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ENQUÊTE-TEMOIGNAGES Les goélands se cachent pour pondre



L'œuf du goéland est un remède contre l'allergie. L'information a été vite relayée par radio-trottoir de Skikda. Conséquence : des jeunes initiés cupides ont procédé au pillage des œufs au niveau de la presqu'île le Vent du rocher et le rocher les Sept-Îles, deux rochers escarpés à mi-chemin entre Skikda et Collo, exactement entre Oued Tanger et Oued Bibi, deux plages interdites à la baignade, dans la commune de Aïn Zouit, à plus d'une vingtaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya.
Sous le manteau, selon des sources concordantes, «l'œuf-remède» est cédé aux «patients» à hauteur de 500 DA. Et sur commande, svp ! Un marché, clandestin cette fois-ci est né, à caractère curatif, parallèle à celui des herbes médicinales que l'on vend dans tous les coins de rue.
B. Mohammed, 34 ans, licencié
Résidant dans l'un des grands quartiers au sud de la ville de Skikda, Mohammed est un jeune qui a souffert d'une allergie accompagnée de fortes toux, survenues généralement en automne et au printemps, qui a duré de 2003 à 2006. En 2005, il a consulté une allergologue. Prescription médicale et recommandations d'éviter la poussière, la farine et la laine ont été au menu de l'auscultation. Après une «accalmie» qui a duré juste une année, la toux revient aux mêmes saisons, un peu atténuée durant la seconde. Ironiquement, il dira : «Comment éviter la poussière omniprésente à Skikda et la farine, difficile également du fait que je gère une pâtisserie '» Les commérages féminins ne sont pas souvent inutiles. La preuve : c'est au cours d'une discussion qu'une femme a recommandé à la mère de Mohammed, de consommer l'œuf du goéland. Initialement réticent, notre patient ira faire sa petite investigation dans le milieu marin. Oui, lui dit-on, cet aliment a déjà prouvé son efficacité. «J'ai pu me procurer trois œufs que j'ai pris la peine de consommer trois jours de suite, à raison de deux fois par jour. Je mangeais un demi-œuf cru à jeun le matin, et la deuxième moitié, la nuit, avant de me coucher sur le ventre. Les résultats sont tout simplement incroyables : je n'ai plus toussé jusqu'à l'année écoulée, même durant les saisons où généralement cela m'arrivait. Je tiens aussi à rappeler que le goût amer et la couleur verdâtre de l'œuf ne sont pas pour faciliter sa consommation.» La radio-trottoir s'est chargée de la diffusion des vertus thérapeutiques de l'œuf. Les réactions ne se sont pas fait attendre. Des jeunes avides de cupidité ont trouvé un créneau dans le domaine du trafic : piller les œufs et procéder à leur vente pour 500 DA l'unité ! Bien sûr, aucune preuve tangible ne peut être avancée pour confirmer ces propos, mais l'information est bien réelle, elle a été rapportée par des sources concordantes. Une rumeur stipulant le pillage des œufs au niveau de Sirijina, dans la baie de Stora, à 4 km de Skikda, où cette espèce nicheuse (leucophée) y a éli domicile depuis des décennies, a été vite démentie par plusieurs personnes. Un barreur travaillant pour le compte de l'Office national de signalisation maritime (ONSM) est l'une d'elles. Il s'indigne contre cette pratique, tout en se montrant menaçant à l'endroit des gens qui l'exercent. «Si jamais j'attrape un jeune touchant aux œufs des goélands, il aura affaire à moi.» Même l'un des gardiens du phare de Sirijina avoue n'avoir pas eu vent de cette affaire de pillage, sinon il se serait interposé. Sirijina, espace interdit, est donc épargné. Du côté de la Conservation des forêts de la wilaya de Skikda, on dit méconnaître ces détails.
«J'ai pu me procurer trois œufs que j'ai consommés trois jours de suite, à raison de deux fois par jour. Je mangeais un demi-œuf cru à jeun le matin, et la deuxième moitié, la nuit, avant de me coucher sur le ventre. Les résultats sont tout simplement incroyables : je n'ai plus toussé jusqu'à l'année dernière.»
Notre interlocuteur semble être seulement mis au parfum par notre «révélation». «A Sirijina, le goéland d'Audouin, reconnaissable par un point noir sur le bec, est une espèce protégée. Actuellement, nous n'avons fait le comptage des oiseaux, notamment le goéland, qu'au niveau de la commune de Ben-Azzouz, où on a recensé une dizaine de couples. En revanche, chaque année, à la même période, un couple leucophée (espèce nicheuse qui se caractérise, elle, par un point rouge sur le bec) opte pour lieu de ponte, un immeuble en bas de notre siège !» Un goéland coopératif, qui, ponctuellement, aide la conservation des forêts dans sa mission de comptage, en se mettant tout près de son siège ! Au sujet des vertus thérapeutiques, Slim Benyacoub, ornithologue, professeur en écologie animale à l'université de Annaba, responsable d'une station de recherche en écologie, a un autre avis.
N. B., président de l'association subaquatique
Il nous rapporte, quant à lui, avoir consommé en omelette l'œuf du goéland au cours d'un camping à la Grande plage dans les années 1980. Il n'en garde pas un mauvais goût. «Peut-être qu'à cette époque, l'oiseau ne s'alimentait pas dans les décharges sauvages, mais préférait seulement la chair des animaux marins. Je me rappelle que ce fut entre mai et juin, avant l'incubation, à la plage de la Carrière. On ramenait les œufs du feu de signalisation de couleur verte, au niveau du rocher Le Lionceau, appelé communément La Croix.» Justement, depuis quelques années, les goélands ont un nouveau «fast-food» : la décharge sauvage de la localité de Zefzef, tout près du cimetière, à 3 km du chef-lieu de la ville, transformée depuis en centre d'enfouissement technique, pour s'approvisionner en toutes sortes de déchets ménagers. Cela a eu, selon des connaisseurs, un effet palpable sur leur poids et leur fertilité. Ainsi, on aurait assisté à une prolifération de goélands, ce qui a provoqué un déséquilibre faunistique par rapport au nombre du cormoran, et ce, pour ne citer que cet exemple.
Des goélands «harraga» '
Le malheur aussi est que les goélands, se sentant menacés, ont changé de lieu de ponte, ils ont opté pour les toits des immeubles dans des cités à forte densité. Parmi elles, on peut citer la cité des Frères-Saker (Camus-Rossi Djdid), où l'espèce invasive s'est implantée avec «armes et bagages». Durant des semaines, les résidants ont eu à se familiariser avec le chant angoissant de cet animal, qui ressemble à des pleurs. «Une nuit, je me suis levé en sursaut, croyant à un décès dans le voisinage tellement le chant de cet oiseau, chose que j'ai apprise un peu plus tard, était strident et triste à la fois. Il s'est avéré que c'était sur l'immeuble d'en face, qu'une femelle a opté pour son lieu de ponte.»
Mais qui a volé les œufs du goéland '
La question rappelle le titre d'un des cinq films longtemps inédits d'Alfred Hitchcock. Le suspense dure toujours concernant leur pillage. Les mauvaises langues accusent les marins de Collo d'être à l'origine des vols répétés, chose que réfutent, à leur tour, ces derniers, qu'ils soient de Collo ou de Tamanart. Ils expliquent que le pillage est une manière moins meurtrière de stopper la prolifération des goélands, nuisible, comme on l'a déjà expliqué, à l'équilibre des espèces. Mais les pilleurs sont-ils vraiment minés par cet objectif ' Pas si sûr. Dans tous les cas, l'acte est répréhensible.


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