En passe de
devenir un sport intellectuel national, cette pathologie est plus répandue que
l'on ne l'imagine.
Elle est le
propre de ceux qui ont mangé à tous les râteliers. Une fois évacués du champ
visuel ou médiatique, ils régurgitent leur rancoeur. Systémiques, ils chantent
les vertus des laboratoires où ils ont été créés ; déchus, ils se transforment
en créature frankensteinienne. La chose se rebiffe et casse les bocaux desquels
sourdent les relents des milieux de culture dont elle s'est nourrie. Dans les
sphères de commandement, leur tour de contrôle était de verre opaque ne
laissant transparaître que de fantomatiques silhouettes de la masse dont ils
ont eu les destinées entre les mains aux fastes moments de leur vie. Forgeant
leur personnalité à travers les fonctions qu'ils ont occupées, ils en perdent
les assises dès leur reversement dans la vie « civile ». Ils se surprennent à
côtoyer la masse et à en ressentir soudainement les soubresauts quotidiens.
A partir de là,
ils s'évertueront à refaire le monde. Le pays n'est plus leur affaire, mais
celui de gouvernants. Ils réfutent tout ce qui vient d'ailleurs, ils
considèrent que leur virtuosité n'a d'égale que la médiocrité des autres. S'il
faut leur reconnaître la qualité de virtuose, ils sont par contre incapables de
jouer en harmonie avec leurs congénères. Leur talent avéré devient cacophonie.
S'il est vrai que le pays connaît des ratés, ce n'est pas tant la mauvaise
volonté des uns et des autres qui en est la cause principale, mais un concours
de circonstances historiques et sociologiques qui font que la transition d'un
jeune Etat nouvellement indépendant à un Etat mature n'est pas aussi évidente
qu'immédiate. L'édification de l'Etat nation ne peut être que collective et
multi générationnelle. La moyenne d'âge de la majorité des cadres formés ne
doit guère dépasser la trentaine. Il n'est pas si loin où l'acte d'éduquer ou
de soigner était assuré par une assistance technique bigarrée ; ça allait du
Chilien au Bengali. Les retombées ne pouvaient êtres que préjudiciables pour
l'avenir. Avait-on d'autres choix ?
L'école algérienne, et quels ques soient les
reproches légitimement formulés à son encontre, a relevé le défi du nombre. La
qualité viendra sans nul doute, il est fort à parier qu'elle est déjà là. Pour
preuve, cette multitude de cadres expatriés et qui trouvent la voie pour
intégrer les sphères scientifiques supranationales. Encore gratuite, cette
école tant décriée subit frontalement le ressac incessant d'une démographie
débridée ; les quelques frémissements de dénatalité localisée demeurent pour
l'heure insignifiants. La famille s'est déchargée de ses obligations d'élevage
au détriment des obligations éducatives de l'école.
Dix millions
d'apprenants sur les bancs scolaires n'est numériquement pas à la portée de
n'importe quel pays de même configuration géo-humaine. En matière de soins,
nous demeurons probablement l'unique pays au monde où la simple injection est
encore gratuite. Il n'est nul besoin d'évoquer, à titre illustratif, les sept
cents mille (700.000) femmes qui accouchent dans les structures publiques et
les trois millions (3.000.000) d'enfants qui reçoivent régulièrement leurs vaccins.
Les pathologies lourdes, représentées par l'insuffisance rénale chronique, pour
ne citer que celle-là, sont prises en charge gratuitement et quel que soit
l'âge du sujet. La gratuité est élargie aux non assurés sociaux. Cette
couverture sociale n'était-elle pas la pierre d'achoppement des programmes
sociaux de Clinton jadis et d'Obama actuellement ? Sous d'autres cieux réputés
plus «cléments», on désappareille à un certain seuil de la fin de vie. Les
seuls accidents de la route occasionnent au Trésor public des débours de
milliards de dinars.
Cette hécatombe
n'est certainement pas le fait des dirigeants politiques faut-il tout de même
en convenir. D'aucuns diront que c'est le mauvais état des routes qui en est la
cause. Admettons ! Mais encore... A propos de routes, le réseau routier ne
couvre-t-il pas tout le territoire national à la dimension d'un continent ? La
seule superficie de l'Ahaggar dépasse celle de l'Hexagone français.
On se surprend à déblatérer sur l'autoroute
Est-Ouest de près de 1.200 kilomètres comme si la chose était à la portée de
n'importe moyen Etat pour ne pas dire grande nation. Le transfert de l'eau de
In Salah à Tamanrasset sur près de 750 kilomètres, ne peut être que l'oeuvre de
grands pays à l'instar de ceux qui ont creusé le canal de Suez ou celui de
Panama, avec moins de contraintes géologiques et climatologiques.
L'électrification du pays a depuis longtemps dépassé la borne de 95 %. Le gaz
de ville visite les localités de moins de 5.000 hab, le lycée, perdant de son
exclusive urbaine, est présentement rural. Le téléphérique traditionnellement
belcourtois est devenu tlemcénien, skikdi et annabi. La fibre optique a, depuis
2004, reliée Tindouf au reste du monde. Ces quelques indicateurs, non
exhaustifs, incitent à reconnaître qu'un effort indéniable de développement est
en train de se concrétiser sur tous les fronts. Dire ces quelques vérités peut
relever, pour certains, du discours dithyrambique. Qu'à cela ne tienne, mais il
est tout de même préférable à celui qu'on développe en direction du maire ou du
wali. Proximal, il personnalise le lien, l'intention ne peut être que
préméditée et le profit que fructueux. N'a-t-on pas vécu ces cessions de
somptueuses demeures pour de modiques sommes qui ne couvriraient mêmes pas les
charges locatives d'une année civile ? Ou bien ces immenses terrains concédés
pour de virtuels investissements agricole ou industriel ? Le pis de la vache à
lait a nourri tout le monde et tout le monde y a sucé ; ne serait-ce qu'à
travers un bien vacant ou un logement social. Ailleurs, le logement n'est même
pas inscrit dans les rêveries de l'individu. S'il se réalise, ce n'est
certainement qu'au prix fort. Quant aux charges locatives et de fournitures de
services, il vaut mieux ne pas en parler ou pour s'en convaincre, parlons-en à
nos compatriotes d'outre-mer.
Il suffit de les
observer à leur départ en fin de vacances. Ils se «groinfrent» de tout, même de
brosses à dents ; les réservoirs de leurs véhicules regorgent de carburant
national. Les communautés émigrées de nos voisins alimentent de manière
substantielle les caisses de leurs pays respectifs, ce qui n'est pas encore le
cas dans nos murs. Le square de Port Saïd et les places fortes de l'Est et de
l'Ouest ont encore de beaux jours devant eux. Il est évident que toute décision
légale ou réglementaire, même si elle participait d'un souci de sauvegarde de
l'intérêt national, est encore sujette à caution. L'esprit de clocher ou de
chapelle politique nous rend hermétique à toute approche économique universellement
reconnue soit-elle. Il se trouvera toujours des chantres pour défendre, qui des
entrepreneurs qui des concessionnaires automobiles. Certains se sont retrouvés
à pleurer le sort de ces derniers, quand le gouvernement a décidé de
délocaliser le débarquement des véhicules neufs. Les dernières dispositions de
la Loi de finances complémentaire ont fait couler beaucoup d'encre et de
salive. Quand les Etats-Unis ou même l'Union européenne ont recours au
protectionnisme, la béatitude est de rigueur, par contre, une quelconque
allusion au patriotisme économique national attire les foudres de la critique
pamphlétaire.
La permissivité a
même autorisé des étrangers à assister à des forums privés nationaux et y
prendre la parole. Certains d'entre eux se sont payés le luxe de porter des
jugements de valeur sur les dirigeants politiques du pays. Ils n'ont pas encore
compris que celui-ci a recouvré son indépendance en juillet 1962. S'il y a bien
un reproche à faire, il serait à notre adresse. Il suffit qu'un «gaouri» soit à
notre écoute pour que sans retenue, on déverse un flot d'insanités sur le pays
qui est le nôtre. Complexe quand tu nous tiens... Des récits de voyage
rapportent que des nationaux, invités à des rencontres d'affaires ou
scientifiques, n'ont pour seule vertu que celle d'encaisser les perdiems et de
s'enquérir du circuit touristique ou du dîner de clôture. Sous tous les cieux
et même ceux de La Mecque, notre rustrerie n'a d'égale que nos inconséquences.
Il nous est plus facile de fouler la dignité nationale que de brider notre
propension à malmener les règles de bienséance.
La culture «douariste» fait oublier souvent,
qu'ailleurs, on représente sans en être mandaté, sa propre communauté
nationale. Ce cri du coeur n'a aucune prétention moralisatrice, mais il tourne
la plume dans la plaie, comme dirait un auteur connu dont j'ai oublié le nom.
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Posté Le : 24/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Farouk Zahi
Source : www.lequotidien-oran.com