Impunité des ambassadeurs, montants de leurs revenus réels, étendue de leurs malversations, puissance des réseaux comme celui de la «secte», Vincent Jauvert désacralise un «ministère à la dérive».Le livre a eu l'effet d'un pavé dans la mare: de nombreux médias, dans l'Hexagone, cela va de soi, mais aussi dans plusieurs autres médias américains, anglais, japonais, en ont fait leurs choux gras. Car il s'agit d'un voyage dans les arcanes d'un ministère devenu olympien, le Quai d'Orsay, entièrement dévolu depuis 2012 à la gloire de l'enfant terrible le Mitterrandien, Laurent Fabius. Une institution grandiose, donc, avec ses secrets d'alcôve, ses scandales connus et méconnus, ses mécanismes si particuliers de cooptation, de promotion et de péremption.L'auteur qui a enquêté pendant deux ans, parle d'un petit pas dans les coulisses de cette prestigieuse structure qui, à l'instar de nombre de représentants de cette France de façade, grande donneuse de leçons, ne cesse d'offrir sa face défroquée, à la face du monde, saupoudrée de corruption et de moralité douteuse dont la France a, depuis des siècles, le secret. Dans le compartiment de l'Histoire, style Louis XIV, on découvre les rayons hasardeux d'une gloire bien plus incertaine, où les coups de Jarnac le disputent aux galipettes dignes des prés les moins fleuris de France et de Navarre. Historiettes, alors, de vols, de prébendes, de parrainages scabreux et de services rendus toute honte bue. Un vrai régal qui va jusqu'à la nausée tant la cour n'en peut mais. Ce n'est pas le premier ouvrage ni le seul d'ailleurs qui brosse avec tant de vigueur les caractères bien trempés de ces prédateurs, à la faconde avariée. On y jongle avec l'argent public, au mépris des lois et des inspections. Presque toutes les représentations françaises à l'étranger partagent la tasse, entre copinages affichés des promus de l'ENA et détournements de fonds proprement occultés! Un ministère de souveraineté comme on en voit dans plusieurs autres pays, faut-il le rappeler. Dans cet ouvrage, Vincent Jauvert parle d'un Quai d'Orsay à la dérive et dénonce la multitude d'abus qui caractérisent un ministère longtemps drapé dans un culte du secret. On croirait que la diplomatie française est aujourd'hui à vau-l'eau.Les diplomates qui louent les locaux de l'ambassade à des entreprises et «oublient» de tracer les recettes jamais versées au Trésor public, ceux qui emportent la vaisselle et quelques babioles d'ornement historiques (18.000 tableaux, tapisseries, oeuvres d'art recensées dans le rapport Du Luart en juin 2014), ceux qui versent dans la pédophilie, ceux qui succombent aux petites agapes et rognent sur la qualité des vins et des repas servis au nom de la France, ceux qui confondent tel Douste Blazy la Thaïlande et Taiwan et ceux qui font un peu de tout. Quel monde, gente Marianne! Enorme travail, souvent référencé, mais pour l'essentiel basé sur des documents confidentiels que des diplomates ulcérés ont jugé nécessaire de produire pour dire tout leur écoeurement, tel est l'autre reflet de la France, qui n'a rien à voir avec l'apparat et le discours officiels, baignés de hauteur et de vertus criardes, volontiers donneuse de leçons, ivre de ses lettres et de ses droits de l'homme qu'elle bafoue effrontément quand elle se croit dans ses pénates. «Ces hauts fonctionnaires compétents ne supportent plus de voir le ministère des Affaires étrangères malmené budgétairement et à la dérive, parce qu'une nomenklatura est plus attachée à défendre ses propres intérêts qu'à défendre ceux de la France», dit l'auteur après deux ans de travaux à leurs côtés. Voire. Le mal est bien plus profond que cela. Mis à part les «Condorsays» dont il est opportunément question, car j'ai trouvé bizarre que l'essentiel du livre soit consacré à des «esprits» de la gauche caviar, mais bon, il y a un esprit malsain dans d'autres officines, les partis, les grandes entreprises nationales, les banques où les ascenseurs et leurs renvois fonctionnent à tire-larigot. Dans les mairies, les emplois fictifs sont légion et ne bénéficient pas, que je sache, au commun des mortels.Alors, qu'en diplomatie, cette île où n'entrent que les gens bien nés, si les nominations restent d'une grande opacité, qu'importe. Les énarques, les lauréats de concours et la litanie des proches du pouvoir, anciens conseillers de cabinets ministériels, de parlementaires, de copains de promotion de l'ENA à recaser, après tout, cela relève de la famille. De la cosa nostra, dit-on sous d'autres cieux. Et si le deal existe entre les machistes d'un autre temps et le lobby gay qui prend son pied, quoi de plus normal au pays de la «gay pride» et pourquoi diantre aller chercher jusqu'en Asie des poux dans la tête de cette ambassade surnommée «la cage aux folles»' On risque de se fourvoyer en imaginant qu'il ne s'agit là que des règles propres au Quai d'Orsay. Le monde de la diplomatie n'est-il pas, en fin de compte, universel...
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 25/04/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Chaabane BENSACI
Source : www.lexpressiondz.com