Algérie

En un combat douteux


Si l’on en croit le romancier américain William Styron (1925-2008) qui a fait, pendant quelque temps, un voyage – bien différent de celui d’Ulysse – à destination de cette ineffable galaxie appelée Folie, l’écriture littéraire, proprement dite, serait une manière de «lâcher la vapeur pour diminuer la pression» ! Grâce à elle, dit-il encore dans son livre, Face aux ténèbres : Chronique d’une folie, tout écrivain névrosé pourrait parvenir, avec quelque courage et persévérance, à retrouver son équilibre psychique. Pourtant, cette même soupape de sécurité n’a été d’aucun secours pour certains hommes de lettres qui ont fait ce «voyage au bout de la nuit» et qui y sont restés : Hölderlin (1770-1843), Nerval (1808-1855), Artaud (1896-1948) ou encore Maupassant (1850-1893), pour ne citer que les plus illustres d’entre eux.   
Deux écrivaines, l’une du Moyen-Orient et l’autre d’Angleterre, ont fait partie de ce contingent maudit et ont terminé leur parcours, misérablement, en 1941 : May Ziadé et Virginia Woolf. La première, d’une émotivité maladive, voire exceptionnelle dans toute l’histoire de l’écriture féminine, a échoué comme une vieille barque, après une retraite forcée, dans un centre de repos au Liban, puis, chez elle, au Caire. Elle n’a pas réussi à croiser le fer avec le minotaure appelé Folie.
Le grand écrivain égyptien, Salama Moussa (1887-1958)), qui l’avait bien connue au moment où elle tenait son salon littéraire, dans les années vingt, dit surtout, avec une touche d’apparente indulgence, qu’elle était «victime de sa propre beauté», une beauté qu’elle croyait durable ! Une coiffure de starlette américaine du cinéma muet, et une sensibilité à fleur de peau à rendre inquiets ses propres parents et ses amis à la fois. Ce que l’on avait cru être chez elle un tempérament de poète, c’est-à-dire quelques sautes d’humeur, devînt, à la longue, une descente en enfer, au point de la rendre méconnaissable avec le passage du temps. La malheureuse persistait à croire qu’elle était tout aussi attirante qu’elle l’avait été dans sa prime jeunesse, et elle le fut effectivement. Les quelques photographies qui restent d‘elle l’attestent vraiment. Hautement anglaise, Virginia Woolf, qui semblait avoir maîtrisé un psychisme défaillant, face aux fluctuations de la vie, ne parvînt pas, quant à elle, à mener le dernier round contre le terrifiant monstre intérieur qui la guettait dans ses dédales. En dépit de plusieurs romans d’une grande finesse d’exécution et de délicatesse, la plume finit par la lâcher en ce mois d’avril 1941, lorsqu’elle se décida à remplir ses poches de pierres et à se jeter dans le fleuve bordant sa maison.
Une belle photographie de jeunesse la représente élancée, fragile, comme échappée du détail d’un vase grec. C’est du reste, ce que nous ressentons à la lecture de ses mémoires, Moments of being. Certains de ses biographes soutiennent que rien ne transparaissait de ses écrits quant à la tournure que devait prendre sa vie. «Je suis certaine, avait-elle écrit la veille de son suicide, que je vais encore devenir folle ! » 
Faut-il pour autant cesser de croire aux effets guérisseurs de la littérature en tant que catharsis, c’est-à-dire «purgation des passions», selon Aristote '
toyour1@yahoo.fr
 
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