ENQUÊTE-TEMOIGNAGES

Alors qu'ils entament les premières années de leur quarantaine, qu'ils considèrent comme une seconde jeunesse, certains parents sont parfois contraints de jouer un nouveau rôle qu'ils n'attendaient pas de si tôt, celui de grands-parents. Beaucoup refusent catégoriquement cette situation.
Les spécialistes expliquent cette réaction par le fait que «devenir précocement grands-parents est pour eux un évènement annonciateur de la vieillesse qui les oblige à écourter une jeunesse qui, jusque-là, n'a pas été vécue pleinement». Pourquoi certains ont-ils toujours envie d'avoir des enfants si tôt ' Ce problème a été posé à un sociologue exerçant en milieu universitaire. Pour lui, c'est une question de génération et de réflexes familiaux ancrés dans les traditions des uns et des autres. Dans notre société, le cas où on est grands-parents de génération en génération est très fréquent.
Aujourd'hui, Karim, le fils de Hayet, est âgé de 5 ans, sa tante
Sihem a le même âge que lui. Ces gens pensent que c'est tout à fait normal d'avoir des enfants en étant jeunes. Cela entre dans le cadre du principe de répétition.
Nadjet est devenue grand-mère à 40 ans, elle a pris la place de sa fille
Cette grand-mère, aujourd'hui âgée de 44 ans, a accepté d'apporter son témoignage afin de faire partager son expérience et son opinion sur le sujet. Elle reconnaît : «Je n'ai pu empêcher le mariage précoce de ma fille aînée, qui, je pense, a été favorisé par son échec scolaire. Toutes mes tentatives ont été vaines et se sont soldées par un échec. J'estime avoir été mise devant le fait accompli. En raison de la mauvaise situation socioprofessionnelle de son conjoint, j'ai tout fait pour la convaincre qu'il fallait mieux s'abstenir, durant les premières années de concevoir des enfants, que d'en avoir, et ne pas s'en occuper, ne pas les assumer, ne pas les rendre heureux. Ma fille, malheureusement, n'a pas tenu compte de mes conseils et ce qui devait arriver arriva.» Comment avez-vous appris la nouvelle ' «Juste après le mariage, j'ai commencé à avoir des doutes, lorsque j'ai vu apparaître chez elle les premiers symptômes de grossesse (nausées et vomissements). En fouillant sa chambre, je suis tombée sur un dossier médical qui confirme mes soupçons (échographie et test de grossesse positif), alors j'ai beaucoup pleuré. J'ai été prise d'une profonde tristesse et le désespoir m'habita, car je me rendais compte que ma fille prenait le même chemin que moi. Je ne voulais pas qu'elle souffre. A l'époque, j'ai eu toutes les difficultés du monde à élever mes enfants, j'habitais avec mes beaux-parents dans un réduit d'un quartier populaire. Mon mari travaillait dur. Il était journalier chez un privé. C'était le calvaire.
Pour Mabrouk, être jeune grand-père ne pose aucun problème, puisqu'il a été lui aussi papa à 19 ans.
On vivait dans le dénuement. Il nous arrivait de ne pas manger. La nouvelle de la venue du bébé a chamboulé notre vie. Cela a été très difficile du fait de notre situation financière. Ma fille avait à peine 19 ans, elle se comportait comme une adolescente. J'ai décidé alors de prendre les choses en main et de m'occuper du nouveau-né, bien que cela m'ait contraint à me désengager de certaines responsabilités vis-à-vis de ma petite famille. Aujourd'hui, ma petite fille a un tonton de 2 ans de plus qu'elle, et ma fille vit mal sa place de mère. Etant consciente de la situation, on fait de notre mieux pour que les choses rentrent dans l'ordre progressivement.
Mahmoud, grand-père à 45 ans, cadre d'entreprise
Je suis grand-père pour la première fois, depuis déjà quatre années, mon adorable petit-fils est venu égayer ma vie. Il m'appelle papa, on me demande souvent s'il était mon enfant. Je vois personnellement que c'est très bien d'avoir des petits-enfants à cet âge, où on est toujours actifs et dynamiques. Mais il faut reconnaître aussi que dans ce cas, le père éprouve des difficultés à trouver sa place, qui, il faut le reconnaître, est le plus souvent prise par le grand-père. Il est à mon avis primordial de traiter ce problème avec la plus grande prudence, du fait des troubles psychologiques qui risquent d'affecter l'enfant. Etant encore trop jeune, il ne réalise pas qui est en fait son papa, à qui il faut obéir.
Zohra, 46 ans, a été enceinte à 41 ans
Il y a des femmes qui décident, la quarantaine bien sonnée, de faire un petit dernier, sans pour autant penser qu'elles ont des filles mariées, qui franchissent le pas pour devenir maman. Comment Zohra et sa fille Hayet de 19 ans vivent-elles cette situation ' Comment elles affrontent ce télescopage de génération ' C'est ce qu'on a voulu savoir en approchant les deux couples qui vivent dans un quartier périphérique de Guelma. Pour la mère «c'est embêtant, certes, mais pas malsain. A 40 ans, ce n'est pas interdit d'enfanter, mais seulement ça nécessite un suivi rigoureux ». Pour la fille, «c'est un cas qui est un peu délicat, qui met notamment la mère dans une position inconfortable, pour cause de préjugés. Mais de quel droit on prive une personne d'avoir un bébé, surtout quand il s'agit d'une ultime chance ' Personnellement, je pense qu'il s'agit là de belles choses à partager.» Aujourd'hui, Karim, le fils de Hayet, est âgé de 5 ans, sa tante Sihem a le même âge que lui.
Mabrouk 39 ans
Mabrouk habite une toute petite localité, située à quelques encablures de la ville de Guelma, va bientôt devenir grand-père. Sa fille Fouzia qui, en raison des difficultés scolaires, avait abandonné ses études très tôt, avant même la fin du cycle moyen. Ile est aujourd'hui, âgée de 19 ans et elle doit accoucher dans deux mois. Le futur grand-père, au chômage depuis 3 ans, apporte un grand soutien à sa fille, même s'il est convaincu que «ça sera très difficile pour moi d'être grand père, en raison de mes conditions socio économiques particulièrement défavorables». Toutefois, pour Mabrouk, être jeune grand-père, ne pose aucun problème, puisqu'il a été lui aussi papa, à 19 ans. «On est tous (sa petite famille) déterminés à soutenir Fouzia, elle doit vivre ce moment de joie comme il se doit».