L'année 2014 sera-t-elle celle de tous les dangers pour les finances publiques tunisiennes ' C'est l'avis alarmiste de nombreux spécialistes après la présentation des grandes lignes du budget par le ministre des Finances Elyes Fakhfakh.Au-delà de l'hostilité systématique qu'engendre le gouvernement contrôlé par le parti islamiste d'Ennahda chez plusieurs économistes tunisois, les critiques se concentrent sur l'absence de vision stratégique en matière de politique économique et financière mais aussi sur le fait que le gouvernement fasse des paris jugés hasardeux. « C'est un peu la fable de Perrette et le pot au lait avec un gouvernement qui compte sur des rentrées financières qui ne sont guère assurées et qui dépendent du bon vouloir des Occidentaux », s'inquiète ainsi un banquier. De fait, et pour boucler un budget structurellement déficitaire, Tunis espère le déblocage de l'aide promise par le Fonds monétaire international (1,7 milliard de dollars en plusieurs tranches) et la conclusion d'un accord avec l'Union européenne sur une ligne de crédit de 300 à 500 millions d'euros. Des montants qui constitueraient effectivement une bouffée d'oxygène salvatrice mais dont la concrétisation dépend pour beaucoup de la résolution de la crise politique actuelle mais aussi de la mise en place de réformes structurelles réclamées à cor et à cri par Bruxelles et les institutions financières de Washington. A l'inverse, le gouvernement tunisien ne semble plus compter sur la générosité du Qatar, preuve s'il en est du recentrage diplomatique de l'émirat, désormais plus discret sur la scène internationale depuis le passage de témoin entre l'émir Al Thani et son fils.
ARITHMETIQUE IMPLACABLE
La question budgétaire tunisienne relève d'une arithmétique implacable. Avec un déficit budgétaire de 7,5% du Produit intérieur brut (PIB) le gouvernement vise 6,5% en 2014 la marge de manœuvre pour les finances publiques est des plus tenues. Ainsi, 40% des recettes sont-elles affectées aux salaires contre 20% pour le remboursement du service de la dette. L'investissement public ne bénéficie que de 20%, soit autant que ce qui est dédié à la Caisse de générale de compensation (CGC). Pour augmenter sa capacité à financer une relance par l'investissement rendue urgente par la détérioration de la situation sociale, notamment à l'intérieur du pays, Elyas Fakhfakh a fait le choix d'augmenter les recettes alors que de nombreux économistes le pressent de réduire aussi les dépenses. « 40% de salaires dans la fonction publique, c'est trop et les recrutements récents pour calmer les tensions sociales ont d'ores et déjà des effets pervers », juge un expert qui estime que le gouvernement ne prête pas suffisamment attention à la vigueur de l'inflation. « Les fonctionnaires voient leur pouvoir d'achat diminuer, y compris ceux qui viennent d'être recrutés, et cela pourrait provoquer des grèves et une plus forte instabilité sociale » s'alarme-t-il.
Cité par plusieurs organes de presse tunisiens, Radhi Meddeb, président de l'association Action et développement solidaires, s'inquiète quant à lui de la dérive de l'endettement extérieur, ce dernier s'approchant du seuil symbolique des 50% du PIB. S'il salue l'exonération fiscale des catégories sociales à faibles revenus (moins de 5000 dinars annuels), cet entrepreneur craint les effets d'une « augmentation de la pression fiscale sur acteurs économiques productifs » ces derniers étant soumis à un régime réel et non forfaitaire en matière de taxation.
SUPPRIMER LA CAISSE DE COMPENSATION, C'EST FAIRE L'EMEUTE
De fait, le budget tunisien pour l'année prochaine prévoit l'augmentation de plusieurs prélèvements notamment une taxe de 10% sur les dividendes perçus par les actionnaires et un prélèvement de 10%appliqué aux entreprises totalement exportatrices qui, jusque-là, en étaient exemptées. « L'effort fiscal peut rapporter quelques centaines de millions de dinars aux caisses de l'Etat mais cela risque d'être catastrophique à moyen terme pour la compétitivité de la Tunisie », juge un ancien haut-fonctionnaire sous la présidence Ben Ali. « Les entreprises occidentales ayant délocalisé pour la Tunisie en raison de son attractivité fiscale risquent de plier bagages. Il aurait fallu préparer cette mesure et s'engager à ce qu'elle soit temporaire », ajoute-t-il.De façon générale, c'est l'incapacité du gouvernement à élaborer une réforme budgétaire ambitieuse qui est critiquée notamment en ce qui concerne sa réticence à restructurer la Caisse générale de compensation. « Ceux qui appellent le ministre des finances à supprimer cette caisse sont des pyromanes et veulent provoquer des émeutes » s'insurge à ce sujet un proche du gouvernement. « Ce n'est pas le moment de toucher aux subventions car les Tunisiens ont déjà beaucoup de soucis au quotidien pour ne pas leur imposer d'autres sacrifices ». A l'inverse, cet observateur averti salue le fait que Tunis s'engage prudemment dans une lutte progressive contre le secteur informel notamment par le biais d'une réglementation plus coercitive sur les transactions financières. Pour lui, la réduction des montants autorisés pour les transactions en liquide va améliorer l'efficacité fiscale de l'Etat. Une certitude battue en brèche par plusieurs experts tunisiens qui rappellent que le régime de Ben Ali avait déjà tenté une telle approche avant de faire machine arrière sous la pression du secteur informel.
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Posté Le : 01/10/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Akram Belkaïd
Source : www.lequotidien-oran.com