L'arrivée des islamistes au pouvoir en Tunisie est diversement appréciée par les observateurs dont certains y voient une occasion de mettre à nu ce courant dans la mesure où la gestion des affaires publiques est un exercice aux antipodes des discours politiques et idéologiques. Une fois au pouvoir, il ne s'agit pas seulement de promulguer des lois sur le statut de la femme, sur les m'urs et sur l'usure dans les crédits bancaires, mais surtout de répondre aux attentes sociales et économiques des populations. Ennahda tunisienne a le modèle turc en ligne de mire. Mais la Tunisie n'a pas les moyens de la Turquie qui est une puissance économique régionale et qui n'a pas subi les effets de la crise financière mondiale. La Tunisie dépend, du moins dans l'état actuel de son économie, du tourisme. Le parti majoritaire appelé à gouverner pendant une année, n'a pas d'autre choix que de faire du pays, une destination attractive, y compris au plan social et culturel. C'est à ce titre que le mouvement de Ghannouchi affiche une image modérée et moderniste puisqu'il a promis de ne pas toucher au statut de la femme, ni aux m'urs sociales ancrées depuis l'avènement de l'Etat tunisien indépendant, encore moins à l'ordre économique libéral qui a fait de la Tunisie, à tort ou à raison, un modèle d'ouverture économique pour les pays du Sud. Si l'on regarde de près le modèle turc, qu'a-t-il d'islamiste ' La révision de la constitution que le parti d'Erdogan a engagée, n'a porté que sur des aspects politiques puisqu'elle visait à éloigner définitivement les militaires du centre de décision et laisser la politique à la classe politique et à la société civile. Cette mesure est foncièrement démocratique puisque c'est le cas dans toutes les démocraties occidentales. Au plan législatif, la majorité parlementaire turque a abrogé la disposition qui interdit le voile dans les écoles et universités, rétablissant ainsi un droit relevant de la liberté individuelle. Les craintes suscitées par l'arrivée des islamistes au pouvoir en Turquie, semblent être un mauvais souvenir. Manifestement, la Tunisie connaîtra la même évolution dans les mois à venir. A ce titre, on se demande en quoi Ennahda est un parti islamiste. D'autant plus que durant l'année à venir, la Constituante n'aura pas à modifier la législation en vigueur, puisque sa seule tâche consiste à désigner un gouvernement intérimaire et à rédiger une constitution. En revanche, la majorité aura à gouverner
et à faire face aux difficultés économiques, notamment aux disparités régionales, plus particulièrement entre les régions côtières et l'intérieur du pays déshérité. L'année à venir ne sera pas une sinécure pour Ennahda et ceux qui vont gouverner avec elle, et ne sera surtout pas une période de grâce. Les Tunisiens sont impatients de voir des changements substantiels notamment en matière d'emplois et de logements. Si en Tunisie, la situation va évoluer sans trop de casse au plan politique et sécuritaire, en Libye, les choses sont plus compliquées. Le fait que le CNT demande à l'OTAN de prolonger son mandat d'un mois, révèle les difficultés des autorités de transition à contrôler la situation, et surtout à imposer leur pouvoir aux différents groupes surarmés et qui risquent d'imposer une marche forcée à une élite hétérogène sans vision claire ni calendrier de rétablissement de l'ordre. L'Occident qui a soutenu de façon inconditionnelle le CNT, commence à revoir ses positions d'autant plus que le Conseil libyen est mis devant ses responsabilités politiques quant à la nature du régime qu'envisagent les libyens de mettre en place et à la situation sécuritaire quant aux armes lourdes qui circulent dans le pays et dont une partie est déjà ente les mains de l'AQMI et autres groupes maliens et nigériens. Cette dernière donne qui inquiète sérieusement les pays du Sahel et au-delà, les Etats-Unis et la Grande Bretagne, explique le ballet diplomatique qu'a connu Alger ces derniers jours. Le CNT est appelé à faire preuve de rigueur et de clairvoyance dans la gestion de la période actuelle, au risque de voir la Libye plonger dans une guerre civile qui profitera à l'AQMI et à ses desseins déstabilisateurs de toute la région sahélo-saharienne.
A. G.
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Posté Le : 29/10/2011
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abdelkrim Ghezali
Source : www.latribune-online.com