Les observateurs
notent deux tendances parmi les investisseurs français. Les entreprises déjà
implantées en Tunisie avant la révolution du 14 janvier font
des projets de développement, tandis que les investisseurs qui projetaient une
première implantation dans le pays préfèrent attendre.
La Tunisie est plus que jamais un terrain
pour investir», assure-t-on chez Plastivaloire, une
entreprise française de plasturgie qui vient d'ouvrir une deuxième filiale au
pays du jasmin. Injection Plastiques Systèmes (IPS) est entrée en activité il y
a un mois, suite au succès de Tunisie Plastiques Systèmes (TPS), la première
filiale tunisienne de Plastivaloire, née en 2004. «Je
crois en un meilleur climat d'affaires, plus transparent, avec plus de libertés
d'investir», dit Chekib Debbabi,
qui dirige les deux filiales. IPS a représenté un investissement de 4,7
millions de dinars tunisiens.
Les travaux «ont été terminés pendant les
jours révolutionnaires», note le dirigeant. «A aucun moment, Plastivaloire n'a remis en question ce projet, assure-t-il.
Même s'il avait été en fondation nous n'aurions pas reculé». Pour Chekib Debbabi, la période
actuelle est certes dominée par l'incertitude, mais «le pays garde des bases
saines et solides et les Tunisiens ont choisi de ne pas sombrer dans le chaos».
Une confiance partagée, dit-il, par ses clients, des «multinationales elles-mêmes
implantées» en Tunisie.
Alors que les investissements étrangers ont
baissé de plus de 17,2% au cours des six premiers mois de 2011 – 775,3 millions
de dinars contre 936,6 millions de dinars durant la même période de 2010– , selon l'Agence tunisienne pour la promotion des
investissements étrangers ((FIPA), ceux des entreprises françaises sont en
hausse. D'après la chambre tuniso-française de
commerce et d'industrie (CTFCI), elles ont réalisé 82 projets en Tunisie au
cours des six premiers mois de 2011, contre 71 pendant la même période en 2010.
Les investissements des entreprises françaises en Tunisie ont représenté 115,5
millions de dinars depuis le début de l'année, contre 99,5 millions de dinars
au cours de la même période l'an dernier. Une évolution, souligne Habib Gaida, le directeur de la CTFCI, essentiellement «liée au rachat de 34% du
capital de l'entreprise pharmaceutique Unimed par la
banque française Société Générale», via l'un de ses fonds d'investissements, pour
31 millions de dinars.
Nouveaux marchés et…
attentisme
«Les investisseurs
déjà implantés en Tunisie, qui connaissent bien le tissu économique, continuent
leurs activités et gardent confiance, explique Habib Gaida.
Ils espèrent que l'évolution politique du pays fera disparaître les entraves à
la libre entreprise», induites par la corruption du régime de Zine el-Abidine Ben Ali. Sur les 71
projets réalisés par des entreprises françaises depuis janvier, 46 dont des
extensions de sites. Des développements qui dénotent la confiance d'investisseurs
familiers du pays, qui voient se profiler de nouveaux marchés. L'équipementier
français Zodiac Aerospace, présent en Tunisie depuis
le début des années 2000, doit construire une cinquième usine, et AsteelFlash, entreprise spécialisée dans l'industrie
électronique, qui possède deux sites de production en Tunisie, en construit un
nouveau pour une ouverture prévue en 2012. Le 2 juillet dernier, Stéphane
Richard, le PDG de France Télécom Orange, qui détient 49% d'Orange Tunisie, a
annoncé qu'il avait l'intention de «lancer une nouvelle activité en Tunisie, dès
cette année 2011, avec 150 emplois dans le domaine de la maintenance
informatique». Pourtant, admet Habib Gaida, «il y a
un certain attentisme chez les investisseurs étrangers, y compris français, qui
ne connaissent pas la Tunisie».
Suspendus au
scrutin du 23 octobre
Des chefs d'entreprises
«suspendus au scrutin du 23 octobre», qui doit élire
une assemblée constituante. «Les investisseurs qui projetaient de pénétrer le
marché tunisien préfèrent attendre, confirme un conseiller de l'ambassade de
France. Jusqu'aux résultats des travaux de la Constituante, la
prudence va dominer. On ne sait même pas quel régime politique sera en place!» La France est de longue date
le premier investisseur étranger en Tunisie par le nombre d'entreprises
établies et le nombre d'emplois directs induits. Mais sur les 1 270 entreprises
françaises en activité fin 2010, 28 ont aujourd'hui fermé leurs portes. Rémi
Merle, directeur de Lacroix Electronics, une
entreprise de sous-traitance présente en Tunisie depuis 2005, avoue que ses
«clients se sont posés la question de la sécurité des livraisons». Grâce à un
«plan de sécurisation», il n'a pas enregistré d'annulations de commandes et a
pu continuer à embaucher – l'entreprise compte actuellement 580 salariés contre
540 en décembre – mais s'inquiète pour l'avenir. «Le plus délicat actuellement,
c'est la prospective, dit-il. Les nouveaux clients potentiels sont dans l'attente
des élections. Ils veulent voir qui va prendre le pouvoir». La prudence touche
aussi certaines entreprises récemment installées en Tunisie. Entrée en
production fin 2009, la filiale tunisienne du groupe Hutchinson, spécialisé
dans la transformation du caoutchouc, devait être agrandie en 2013. L'investissement de 5
millions de dinars a été suspendu, explique Sadok Souguir, directeur financier d'Hutchinson Tunisie. «La
direction du groupe est méfiante, elle préfère attendre de voir comment la
situation politique et économique évolue», dit-il. Selon lui, «regagner la
confiance des investisseurs qui ne connaissent pas la Tunisie prendra au moins
trois ans».
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 19/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Anouk Ledran - Tunis
Source : www.lequotidien-oran.com