Algérie

En mai 1936, Mohamed Ould Cheïkh, fils de bachagha et écrivain autodidacte, conteste l’ordre colonial



«L’appel du sol mis en scène» 1936, l’émir Khaled vient de mourir dans l’exil. La mort de ce symbole de la personnalité algérienne, de celui qui avait préconisé un grand rassemblement politique pour défendre les intérêts des indigènes, provoque une grande émotion dans toutes les couches de la société algérienne. Des prières publiques furent dites dans les mosquées, des manifestations furent organisées. Et la presse nationaliste médiatisa son image de «champion de la cause algérienne» suggérée comme modèle à la jeunesse algérienne. C’est dans cet engouement général que Mohamed Ould Cheïkh écrit le texte de la pièce «Le Samson algérien», pièce en trois actes, qu’il proposa au grand dramaturge Mahieddine Bachtarzi lors du passage de ce dernier à Oran. La théâtrale «Le Samson algérien» La pièce relate l’histoire d’un jeune algérien Khaled, fils de bachagha, illettré et corrompu. Animé d’un esprit de justice et d’équité, il a préféré renoncer à sa bien-aimée pour défendre son peuple. Y avait-il là quelques éléments autobiographiques du jeune écrivain bécharien, car Mohamed Ould Cheïkh, natif de Béchar, était en effet le fils d’un bachagha. Mohamed Ould Cheïkh avait commencé sa carrière littéraire par la publication de recueils de poésie, puis avait écrit un roman assez remarqué avant d’arriver à une certaine maturité politique et littéraire qui aboutit à la pièce «Le Samson algérien». Mahiedine Bachtarzi est surpris par le texte de la pièce: «Il y avait là un talent manifeste», écrit Bachtarzi dans ses mémoires. Il y avait là aussi toute la passion, toute l’indignation d’un jeune musulman qui jaugeait à sa juste valeur le paternalisme qui engluait l’atmosphère ambiante. Mais cette passion s’exprimait d’une manière trop violente pour que nous n’allions pas tout droit nous casser le nez sur une interdiction. Comme il me demandait de me charger de la traduction, je lui ai fait accepter en même temps des adoucissements. Le résultat sauvegardait assez bien la pensée de l’auteur sans donner trop de prise à la censure. Le texte a été épluché à la loupe, mais le visa a été donné. Il n’y avait plus qu’a préparer la tournée de Samson l’Algérien. Lamine Lamoudi, des Oulémas également!   Lamine Lamoudi, dirigeant ouléma et rédacteur du journal «La défense», expose le sujet de la pièce dans son journal en date du 31 mai 1937 et écrit: Mohamed Ould Cheïkh aborde de front, avec une magnifique sincérité, le problème le plus essentiel qui se pose à l’heure actuelle en Algérie, celui de l’union des races que les préjugés seuls séparent. L’auteur de l’émouvant roman «Myriam dans les palmes», manifeste comme toujours son désir de voir les hommes de ce pays se rapprocher, s’entendre, s’aimer et dans une scène, empreinte d’une indicible grandeur, il symbolise, avec Santoine et Khaled la fraternité que souhaitent tous les hommes de bonne foi. Khaled est un musulman brave et généreux un homme de cœur qui milite pour le relèvement moral et matériel de ses coreligionnaires. Il les défend par son activité, son courage et sa bonté et souvent, tel Samson, il réalise l’impossible pour leur rendre service. Mais le héros aime: une Dalila est entrée dans sa vie. Cependant, il réagit et ne manque pas à son devoir, et malgré les embûches que lui tendent ses adversaires politiques, qui veulent créer des troubles, il n’hésite pas devant le danger, à sacrifier son amour, son bonheur pour le salut de son peuple. Toute une symbolique! Khaled, le champion algérien, résout le dilemme cornélien sans aucune hésitation! Certains critiques voient la pièce comme une simple plaidoirie du peuple contre les barrières raciales pour favoriser le mariage mixte. Mais Khaled, le héros de la pièce, renonce à ce mariage pour le salut de son peuple! Le succès populaire de la pièce La pièce montée par Bachtarzi mobilisa vingt-deux comédiens et fut un triomphe. Bachtarzi la présenta dans une dizaine de villes, Béjaïa, Jijel, Mostaganem, Tlemcen, Sidi Bel-Abbès... etc. A Oran, la pièce fut présentée le 4 juillet 1937. Bachrtarzi écrit dans ses mémoires: «J’ai eu le plaisir de voir que notre jeune auteur a un nombreux public qui lui a fait une chaude ovation. Ce fut le dernier hommage que le public rendra à Mohammed Ould Cheïkh, six mois plus tard il meurt à Oran des suites d’une maladie. Mais Samson l’Algérien continuera pendant plusieurs années à mobiliser les Algériens dans leurs luttes pour arracher des concessions au pouvoir colonial. En 1947, la pièce est toujours d’une «brûlante actualité», les multiples représentations n’en avaient pas lassé le public indigène. Elle est reprise par Bachtarzi et rencontre le même engouement parmi le public. Alger-républicain du 21 août 1947 lui consacre un article: «Khaled ou «Le Samson algérien» est une amusante satire qui pose de multiples questions. Il faut louer ce théâtre qui a su donner à cet art populaire son vrai sens, celui de refléter les mœurs du temps. Mais la pièce fut interdite par les autorités coloniales. Mohamed Dib en 1951: «Une pièce révolutionnaire» En 1951, Samson l’Algérien fait l’objet d’une nouvelle représentation. De nouveau, grand succès auprès du public indigène, mais réaction mitigée des critiques de théâtre de la presse coloniale qui préfèrent passer la pièce sous silence. Mohamed Dib évoque, dans Alger-républicain du 12 décembre 1951 le caractère révolutionnaire de la pièce et fait discrètement remarquer: «Les autres quotidiens d’Alger n’ont pas donné hier matin leur compte-rendu habituel du théâtre arabe, est-ce assez significatif? Ces quotidiens de la colonisation, qui ne veulent pas voir, ni entendre parler du Samson algérien, ne verront pas venir quelques années plus tard la déflagration de novembre 1954. Hani Abdelkader




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