous confiera que sa maman lui confectionnera un plateau de baklawa, un incontournable des fêtes de soutenance, ainsi que deux autres variétés de gâteaux aux amandes qu'elle offrira aux invités, copains et copines de fac et également aux profs et aux membres du jury, «bien entendu si la soutenance se passe bien». Une réception à laquelle les frères, sœurs, cousins, cousines, tantes et oncles ne manqueront pas de participer quitte à faire plus de huit heures de trajet. Des sacrifices qui n'effraient nullement la jeune femme qui n'a qu'une seule hâte, «célébrer enfin cette journée d'exception et garder le maximum de bons souvenirs de ma vie universitaire».