Algérie

En retrait, attentiste, la diplomatie a observé une neutralité bienveillante à l’égard du régime libyen L’après-Kadhafi serait difficile pour l’Algérie



En retrait, attentiste, la diplomatie a observé une neutralité bienveillante à l’égard du régime libyen L’après-Kadhafi serait difficile pour l’Algérie
C’est tout un symbole. L’ambassade d’Algérie à Tripoli est la seule représentation diplomatique à avoir été saccagée après
l’entrée des troupes insurgées. Les excuses convenues d’un porte-parole du Conseil National de Transition libyen (CNT) et ses tirades courtoises sur la nécessité d’écrire une nouvelle page dans les relations bilatérales post-Kadhafi, ne modifieraient pas la donne. A savoir que la diplomatie algérienne a été par trop prudente, attentiste, bien en retrait par rapport à un conflit qui se déroule dans un pays partageant avec son voisin près de 1 000 km de frontières. La neutralité bienveillante à l’égard du régime du colonel Mouammar Kadhafi a été mal comprise par l’opinion publique libyenne et le CNT. Ce soutien déguisé, en tout cas perçu comme tel, a été appréhendé comme un appui franc et direct. Faute d’avoir adopté la réelle équidistance que lui dictait sa position traditionnelle de non-ingérence dans les affaires internes d’un pays tiers, l’Algérie a fait face à un feu nourri de rumeurs malveillantes qui la présentait comme seul pays à soutenir activement le régime dictatorial de Tripoli. Ainsi piégée, la diplomatie algérienne s’est épuisée dans un exercice stérile de démentis confus, mais le mal était déjà fait. Et pour ne rien arranger à l’affaire, des déclarations maladroites du ministre des Affaires étrangères, qui n’est pas le chef de la diplomatie, ainsi que les propos malvenus de son homologue de l’Intérieur, ont confirmé les impressions de soutien au régime libyen. D’ailleurs, Mahmoud Chemmam, porte-parole du CNT, tout en s’excusant de la mise à sac de l’ambassade algérienne, ne s’est pas privé de rappeler les propos donquichottesques mais contre-productifs des deux ministres, rapportés par des confrères. Le ministre des Affaires étrangères avait notamment mis en doute la capacité des rebelles libyens à faire tomber le régime de Kadhafi et à gouverner la Libye. Son homologue de l’Intérieur, un tantinet prospectiviste, a cru bon de dire que l’arrivée au pouvoir des révolutionnaires libyens aurait l’heur d’envenimer les relations entre Alger et Tripoli. Dans le concerto des voix et des actions discordantes, il y a aussi la malheureuse virée tripolitaine d’un dirigeant du FLN, qui a signifié de manière ostentatoire et gratuite le soutien de son parti au régime libyen. Certes, les plus indulgents des observateurs pouvaient arguer qu’il ne s’agissait en l’occurrence que d’un dirigeant de second plan du parti. Mais cet émissaire, dûment mandaté, représentait, nolens volens, un parti du pouvoir dont le secrétaire général est membre éminent du gouvernement et dont le président, fusse-t-il d’honneur, est le chef de l’Etat lui-même. Présent à Tripoli, M. Sadek Bouguettaya, qui n’est certes pas un représentant ou un porte-parole attitré de la diplomatie algérienne, ne pouvait pas s’être engagé, stricto sensu, à titre individuel. Il est quand même un cadre important d’un parti qui pouvait être sollicité par des besoins de diplomatie parallèle. En tout cas, c’est que les libyens du CNT ont compris. Dès le départ, la position algérienne était difficile à comprendre et à suivre. Respecter ce qui se passe chez le voisin n’empêchait pas de soutenir ou de dire qu’on comprenait l’aspiration du peuple libyen à la liberté et à la démocratie. Quitte à dénoncer par la suite le dépassement de la résolution 1973 de l’ONU par le recours à l’intervention de l’OTAN. Alors même que l’Algérie partage avec la Libye de longues frontières et des liens fraternels datant de sa guerre d’indépendance, la diplomatie algérienne a choisi de prime abord une solution africaine dans le cadre de l’arbre à palabres qu’est la peu efficace Union Africaine. Nombre de diplomates algériens et de spécialistes s’accordent à dire que le canal de l’ONU pour mobiliser les pays africains aurait été mieux approprié. Les mêmes relèvent, à juste titre, l’absence d’efforts d’intermédiation entre le colonel Kadhafi et les insurgés, en vue d’une solution négociée, à défaut de lui conseiller de quitter pacifiquement le pouvoir. On note aussi l’absence de tout canal de contact avec les islamistes, les dissidents du régime et les libéraux issus de l’opposition à l’étranger, qui constituent les trois courants du CNT. L’appareil diplomatique algérien, y compris ses segments parallèles, n’a pas pu entretenir les liens qui existaient avec d’anciens cadres et hiérarques civils ou militaires du régime Kadhafi qui ont rejoint le CNT, comme Abderrahmane Chalgam, actuel représentant aux Nations unies. D’une manière ou d’une autre, l’Algérie finira bien par reconnaître le CNT à la suite de la plupart des pays arabes et occidentaux. Cette reconnaissance bien tardive aura évidemment des effets psychologiques qui ne seront pas sans influence sur la qualité des futures relations diplomatiques avec le nouveau régime libyen. Au contraire, par exemple, de l’Egypte qui a armé le CNT, du Qatar qui l’a financé ou du Maroc qui a dépêché hier son ministre des Affaires étrangères à Benghazi. Sur le plan économique, la Libye post-Kadhafi risque de ne pas être un marché très accueillant pour certaines exportations algériennes, notamment les produits agroalimentaires.
Les choses seraient tout aussi difficiles pour Sonatrach, présente dans 2 blocs de forage où elle opère seule ou en partenariat.
La situation risque d’être également compliquée pour Air Algérie qui a décroché un contrat de maintenance exclusif avec la compagnie libyenne Ifriqiya Airlines. On le voit donc, l’Algérie n’aura fait que subir en premier, de plein fouet et directement les conséquences de la guerre libyenne. Notamment, l’effet le plus négatif du conflit libyen : la dissémination d’armes de tout genre et de tout calibre, dont des lance-roquettes et des missiles antiaérien portables. Des armes qui risquent de renforcer AQMI au Sahel et dans les maquis islamistes algériens, jusqu’en Kabylie limitrophe de la capitale. Résultat : l’armée algérienne et les services de sécurité, déjà sur le pied de guerre contre le terrorisme islamiste et en veille permanente sur les frontières Ouest, au Sud-Ouest et au Sud, mobilisent d’énormes moyens humains et matériels le long d’une longue frontière Est avec un pays profondément déstabilisé et à l’avenir incertain. Désormais, la menace qui émanait de l’Ouest, ensuite du Sud, provient désormais de l’Est. Ce qui implique un changement profond de doctrine de défense. Faute d’avoir pu ou même su entretenir des relations réellement équidistantes, équilibrées et apaisées avec le régime de Kadhafi et le CNT, reconnu comme unique interlocuteur et légitime pouvoir, la diplomatie algérienne a manqué manifestement de sagacité et de pragmatisme. Elle s’est enfermée dans un rigide respect de sa position traditionnelle de non ingérence dans les affaires intérieures d’un pays et du respect de sa souveraineté. Quitte à donner l’impression de ne pas soutenir l’aspiration ardente des peuples à l’émancipation démocratique et à soutenir en revanche les dictatures qu’ils combattent. C’est aussi le cas concernant la Syrie. Et, dans tous les cas de figure, l’attentisme et l’excès de prudence, sont les deux mamelles de l’immobilisme. On finit toujours par en payer l’addition.




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