Devant un public de médecins et de responsables des structures publiques
de la santé, le professeur Mohamed Mebtoul et le professeur Lidoune
Nouri se sont partagé la tâche de présentation des
résultats de l'enquête réalisée par le GRAS (Groupe de Recherche en
Anthropologie de la Santé)
pour le compte de l'OMS.
L'Algérie a été retenue parmi douze autre pays africains par l'Organisation
mondiale de la santé pour cette enquête portant sur «Les prestations des soins
de santé essentielles en Afrique. Perceptions et réalités. Cas de l'Algérie». Le
choix du GRAS s'est fait sur la base des travaux de recherches de cette unité, l'unique
au Maghreb, et qui fête ces jours-ci ses vingt ans d'existence, avec un nombre
impressionnant de publications et de travaux. Rappelons qu'ONUSIDA
a déjà sollicité le GRAS pour une autre enquête sur les pratiques sexuelles.
Avant de se prononcer sur les résultats de l'enquête qui a mobilisé une
équipe pluridisciplinaire de vingt-trois chercheurs, Mohamed Mebtoul a évoqué les défis qu'il fallait relever au
préalable. Et en premier lieu celui de l'adhésion des «acteurs institutionnels».
Dans ce sens, le conférencier n'a pas manqué de les saluer sur leur
participation et leur disponibilité. Aussi, il fallait, soulignera-t-il, assurer
une formation des chercheurs pas du tout familiers
avec ce type d'entreprise. Quant aux objectifs que s'est fixés cette enquête, ils
sont au nombre de quatre. Le premier et le plus important est «l'analyse et la
description des attentes des usagers de la santé publique». Dans ce cadre, l'intervenant
insistera sur deux préoccupations majeures actuelles de l'OMS : rendre le
médecin généraliste au centre du dispositif de la santé publique d'une part et
la reconsidération de l'usager de la santé de telle manière de le rendre acteur
à part entière du processus de soins au lieu de le cantonner dans le simple
rôle de «consommateur de soins» passif. Le second objectif porte justement sur
la mise en exergue des contraintes des populations et l'analyse de la «notion
de participation». Le dernier objectif concerne les propositions qu'a avancées
cette équipe au terme de son travail. Un des volets le plus saillant de cette
entreprise.
Forte de son expérience de vingt ans d'existence sur le terrain, l'équipe
du GRAS propose «la régionalisation» du mode de fonctionnement du système
national de la santé publique. Le modèle fonctionnant à l'horizontal, excluant
même les acteurs de la santé notamment les médecins en les réduisant à de
simples exécutants de programmes nationaux ; méprisant les usagers en ne tenant
pas compte de leurs attentes et préoccupations, a montré ses limites. La
deuxième proposition forte est l'engagement «d'une profonde réflexion sur la
médecine de proximité». L'équipe du GRAS va jusqu'à proposer «une médecine de
famille» se basant sur une véritable complémentarité entre le patient, sa
famille et le médecin lui prodiguant les soins. Constatant l'inefficacité de
l'actuel système d'information sanitaire basé sur la note de service et
l'affiche accrochée sur les murs des établissements de santé, l'équipe du GRAS
demande une refonte totale de ce système d'information en tenant compte
notamment de la langue des usagers et de leurs pratiques. Aussi, elle plaide
pour un élargissement du champ d'action des associations des malades de telle
sorte qu'elles deviennent un partenaire à part entière au lieu de se limiter à
la collecte des dons et des actions de bienfaisance. Enfin, elle préconise la
valorisation des formes de solidarités déjà existantes et l'encouragement des
réseaux entre médecins et les autres acteurs de la santé publique. Le GRAS
compte et espère que l'OMS pèsera de tout son poids pour ramener les autorités
publiques à prendre en considération ces propositions. Dans ce cadre, il a été
dit et répété que les résultats de l'enquête n'ont fait que confirmer les
recherches précédentes réalisées par les différentes équipes du GRAS.
Les propositions avancées se basent sur les résultats auxquels ont abouti
les chercheurs qui ont réalisé l'enquête pour le compte de l'OMS. Parmi ces
résultats on a cité en premier lieu «la profonde insatisfaction des
populations» qui se plaignent en premier lieu du «mauvais accueil» et de
«l'absence d'écoute». Ces revendications sont récurrentes et essentielles chez
les personnes touchées par l'enquête. A ce propos, les deux conférenciers ont
indiqué que l'enquête a touché 840 ménages, répartis sur deux villes, «régions
contrastées», en l'occurrence Oran et Tissemsilt. Elle
a concerné aussi 6 établissements publics de santé, 45 entretiens approfondis
et 12 focus groupe. Par focus
groupe on entend un entretien collectif en présence des jeunes, des vieux et
des femmes. L'ONS a contribué à la confection de cet échantillon et
l'entreprise est considérée «enquête lourde» et n'a coûté que 5 millions de DA.
Ce qui est dérisoire eu égard à ses résultats, le monde et la logistique
qu'elle a mobilisés, constate un spécialiste. Parmi les résultats de cette
enquête, on signale «l'absence de confiance entre les acteurs de la santé». Dans
ce sens, le patient, et tous les travaux du GRAS insistent sur ce point, doit
être considéré comme acteur et non comme simple consommateur. Aussi, l'enquête
est arrivée à un constat répété partout ailleurs : «absence de l'Etat». Parmi
les attentes des usagers on note la revendication «d'un contrôle de proximité»
au lieu et à la place des «visites protocolaires» des hauts responsables qui
n'aboutissent à rien. En outre, les usagers réclament, selon cette enquête, un
autre type de «régulation» ne fonctionnant pas sur «la jonction administrative»
mais sur «un rapport contractuel entre les acteurs de la santé». Dans sa
présentation des résultats de l'approche quantitative, le professeur Lidoun Nouri a indiqué, entre
autres, que l'hypertension et le diabète sont les pathologies prédominantes
dans les deux régions touchées par l'enquête. Il a aussi indiqué que la
télévision avec un taux de 54% s'avère la première source d'information en
matière de santé, suivie par les amis avec un taux de 21% de récurrence. Toujours
dans le cadre des résultats quantitatifs, l'hôpital s'avère le premier recours
en cas de mal pour 52% des usagers. On notera le retour remarqué des
guérisseurs traditionnels et des guérisseurs spirituels comme source de soins.
Lors des débats, Mohamed Mebtoul a longuement
insisté sur la notion «d'acteur de santé». Il ressort de ses dires qu'aussi
bien le patient, le médecin et l'administrateur se trouvent, à des niveaux
différents bien sûr, dans la même situation. Tous, ils sont inscrits dans un
système les excluant et les réduisant à des exécutants. Il plaidera pour la
réhabilitation de l'écoute du patient. Dans cet ordre, il invitera les
étudiants à consulter «la banque de données» récoltée de l'écoute des patients
et qui se trouve à leur disposition dans le laboratoire du GRAS.
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Posté Le : 22/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com