Algérie

Ennahda doit gérer le salafisme en rassurant les laïcs mais en évitant le tout-sécuritaire (ICG)



Ennahda doit gérer le salafisme en rassurant les laïcs mais en évitant le tout-sécuritaire (ICG)
Dans un rapport publié le 13 février 2013, International Crisis Group recommande d'appréhender la situation en Tunisie de façon nuancée, loin de ce qu'elle qualifie d'« alarmisme excessif (de) l'opposition séculariste » mais sans non plus nier les évolutions violentes du salafisme tunisien. Pour les rédacteurs du rapport, si les groupuscules armés sont une composante marginale de ce courant, « le désordre qui agite le Maghreb, la circulation d'armes, la porosité des frontières avec la Libye et l'Algérie ainsi que le retour éventuel de ces jihadistes au pays » sont autant d'éléments qui font craindre une deuxième vague de radicalisation islamiste.
En Tunisie, « le pire a été évité en partie grâce à la réponse prudente d'Ennahda aux expressions religieuses radicales, laquelle relève tant du dialogue, de la persuasion que de la cooptation », estime un rapport publié le 13 février 2013 par d'International Crisis Group, ONG qui se donne pour mission d'« 'uvrer pour la prévention et la résolution des conflits armés ». Cette réponse, nuancent toutefois les rédacteurs du document, « connaît ses limites » qui mettent le parti islamiste au pouvoir « dans une position délicate, sous le feu conjoint des critiques non islamistes qui l'accusent de laxisme au niveau sécuritaire et des salafistes qui l'attaquent dès qu'il s'en démarque et soutient le recours à la force ».
Ennahda subit de l'intérieur même deux pressions contradictoires, souligne le rapport d'ICG, et ces pressions s'expriment par des « tensions qui se traduisent par un dilemme politique: plus le parti accentue son côté prédicateur et religieux, plus il inquiète les non-islamistes ; plus il se conduit de manière pragmatique, plus il s'aliène une partie de sa base et crée un appel d'air profitant à la mouvance salafiste ».
Dans la succession de violences que connaît la Tunisie, ICG recommande de distinguer plusieurs types différents: les « incidents liés à la pauvreté et au dés'uvrement », « les tentatives d'imposer un ordre moral » et l'« assassinat politique et (les) violences jihadistes ». Tout amalgame entre eux, prévient-elle, « ne ferait que pousser les salafistes à se regrouper autour de leurs tendances les plus radicales ».
Rappelant que le salafisme a connu ses « premières avancées » sous le régime de Ben Ali « en réaction à la répression subie par les forces islamistes en général et Ennahda en particulier », le rapport définit ses adeptes comme « une nouvelle génération de jeunes islamistes qui ne connaît pas bien Ennahda et se fascine pour l'imaginaire de la résistance tchétchène, irakienne ou afghane voit alors le jour ».
Les salafistes, « des acteurs de la vie économique » dans les zones pauvres
Le soulèvement populaire qui s'est soldé le 14 janvier 2011 par la fuite du despote tunisien a accéléré les décantations au sein du courant salafiste, estime le rapport d'ICG invitant à appréhender son action de façon nuancée et d'éviter de tomber aussi bien dans l'« alarmisme (de) l'opposition séculariste » que dans la négation du fondement objectif des peurs qu'elle exprime.
Le renforcement du salafisme en Tunisie ces deux dernières années a différentes manifestations, lit-on dans ce document d'ICG. D'abord, la « la présence accrue de militants salafistes dans les quartiers populaires les plus défavorisés », où ils « sont devenus des acteurs essentiels de la vie économique ». Il y a, ensuite, « l'affirmation d'un dogmatisme religieux » qui s'exprime à travers la banalisation des « violences à caractère vigilantiste » (contrôle moral des comportements relevant de la sphère privée). Il y a, enfin, « l'existence de groupuscules armés » qui, cependant, « n'ont pas entrepris d'opération de grande envergure » et « quittent le pays pour la Syrie, le Mali ou l'Algérie où ils ont formé une partie importante des preneurs d'otages du site gazier d'In Amenas ».
Cette situation où l'aile armée du salafisme est minoritaire peut-elle évoluer ' Oui, répond le rapport d'ICG, à constater « le désordre qui agite le Maghreb, la circulation d'armes, la porosité des frontières avec la Libye et l'Algérie ainsi que le retour éventuel de ces jihadistes au pays ». Le gouvernement tunisien semble conscient de la fragilité des équilibres actuels entre le salafisme de prédication et le salafisme violent. C'est pourquoi, il « a dû faire preuve de davantage de fermeté, vu la multiplication des incidents violents et la radicalisation du discours jihadiste à l'égard d'Ennahda ainsi que les pressions d'une frange de l'opinion publique, d'éléments du ministère de l'Intérieur et des Etats-Unis suite à l'attaque contre leur ambassade » à Tunis.
Dans cette conjoncture pour le moins complexe, les défis que doit relever le parti au pouvoir sont d'autant plus importants, conclut le document, que le meurtre de Chokri Belaïd a plongé la Tunisie dans une grave crise politique. La résolution de cette crise « dans l'immédiat », y lit-on, est nécessaire » mais au-delà, il est vital de régler les principaux problèmes du pays, « en évitant l'amalgame qui mettrait à l'index la partie la plus islamisée de la population », en « (limitant) le caractère cacophonique du nouvel espace religieux (...) tout en rassurant les plus sécularistes » et en « (renforçant la sécurité sans tomber dans le tout-sécuritaire ».
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