Algérie

Enfin un statut pour l’artiste


Enfin un statut pour l’artiste
Publié le 31.12.2023 dans le Quotidien le soir d’Algérie

L’année 2023 s’achève et, sur le plan culturel, elle n’a pas brillé par sa richesse malgré quelques initiatives. Plutôt léthargique et marquée par une certaine précarisation de la dynamique culturelle, l’année écoulée aura connu néanmoins une série d’annonces officielles dont on attend la concrétisation sur le terrain.
Les Tops éveil du livre
Le secteur du livre a connu un relatif retour à la normale après une période de crise induite notamment par la pandémie de Covid-19. Plusieurs parutions sont venues enrichir les librairies et redonner des couleurs au paysage littéraire, grâce à l’engagement de nombreuses maisons d’édition à l’instar de Barzakh, Apic, Casbah, El Kalima, Frantz Fanon, etc.

Parmi les nouvelles publications de cette année, citons la collection «Khamsa» lancée par les éditions Barzakh pour la traduction en français de fictions littéraires arabophones d’Afrique du Nord. La même maison d’édition a publié récemment une dizaine d’ouvrages, dont le roman De glace et de feu de Suzanne El Kenz, Taxis du jeune Aïmen Laïhem, le recueil de nouvelles Des choses qui arrivent de Salah Badis, etc. Les éditions El Kalima ont également marqué la rentrée littéraire avec d’intéressantes publications dont la traduction vers l’arabe du roman Arris de Yamina Mechakra par Lamis Saïdi ainsi que l’anthologie Un cri que le soleil dévore rassemblant des textes inédits de Jean Sénac. Pour leur part, les Editions Apic ont renouvelé leur catalogue en restant fidèles à leur identité politique et littéraire, tournée vers le Sud. Enfin, les Editions Motifs se sont distinguées cette année en enchaînant les publications à portée sociopolitique, à l’instar du deuxième numéro de la revue féministe La place, les Archives des luttes féministes algériennes, l’ouvrage Féminicides Algérie rendant compte du travail d’un collectif dédié au recensement des crimes commis contre les femmes, la revue littéraire Fassl, etc.
Assises du cinéma
En mai dernier se tenaient les Assises du cinéma organisées par le ministère de la Culture pour débattre avec les professionnels du secteur afin d’élaborer la nouvelle politique cinématographique du pays. Des dizaines de participants ont afflué durant deux jours au Centre international des conférences pour contribuer à une large consultation censée réguler et relancer le secteur. Nombreux sont ceux qui se sont montrés enthousiastes et optimistes à l’égard de cette initiative.

Le retour des RCB
Le mois de septembre dernier a connu le retour, après trois ans d’absence, des Rencontres cinématographiques de Béjaïa, l’une des manifestations les plus importantes dédiées au 7e art en Algérie.
Comme à l’accoutumée, la programmation exigeante et hétéroclite des RCB a attiré un public nombreux, venu autant de Béjaïa que des autres villes. On y a assisté à plusieurs avant-premières dont le dernier film de Rabah Ameur-Zaïmèche Le gang des Bois du Temple, Le marin des montagnes de l’Algéro-Brésilien Karim Ainouz, Ashkal du Tunisien Youcef Chebbi, etc.

Le statut de l’artiste
Publié récemment dans le Journal officiel, le décret présidentiel n°23-376 portant statut de l’artiste a suscité une large approbation chez les créateurs. Bien qu’il soit pour l’instant une simple annonce (ce texte légiférant notamment sur les droits sociaux des artistes dont la retraite et l’assurance-maladie ainsi que la garantie de revenus réguliers en cas de chômage ne prendra effet qu’à la publication de textes d’application et la mise en place de dispositifs concrets), il a néanmoins été accueilli avec optimisme et enthousiasme par les professionnels et les intermittents.

Les Flops
Projet de loi sur le cinéma
Ce texte était tellement problématique que même le chef de l’Etat l’avait rejeté en février 2023, exhortant les services du ministère de la Culture à en débattre avec les professionnels du secteur. Ces derniers ont majoritairement dénoncé une loi liberticide, en raison de quelques articles normalisant la censure et l’autocensure et allant même jusqu’à prévoir des peines de prison pour les contrevenants. Suspendue depuis février puis débattue à l’occasion des Assises du cinéma tenues en mai dernier, la loi a fini par être adoptée, sans grands changements, par le gouvernement en décembre.

Gel des activités culturelles
Depuis la mi-octobre, les villes algériennes sont plongées dans un black-out culturel inédit, suite à la décision du ministère de tutelle de suspendre toutes les activités «à caractère festif» en signe de solidarité avec les Palestiniens.

Deux mois plus tard, cette suspension qui semble s’éterniser provoque de plus en plus de questionnements, notamment avec l’annulation de certains festivals de cinéma. Elle est vivement critiquée pour son manque de pertinence puisque d’aucuns estiment que la solidarité avec la Palestine s’exprimera mieux à travers l’art et la culture qu’avec cette solution de facilité.

Ils nous ont quittés en 2023

Adolpho Kaminsky (1925-2023)
Décédé le 9 janvier 2023 à l’âge de 97 ans, Adolfo Kaminsky est un révolutionnaire internationaliste lié à l’Histoire algérienne par son soutien précieux à la révolution de 1954. En effet, en sa qualité de faussaire de génie, Kaminsky, le Juif russe, n’a pas hésité à s’engager dans les réseaux Curiel et Jeanson où il fabriquera des milliers de faux papiers pour les révolutionnaires algériens. Il s’installera ensuite en Algérie durant les années 1970 où il formera les futurs chimistes de la nation. Son combat qui ne s’est pas limité à l’Algérie a été révélé au grand public en 2013 à l’occasion de la publication par sa fille du livre Une vie de faussaire chez Casbah éditions.

Sid-Ali Mazif (1943-2023)
Le réalisateur connu pour ses films en faveur des droits des femmes s’est éteint en mai dernier, laissant derrière lui une œuvre centrale dans l’Histoire du cinéma algérien. 600 000 spectateurs iront voir à sa sortie en 1977 son film Leila et les autres qui marque une double rupture dans le 7e art de l’époque : plutôt que la guerre de libération jusque-là hégémonique dans la production cinématographique algérienne, Mazif se tourne vers la société contemporaine pour y disséquer la condition des femmes.

Adlane Bekhouche (1988-2023)
Disparu tragiquement des suites de ses blessures dans une explosion de gaz à son domicile, le comédien et metteur en scène Adlane Bekhouche était l’une des figures prometteuses de la nouvelle génération du théâtre algérien. Pur produit de l’Institut supérieur des arts dramatiques (Ismas), il s’était frayé un chemin semé d’embûches et a réussi, malgré les nombreux obstacles, à s’imposer sur la scène du 4e art où il était apprécié autant pour ses talents de comédien que pour ses créations en tant que metteur en scène.

Cherif Hamani (1956-2023)
Le chanteur kabyle qui a marqué des générations est décédé le 8 octobre dernier suite à une longue maladie. Auteur-compositeur-interprète, Cherif Hamani, né en 1956, à Ath Douala, s’est fait connaître dans les années 1970, révélé par la célèbre émission défricheuse de talents présentée par Belhanafi et Achrouf à la Chaîne 2 de la radio nationale. Depuis, il a enchaîné les succès grâce à des chansons à la fois populaires et exigeantes, composées dans la droite ligne de ses aînés (El Hasnaoui, Slimane Azem, etc.)

Abdelhalim Zribi (1963-2023)
C’est une figure connue autant au théâtre où il a fait ses premières armes dans les années 1980, qu’au cinéma et à la télévision. Récemment, on l’avait vu dans le rôle d’un dignitaire algérois dans le film à succès La Dernière Reine de Adila Bendimerad et Damien Ounouri ainsi que dans la pièce Qahwet El Halmi. Né en 1960 à Tindouf, Abdelhalim Zribi rejoint l’Institut des arts dramatiques de Damas (Syrie) en 1987. De retour en Algérie, il enchaîne les rôles sur scène avant d’être repéré par le monde du cinéma où il s’illustrera également par ses performances et ses qualités humaines.

Nadia Djebili (1968-2023)
Cette enfant prodige du Théâtre régional d’Oran a fait ses premiers pas sur les planches dans les pièces de Abdelkader Alloula. Figure incontournable du TRO, elle y était appréciée non seulement pour ses qualités de comédienne mais aussi pour son dévouement et sa générosité qui l’ont menée à animer des ateliers de théâtre pour les enfants atteints de trisomie, dont est sorti le spectacle Theldja.
Sarah Haidar

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