« Je suis
profondément persuadé que n'importe qui peut développer son appartenance par
rapport à sa propre famille, car chaque fois qu'on plonge dans l'histoire d'une
famille, on trouve des choses extraordinaires ».A.Maalouf.
Lorsqu'en 1989
Amine Maalouf publia ses « Identités Meurtrières », il venait de poser les
préalables d'un débat qui fait l'actualité en France, mais pas seulement. Pour
Maalouf, la question identitaire passe par nombre de conflits nés d'un « besoin
contemporain de tout vouloir catégoriser », vouloir tout mettre dans un même
sac. En d'autres termes pouvons-nous évoquer la notion de citoyenneté et de
nation en tenant compte des particularités régionales, tribales, ethniques,
culturelles, religieuses, dialectales? Exercice difficile d'autant que les
exigences de la mondialisation reconnaissent par nécessité, de moins en moins,
les valeurs individuelles, celles qui fondent les caractères, les us et les
coutumes. La consommation a tendance à se normaliser, le capital a grand besoin
de circulation, faisant fi des frontières pour se reproduire, les sociétés se
transforment plus rapidement grâce à la technologie, de nouvelles valeurs
s'installent avec une rapidité incontrôlable, les systèmes connaissent de nouvelles
mutations et produisent des crises imprévues. Que restera-t-il de national, de
tribal, de linguistique, de religieux dans cette spirale qui donne le vertige
aux politiques, au point de lancer sur le marché des idées, des thèmes aussi
porteurs de conflits que cette fameuse « identité nationale » qui ne veut plus
rien dire de sérieux, mais qui peut se retourner contre eux ?
En France le débat prend forme à partir d'un
accoutrement qui s'appelle burqua, simple morceau de tissu porté par des femmes
et qui semble déborder sur une volonté politique d'intégration qui va jusqu'à
s'attaquer à une façon de s'habiller. En soi la burqua ou ses habits
périphériques, le hidjab, le niqab, le khimar ou le simple « foulard islamique
», ne sont que des formes d'attachement à une identité justement.
Il a été démontré par un groupe de
parlementaires que ces « signes ostentatoires » d'appartenance religieuse, ne
touchent qu'une minorité de l'immigration et plus particulièrement des
militantes, qui n'ont rien de femmes soumises, fait d'ailleurs bousculant les
croyances établies du pays des Droits de l'Homme, y compris Madame Amara. Pensant
poursuivre un débat qui a pris des dimensions inquiétantes, à la limite du
racisme post-colonial, le Président de tous les Français « sans exclusive »,
s'en remet aux institutions de son pays pour « lever le voile » sur cette
question qui pose le préalable d'une immigration positive. La création d'une
commission de pérennisation du débat comprendrait des intellectuels,
historiens, sociologues et parlementaires, qui doivent rendre leurs conclusions
sans obligation d'en référer aux principaux concernés les non–intégrés, se
situant dans la marge des valeurs républicaines. C'est dire qu'une nationalité
ne suffit plus à l'égalité. Un train de mesures est, par ailleurs, pris pour
faire de l'école, le centre des actions gouvernementales de la politique
d'intégration en associant parents et enseignants. Mais qu'est-ce que
l'intégration pour un immigré?
Quand on sait comme l'énonce Maalouf, à
propos d'un de ses personnages, immigré en Allemagne que « aux yeux de sa
société d'adoption, il n'est pas allemand ; aux yeux de sa société d'origine,
il n'est plus vraiment turc », se posent alors des questions de fonds qui
consistent à savoir qui intégrer et à quoi. Depuis que la France accueille des
populations particulièrement en provenance de ses anciennes colonies, on
demandait à ces communautés de participer à l'effort de développement par leur
travail et c'est ce qu'elles ont fait en contrepartie d'un salaire. Un rapport
clair. Jamais la langue n'a été le souci des patrons et il n'est pas étonnant
de voir des milliers de personnes vivant en France, communiquer avec seulement
quelques mots volés à la rue, aux bistrots ou aux chantiers.
C'était le fait d'une génération qui, tout en
restant attachée à des valeurs culturelles d'origine, a travaillé en France, a
fondé des familles, a fait l'effort d'instruire sa progéniture et fourni une
main- d'Å“uvre de rechange, une fois à la retraite. Elle n'a jamais essayé de
s'intégrer dans l'espace culturel français et jamais on ne le lui a demandé. «Bojor
messiou, merci madame », des années durant et ça a marché. Il est vrai que pour
cette génération en voie de disparition, les choses étaient différentes. Aujourd'hui
que les enfants ont grandi dans la marge des banlieues et des bidonvilles et
qu'ils ont développé une stratégie de survie, pas tout à fait conforme aux
règles sociales et juridiques au point de la qualifier de « racaille » que
veut-on intégrer même si, au plan politique quelques figurants au gouvernement
prouvent que l'aventure est possible. Particulièrement comme le rappelle
l'auteur de Léon l'Africain si l'on considère que « l'identité n'est pas donnée
une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de
l'existence ». Le Président des Français en sait quelque chose étant lui-même
fils d'immigré. Cela ne l'empêche nullement de défendre son
actuel pays en demeurant dans sa propre culture d'origine.
Le retranchement sur les valeurs d'essence,
qu'il se manifeste par un habit ou autre signe est le résultat d'une résistance
à un mode d'organisation basé sur l'exclusion. Et là qui doit faire le mea
culpa de la France, selon la liturgie bien catholique ?
Les intellectuels ? Ils se disent tous ou
presque laïcs? Les parlementaires ? Ils sont divisés sur la question
identitaire et loin du problème sauf dans les discours électoraux. Alors que le
débat prenne forme chez les principaux concernés, à savoir les communautés
immigrées, particulièrement musulmanes, puisque du point de vue religieux le
débat les a pris pour cible première. Mais là, encore, y a-t-il un espoir
d'aboutissement ? Quand on sait comment se fait la répartition géographique des
émigrés ou immigrés, selon la rive où l'on se place, et que cette répartition
obéit très généralement aux régions d'origine dans les pays d'origine, on
comprend mieux la nécessité d'aller doucement mais sûrement dans ce débat.
En Conclusion et selon les écrits d'Amine
Maalouf « rien n'est plus dangereux que de chercher à rompre le cordon maternel
qui relie un homme à sa langue. Lorsqu'il est rompu, ou gravement perturbé,
cela se répercute désastreusement sur l'ensemble de la personnalité » et par
extension sur l'ensemble de la société. Une Enigme, que nulle aventure même
néocoloniale n'a suffi à en venir à bout.
Posté Le : 11/02/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ahmed Saifi Benziane
Source : www.lequotidien-oran.com