Algérie

Enjeu stratégique pour Washington et Islamabad



Le Pakistan, jusqu'alors farouchement opposé aux attaques de drones américains sur son territoire, aura moins de latitude pour y faire objection si le chef des talibans pakistanais, Baïtullah Mehsud, a bien été tué de cette manière la semaine dernière, estimaient hier des analystes. Le Pakistan considère en effet que l'envoi par les Etats-Unis de ces avions sans pilote pouvant tirer des missiles ' plus de 50 en 2008 ' dans son espace aérien viole sa souveraineté nationale. Avec pour conséquence, le risque d'alimenter davantage encore dans la population les réactions antiaméricaines violentes, elles-mêmes susceptibles de déstabiliser le gouvernement civil en place à Islamabad. « L'élimination de Baïtullah Mehsud accroît la marge de manoeuvre des drones dans les zones tribales pakistanaises » à proximité de l'Afghanistan, explique Ishtiaq Ahmed, professeur en relations internationales à l'université Quaid-i-Azam. Les analystes jugent à cet égard que si ce décès ' mercredi dans un tir de missiles par un drone dans le Waziristan du Sud (nord-ouest du Pakistan) ' était confirmé, cela représenterait le plus important succès de la CIA dans sa guerre contre les militants islamistes au sein des zones tribales pakistanaises. Pour Ishtiaq Ahmed, « l'opinion publique pakistanaise devrait maintenant dire merci à l'Amérique, parce qu'elle a éliminé la plus grande menace pesant sur le Pakistan ». « Les Etats-Unis seront désormais en mesure de frapper davantage (les islamistes, ndlr), faisant valoir que c'est efficace, et le Pakistan n'aura aucune justification pour s'opposer à ces attaques », a, quant à lui, commenté Rahimullah Yusufzai, un expert des affaires tribales pakistanaises, interrogé par l'AFP.Le Pakistan a récemment relevé que l'intérêt des Etats-Unis s'était déplacé en direction de Baïtullah Mehsud, après s'être plaint du fait que les espions américains se concentraient sur les islamistes présents sur son territoire, susceptibles de mettre en danger les militaires américains déployés en Afghanistan. Les analystes soulignent à ce sujet que la décision de Washington de cibler Baïtullah Mehsud avait fourni une arme aux autorités pakistanaises dans leur lutte contre les extrémistes combattant dans l'ouest du pays, désormais perçus non plus comme un contrepoids face à l'Inde, mais comme une menace intérieure. La forte réprobation des Pakistanais face aux opérations des talibans en avril dernier dans les zones tribales et leur large soutien à l'offensive déclenchée par Islamabad pour les repousser ont également changé la donne. « Les Etats-Unis et le Pakistan disent qu'ils ont un ennemi commun et un combat commun », note Ishtiaq Ahmed. « Si les renseignements en vue de frapper Mehsud ont été fournis par le Pakistan, alors nous sommes témoins d'un nouveau niveau de coopération entre les deux pays », conclut-il. Le conseiller à la sécurité nationale du président américain Barack Obama, James Jones, avait, de son côté, déclaré dimanche que l'élimination du chef des talibans pakistanais montrait que les efforts des Etats-Unis pour forger des liens plus étroits avec l'armée pakistanaise allaient « dans le bon sens ».Des informations contradictoires circulent sur la mort de Baïtullah Mehsud dans le tir de deux missiles sur son fief. James Jones a ainsi affirmé dimanche qu'il avait bien été tué, tout en concédant qu'« il y a des informations en provenance de la tribu des Mehsud selon lesquelles il n'est pas mort ». C'est d'ailleurs un commandant taliban qui a mis au défi, hier, les autorités pakistanaises de prouver que son chef Baïtullah Mehsud avait été tué, comme Islamabad l'affirme avec quasi certitude. Hakimullah Mehsud, un des adjoints de Baïtullah Mehsud, a démenti au téléphone auprès de l'AFP toutes les informations données ces derniers jours par le gouvernement à son sujet et donc qu'il y ait eu des combats pour sa succession. Samedi, le ministre de l'Intérieur Rehman Malik avait fait état de possibles combats entre Hakimullah Mehsud et un autre commandant taliban, Wali-ur Rehman, pour la succession de Baïtullah Mehsud à la tête des talibans du Waziristan. L'un des deux commandants aurait été tué dans ces affrontements, avait-il ajouté sans le nommer. Plusieurs journaux pakistanais avaient ensuite indiqué qu'il s'agissait d'Hakimullah Mehsud. Ce dernier a également démenti la mort de son chef, affirmant que Baïtullah Mehsud était juste « un peu malade ».Si les informations sur des combats meurtriers entre successeurs potentiels de Baïtullah Mesud n'ont guère été confirmées, les commandants talibans s'étaient rassemblés en fin de semaine dernière dans leur bastion du Waziristan du Sud pour désigner son successeur.Par ailleurs, le Premier ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani a promis la fin prochaine du terrorisme dans le pays, dans une déclaration retransmise hier soir à la télévision nationale. « Désormais, personne ne pourra plus empêcher nos enfants d'aller à l'école, ou imposer un ordre par la violence et les armes au nom de l'islam », a affirmé M. Gilani à Saidu Sharif, l'ancienne capitale de Swat, lors de sa première visite dans la vallée de Swat (nord-ouest) depuis le début de l'offensive militaire d'envergure contre les talibans dans la région, fin avril dernier. « Les terroristes sont divisés et en fuite, et le jour est proche où ces ennemis de l'humanité rencontreront leur destin », a-t-il ajouté. « Le gouvernement allait reconstruire les propriétés détruites pendant l'opération et prendre des mesures concrètes pour réduire la pauvreté dans la région », a révélé M. Gilani. « L'existence du Pakistan et sa souveraineté sont au dessus de tout et nous ne ferons jamais de compromis en matière de sécurité », a-t-il affirmé.


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