Lorsque l'on aborde les problématiques relatives aux tensions sur la balance commerciale du pays, on a souvent tendance à ne considérer que les aspects liés à la fuite massive de produits aux frontières du fait de politiques implicites ou explicites de subventions budgétaires. Or, il y a un autre phénomène commercial récurrent qui prend de l'ampleur dans la structure des surcoûts d'importation, à côté de celui des surfacturations frauduleuses. C'est celui de la contrefaçon qui n'est pas assez combattu alors qu'il est porteur de beaucoup de conséquences négatives sur la balance commerciale, la production nationale et même la santé des consommateurs. Vous conviendrez d'abord avec moi qu'un pays qui importe tout et n'importe quoi est une destination idéale pour les contrefacteurs du reste du monde. Ils sont nombreux sur tous les continents et savent construire des relations durables avec certains importateurs locaux, au détriment de l'économie nationale et des consommateurs algériens. Faisons un bref état des lieux avant d'examiner quelques pistes de réduction de cette menace, en précisant qu'il existe par ailleurs des productions contrefaites locales qu'il va aussi falloir éradiquer. Ce phénomène a commencé à être mesuré depuis une décennie et sa tendance est à l'aggravation et on peut même dire qu'il prend un caractère structurel dans nos flux commerciaux et dans une partie de notre appareil de production. Ainsi une enquête nationale effectuée en 2005 par le Centre algérien du contrôle de la qualité et de l'emballage (Cacqe) nous indique que 40,98% des produits contrefaits sur le marché sont d'origine nationale, 41,34% sont des produits importés et 18,02% sont, fait plus grave, d'origine indéterminée.S'agissant de l'origine des produits importés contrefaits, ils proviennent à hauteur de 53% d'Asie, y compris la Turquie. Quant aux types de produits contrefaits, les cinq plus importants sont des produits cosmétiques (37,1%), des vêtements et chaussures (32,5%),des appareils domestiques électriques et à gaz (12,07%), des articles scolaires et jouets ( 5,5%) et enfin des pièces de rechange automobiles(4,59%). Depuis l'année de publication de cette enquête la tendance s'est aggravée puisque le bureau de contrôle du commerce international des Etats-Unis (USTR) avait classé en 2009 l'Algérie sur une liste rouge de 11 pays dits de "surveillance prioritaire" car, selon cet organisme, l'Algérie est, après la Chine et la Russie, le pays qui luttait le moins contre la contrefaçon. Plus récemment, en 2012, 781 000 articles contrefaits ont été saisis alors que durant les neuf premiers mois de l'année 2013, il n'en a été saisi que 376 000 seulement. Mais ce reflux annuel n'est qu'apparent car il n'est dû, selon Fadila Ghodbane, sous-directrice des Douanes chargée de la lutte contre la contrefaçon, qu'au manque de collaboration des marques ayant subi le préjudice de peur de ternir leur image auprès des consommateurs algériens. J'aurai tendance à croire cette responsable des Douanes, car le Cacqe a indiqué que, durant le premier semestre 2013, "88% des échantillons d'appareils électroménagers analysés sont non conformes aux normes" et que le directeur général des Douanes, Abdou Bouderbala, a même avancé une estimation de 60% de produits importés contrefaits. Dernière donnée, la contrefaçon fait perdre à BCR, selon son secrétaire général Mohamed Gouasmia, 20% de parts de marché. Une entreprise chinoise a même eu l'audace de présenter au 16e Salon Batimatec 2013 des produits BCR contrefaits qui ont été saisis sur plainte de BCR "en 48 heures mais sans suite à l'encontre de l'entreprise chinoise".Ceci étant les actions de réduction puis d'éradication de la contrefaçon sont de deux natures : l'une institutionnelle et l'autre opérationnelle. D'abord la première : faire appliquer, avant de les durcir, toutes les mesures de protection et de rétorsion contenus dans le dispositif législatif et réglementaire en vigueur, y compris les dispositions de l'ordonnance 66/48 portant adhésion de l'Algérie à la convention de Paris, l'ordonnance 76/65 relative aux appellations d'origine et la loi 89/02 portant protection du consommateur.Ensuite enrichir le plus vite possible, par voie réglementaire, les spectres de normes et standards requis pour les produits éligibles à l'importation et/ou à la mise à la consommation. Pour ce faire, il ne faut pas réinventer le fil à couper le beurre car en tant que membre associé de la zone de libre-échange de l'Union européenne contentons-nous d'élargir à notre marché les normes et standards de cette zone économique.N'est-ce pas à cela que devait servir le programme Meda ' Ensuite au plan opérationnel élargir les capacités techniques et managériales de contrôle de qualité aux frontières notamment. Je me demande à ce sujet où en est le projet de mise en place d'une "centrale de gestion de risques" qui devait être réalisée en coopération avec les Douanes américaines (US Customs). La mission de ce mécanisme, reliée à tous les ports et aéroports, est "d'analyser les flux de marchandises selon leur provenance et leurs importateurs". L'expertise acquise par le Cnis et son réseau numérique peuvent en faire un partenaire efficace.Cette démarche intégrée, à laquelle il faudra ajouter la poursuite de l'éradication des marchés informels, permettra au bout du compte de localiser les unités de fabrication et les circuits de distribution des produits contrefaits en Algérie et à l'étranger. Elle permettra aussi d'engager les mesures de rétorsion internes et internationales. Enfin le marché algérien enverra des signaux forts quant aux nouvelles conditions d'accès. Et pour tout dire il est grand temps d'intégrer l'OMC pour se conformer tout simplement aux pratiques commerciales internationales. Comme tous les pays du monde. Le reste viendra après.M. M.mustaphamekideche@ymail.comNomAdresse email
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Posté Le : 12/03/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mustapha MEKIDECHE
Source : www.liberte-algerie.com