Sur le territoire de la commune de Béni-Saf, pas moins de 40 ha d’un lot de 110 ha appartenant au domaine forestier ont été privatisés grâce à des complicités au sein des différentes administrations qui ont en charge la sauvegarde du domaine privé de l’Etat.
Sur ce scabreux dépeçage du foncier dans la zone de Rachgoun, les responsables concernés ont peur de parler. Certains, comme le directeur des domaines, refusent tout entretien.
De puissants parrains sont-ils impliqués dans cette affaire?
D’aucuns le pensent eu égard à la relation affichée avec un ministre par le bénéficiaire du détournement en question, un particulier d’extraction sociale plus que très modeste devenu brusquement et inexplicablement milliardaire depuis moins d’une décennie.
Dans l’enquête que nous avons menée, nombre de détails sur les tenants et aboutissants ne peuvent être mentionnés, sinon cela aurait été par le biais du conditionnel, la rétention de l’information par les sources officielles nous ayant limité pour l’essentiel aux déclarations documentées des victimes et de citoyens outrés par le scandale. De la sorte, certains noms n’apparaîtront pas clairement sinon rien ne peut être publié et l’affaire continuera d’être étouffée.
Celle-ci avait commencé de façon anodine, il y a une année, lorsque le particulier sus cité, utilisant son épouse comme prête-nom, obtient de la Conservation des forêts la location de 7 ha au lieu-dit Zoudj Tine. Cette aire de broussailles et de forêt jouxte Béni-Ghenam, une petite agglomération secondaire de la commune Emir Abdelkader, en bordure de la RN 22, un axe qui mène à la très prisée plage de Rachgoun et, 10 km plus loin, vers l’est, à Béni-Saf. Les riverains frappent en vain à toutes les portes pour annuler cette location.
Quelques mois plus tard, le locataire réel défriche plus d’une dizaine d’hectares. Nouvelle protestation des riverains d’autant que le défrichage a empiété sur des biens privés ainsi que sur celui d’une EAC. Durant un mois, le massacre écologique perdure sans qu’aucune autorité ne réagisse, le lieu est par ailleurs l’un des très rares d’Algérie où vit un remarquable passereau: le serin autrement dit le canari. Lorsqu’enfin les forestiers se présentent pour verbaliser, ils apprennent que leur administration n’est plus propriétaire du bien qu’elle avait pourtant dûment loué, par prête-nom interposé, à son défricheur et dont le bail arrivait à échéance le 18 avril courant!
Accaparement
Les habitants de Béni-Ghenam n’en reviennent pas! En effet, du moins pour la partie défrichée, tout un chacun sait que cette étendue faisait partie de la ferme Jules Barret jusqu’en 1962. A cet égard, selon un plan cadastral établi le 10 janvier 1955 sur la base d’un jugement du tribunal de Rechmi prononcé du 14 octobre 1954, hormis une parcelle d’environ 7 ha des héritiers Benhassine et une autre de près de 4,5 ha des héritiers Benamar ainsi que l’emprise d’une ligne ferroviaire désaffectée de près de 2 ha, la ferme Barret occupait 47 ha.
A l’indépendance, l’exploitation du colon devient un domaine autogéré. En 1985, avec l’institution des EAC/EAI, le domaine devient l’EAC Rachid Ali moins une petite partie non exploitée jusque-là qui est versée aux forêts. C’est cette dernière qui a été défrichée avec empiètement sur des parcelles litigieuses, revendiquées par l’EAC et les héritiers Benhassine. Ces derniers se retrouvent avec seulement 2 ha sur les 7 qu’ils possédaient.
D’aucuns s’interrogent sur la façon dont les consorts Benamar ont pu s’accaparer un foncier étatique, tout un chacun n’étant d’ailleurs pas dupe quant à l’identité de la tierce personne dont le nom n’apparaît nulle part et qui en est le propriétaire réel.
Plus extraordinaire est l’accaparement de l’îlot n°21, en bord de l’embouchure de la Tafna traversant sur 1 km l’EAC Rachid Ali et enserrant dans une boucle ses 29 ha d’agrumes en plaine.
Les coopérateurs ont réagi fermement en apprenant que les tamaris couvrant le rivage allaient être défrichés par leur «nouveau propriétaire». En effet, ces arbustes constituent d’une part un brise-vent naturel pour le verger de l’EAC et d’autre part protègent le rivage de l’effondrement lors des crues.
Mais encore, selon un ingénieur des services de l’hydraulique, au regard du code des eaux, le lit majeur de l’oued (c’est-à-dire le lit à sec plus la zone inondable) auquel il faut ajouter 3 m des deux côtés du rivage pour la servitude, relèvent du domaine de l’Etat.
Comment ont-ils pu devenir une propriété privée?
Maintenant que l’élection présidentielle est passée, ce qui peut-être justifiait le black-out, est-ce que le dossier des enquêtes menées et adressée en haut lieu, selon ce qui bruisse dans les couloirs de l’administration, va enfin déboucher?
Mohamed Kali
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Posté Le : 23/04/2014
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo et texte: Mohamed Kali
Source : El Watan.com du mercredi 23 avril 2014