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En ligne "Pourquoi visitons-nous les musées en silence ?"



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du lundi 30 août au jeudi 16 septembre En ligne





Ce n’est pas interdit, mais il est rare de parler à voix haute dans les musées. D’où vient cette loi du silence ? Quatre philosophes vous passent l’audioguide.



Pour mieux écouter les explications du guide

David Hume (1711-1776)

Un musée des beaux-arts, c’est un peu un labyrinthe qui traverse les styles et les époques. Pour ne pas s’y perdre, il est agréable de se laisser guider d’une œuvre à l’autre par un spécialiste. C’est qu’avant d’exprimer son ressenti, un peu d’initiation ne fait pas de mal. Or, pour David Hume, rares sont les « hommes de goût », car ils se distinguent des émotifs ou des insensibles par « un sens fort, uni à un sentiment délicat, amélioré par la pratique, rendu parfait par la comparaison, et clarifié de tout préjugé ». Lorsqu’on a la chance de tomber sur un bon guide, mieux vaut l’écouter religieusement.





Afin d’éveiller notre caractère propre

Friedrich Schiller (1759-1805)

Au moment où gronde encore la Révolution française et alors que le palais du Louvre vient tout juste d’être transformé en musée, le penseur et dramaturge allemand soutient que l’éveil du citoyen doit passer par l’art et non par la politique. Car, comme il l’explique dans ses Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1793-1795), contempler la beauté apaise et ennoblit l’âme. Au contact des œuvres d’art, les facultés de l’individu se détendent. Sensibilité et raison s’harmonisent. Dans le silence d’un musée, c’est le meilleur de notre caractère qui s’épanouit et nous libère des influences des autres et de l’esprit de soumission.





Parce que les chefs-d’œuvre appellent la contemplation

Walter Benjamin (1892-1940)

Dans un musée, toute œuvre est unique, ce qui donne à chacune d’entre elles un caractère sacré. Face à un tableau de maître, ce qu’on éprouve idéalement, ce n’est rien de moins que la révélation quasi mystique d’une transcendance. L’historien de l’art et philosophe Walter Benjamin appelle « aura » cette « singulière trame d’espace et de temps : l’unique apparition d’un lointain, si proche soit-il » qui caractérise l’œuvre d’art. Alors que les expositions universelles appellent le brouhaha des consommateurs du progrès technique, les musées nous invitent à faire silence pour mieux contempler les merveilles produites par le génie humain.





Pour laisser les œuvres se parler entre elles

André Malraux (1901-1976)

Un musée n’est pas une nécropole. C’est au contraire « le lieu du seul monde qui échappe à la mort », aimait dire Malraux. Dissociées de leur fonction religieuse ou sociale, les œuvres d’art collectionnées ne sont pas le simple reflet du goût des élites bourgeoises d’une époque donnée. Par leur coprésence, elles forment un tout où la conscience de l’homme universel peut échapper à l’histoire et errer dans ce lieu « peuplé de fantômes où l’art appartient à l’art ». Si nous déambulons silencieusement dans un musée, c’est pour mieux laisser les œuvres dialoguer entre elles et pour entendre, comme le dit magnifiquement l’un des titres de Malraux, « les voix du silence ».



Par Nicolas Tenaillon, Professeur agrégé de philosophie - Philosophie Magazine



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