Algérie

Enjeux pour les initiés, mystère pour les profanes Un bâtonnier, c'est quoi au juste ?



Jamais dansl'histoire du barreau des avocats d'Oran, l'élection du conseil de l'ordre n'asuscité autant d'engouement que cette fois-ci. Et jamais la lutte pour l'accèsau siège de bâtonnier n'a été aussi âpre et aussi pleine de suspense - jusqu'aubout - que cette fois-ci.Des mots comme«barreau», «conseil de l'ordre», «bâtonnier»..., qui, dans un passé nonlointain, sonnaient comme de purs termes argotiques dans l'oreille du citoyen,font désormais partie de sa culture générale, de son «dictionnaire». Toujoursest-il que les lois et les règlements spécifiques à la profession d'avocatrestent pour beaucoup méconnus. A ce propos, citons un concept, plutôtmythique, assez répandu dans notre société: de nombreux justiciables, et pasforcément des illettrés, croient qu'un bâtonnier est un avocat hors pair quiparle avec feu en tout lieu, met le prétoire en flammes et fait trembler jugeset procureurs. Un «supra avocat» qu'on fait venir d'Alger au prix fort, quigagne tous ses procès, même les plus indéfendables, et dont l'immunité etl'impunité que lui confère le Système le poussent jusqu'à braver les magistratsen audience en alternant le ton pince-sans-rire et le ton insolent, les centpas et le pied de grue, les gestes doux et les coups de poings secs sur latable de la tribune. On se demande, par ailleurs, pourquoi le conseil del'ordre et tout particulièrement la chaire du bâtonnat suscitent tant d'intérêtchez les robes noires. Quels sont les privilèges moraux et/ou matérielsqu'offre à un avocat un siège au sein de ce conseil et spécialement celui de laprésidence ? Et enfin, mais surtout, pourquoi l'ambition de s'installer sur «le trône » fut, ces deux derniers mandats, démesurément plus fortequ'auparavant, tout comme le fut le nombre des prétendants au « trône » ? Al'évidence, la réponse ne peut être révélée par un avocat aguerri, parconfidence, ni par un avocat stagiaire, par ignorance. Aussi, est-il utile etjudicieux de revenir un peu aux définitions légales, qui sont énoncées dans laloi portant organisation de la profession d'avocat, profession qui est, faut-ille rappeler, « libérale et indépendante. »Il faut savoirqu'un ordre d'avocat - près une cour - (appelé aussi barreau) est composé detous les avocats inscrits au tableau de l'ordre ou sur la liste des stagiaires.Il est doté de la personnalité morale, présidé par un bâtonnier et administrépar un conseil de l'ordre qui le représente. Ce dernier, présidé par unbâtonnier, est composé de membres élus qui veillent à la défense des intérêtsmoraux et matériels de la profession.Un «super héros» ?Le conseil del'ordre est composé de 15 membres. Lorsque le nombres des avocats excède 300,le conseil est augmenté de 2 membres par tranche de 80 avocats, avec un maximumde 31 membres (c'est le cas du barreau d'Oran qui compte quelque 2.500avocats). Les membres du conseil de l'ordre sont élus pour une durée de 3 anspar l'assemblée générale, au bulletin secret et à la majorité absolue dessuffrages exprimés au premier tour et à la majorité relative au deuxième tour.Ils sont rééligibles. Plusieurs missions sont dévolues au conseil de l'ordre:gérer et administrer les bien de l'ordre, statuer sur l'admission au stage, surl'inscription au tableau de l'ordre et sur l'omission ou la radiation dudittableau, veiller aux principes de probité, de désintéressement, de modérationet de confraternité, contrôler la formation des avocats stagiaires, autoriserle bâtonnier à ester en justice, à accepter tous dons et legs faits à l'ordre,à transiger ou à compromettre, à consentir toute aliénation ou hypothèque et àcontracter tout emprunt ainsi qu'assurer les relations avec les organessimilaires à l'étranger. Le bâtonnier, lui, est élu parmi les membres duconseil de l'ordre ayant exercé effectivement pendant au moins 7 ans. Lebâtonnier représente l'ordre dans les actes de la vie civile et met en oeuvreles décisions du conseil de l'assemblée générale. Il est aussi compétent pourstatuer sur les demandes de changement de résidence dans le ressort territorialde l'ordre. Contentons-nous, pour clore ce rappel furtif des textes législatifs,d'évoquer un organe important et sensible: le conseil de discipline. Il estdécrété dans le règlement intérieur de l'ordre des avocats que, dans les 15jours qui suivent l'élection du conseil de l'ordre, celui-ci élit en son seinun conseil de discipline pour 3 ans au scrutin secret et à la majorité absolueau premier tour et à la majorité relative au deuxième tour.Ce conseil estcomposé de 7 membres, dont le bâtonnier est président si l'ordre comprend 2 ouplusieurs cours. Le conseil de discipline ne peut comprendre, en aucun cas,pour le même ressort de cour, plus de 3 membres. Le conseil de discipline estsaisi par le bâtonnier, agissant d'office sur plaintes, ou à la demande duministre de la Justice.Il ressort de cequi vient d'être dit que le bâtonnier n'est pas, certes, ce « surhomme » deloi, ce super héros des tribunaux, ce Maître Jaques Vergès qui gagne les procèsperdants et obtient la relaxe là où on ne peut espérer mieux que la prison àvie. Une frange du public vient d'être démystifiée à son égard, le bâtonnierreste néanmoins l'homme fort et très respectable chez lui, en ce sens que laloi l'a investi de larges pouvoirs au sein de l'organisation dont il est leleader.Mais autant sespouvoirs sont étendus, autant sa responsabilité est lourde et son emploi dutemps serré, au point de contrarier parfois sa tâche d'avocat. Or, ce sacrificeet ce dévouement à la « confrérie » sont compensés, amplement même, par leprestige de porter le médaillon virtuel de bâtonnier, qui vaut de l'or sur sacarte de visite couvrant le mandat et post-mandat, par le statut dereprésentant du barreau, méritoirement obtenu et non à titre « ad honores », àl'intérieur du pays comme à l'étranger, entre autres.BilansD'aucuns nepeuvent dénier le travail louable qui a été fait par l'équipe précédente,conduite par le bâtonnier Maître Ouahrani El-Houari, réélu dimanche dernierpour un nouveau mandat de trois ans, pour préserver et défendre les intérêts dubarreau des avocats d'Oran, améliorer le cadre social et professionnel desavocats, hausser le niveau de formation des stagiaires et tisser des liensfructueux avec des organes similaires à l'étranger.Des réalisations,on peut citer la Maison de l'avocat, projet en faveur duquel un remarquableeffort de promotion a été consenti: cofinancement par la Communauté européenneet des dons prévus par la loi, engagement officiel du ministre de la Justice,garde des Sceaux, d'équiper la Maison sur fonds du ministère. Jumelages avecles barreaux d'Aix-en-Provence, de Seine-Saint-Denis, de Casablanca etd'Agadir, avec en prime le choix d'Oran pour accueillir le jumelage collectifEuro-Med au cours du mois de mars prochain. On peut rappeler aussi l'adhésiondu barreau des avocats d'Oran au programme européen AGIS (mise au point d'unglossaire juridique international, formation professionnelle linguistique,assistance pour visa). Lancement d'une action en partenariat avec le barreaud'Aix qui consiste à assurer l'assistance judiciaire aux anciens combattantsalgériens dans l'armée française en vue de l'obtention de la réévaluation deleur pension: près de 200 personnes en ont bénéficié. Invitation à Oran deplusieurs personnalités célèbres (juges américains, avocats français...) pourdonner des conférences liées à la justice, en général, et au droit de ladéfense, en particulier, ainsi que l'envoi à l'étranger pour des cycles deformation de plusieurs avocats stagiaires. Sur le plan social, le nombre desconventions signées par le conseil de l'ordre avec les banques, lesconcessionnaires automobiles, les compagnies d'assurances, les représentationsconsulaires, entre autres, ne sont plus à compter, tout comme les privilègessonnants et trébuchants qui en découlent.Mis à partcertaines voix internes qui versent dans l'opposition, et qui de ce faitrendent un mauvais service à l'organisation et à la profession, le vrai défiqui se dresse sur la route de la nouvelle équipe élue pour tenir les rênes del'ordre des avocats d'Oran, c'est comment réconcilier deux « projets », plutôtdeux visions, qui, sinon opposées, sont différentes. L'une estime que leconseil d'ordre est trop porté vers les jumelages avec des organismes del'étranger au détriment des relations confraternelles au sein du barreau mêmeet juge qu'il faut oeuvrer au niveau du conseil pour « la réduction de lacotisation de 50.000 dinars » imposable à l'avocat stagiaire pour l'admission àl'ordre.L'autre estimeque les jumelages avec des barreaux de l'étranger relèvent d'une stratégied'échanges et de formation et que l'ordre des avocats « n'est pas uneassociation de pêcheurs à la ligne ». Elle souligne, d'autre part, que lemontant de la cotisation d'admission est nationale, car fixée par l'Unionnationale des barreaux, avec avis communiqué au ministère de la Justice qui n'apas contesté la décision, ajoutant que l'argent versé par les nouveaux admis vadans le fonds du barreau, donc leur profite en fin de compte.


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