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En Californie, la bataille, à armes inégales, des "99%" contre le "1%"



En Californie, la bataille, à armes inégales, des
Parti de New York, le mouvement de protestation contre l'iniquité du modèle économique américain, "Occupy Wall Street", s'est répandu partout aux Etats-Unis et est en train de prendre une ampleur sans précédent à Oakland, en Californie. Organisés et créatifs, les protestataires ont réussi à s'imposer dans le paysage politico-médiatique américain en dépit de l'hostilité des autorités et des grands médias... Reportage.
Sous les fenêtres du majestueux bâtiment de la mairie d'Oakland, City Hall, un parterre de paille recouvre entièrement le square Oscar Grant ou plus d'une centaine de tentes frémissent sous le vent matinal. Le calme de ce matin, succédant à une énième bataille nocturne, n'est rompu que par l'agitation de quelques reporters de télévision filmant des employés de la mairie qui nettoient sans grand entrain les traces, à quelques pas du campement Occupy Oakland, des affrontements qui ont eu lieu la veille entre manifestants et forces de police.
Calmement, efficacement, Amy balaie, range des cartons de livres, restaure ordre et netteté dans la petite tente bleue qu'elle supervise: la bibliothèque du campement. Amy Sonnie a trente-cinq ans et depuis quatre semaines, elle partage son temps entre la Bibliothèque publique ou elle est employée et la biblio-tente des protestataires d'Occupy Oakland qu'elle a mise sur pied. "J'estime qu'il est tout aussi important de mettre à la disposition des gens de la nourriture et des couvertures que des médicaments et des livres", dit-elle tout en continuant à s'affairer dans l'espace minuscule de la tente.
Le cinquième port du pays paralysé par les manifestants
La veille, à minuit passée, des groupes de jeunes se sont attaqués aux devantures de magasins du centre-ville, des images de leurs heurts avec la police passent en boucle sur toutes les télévisions. Pour Amy, ces jeunes gens ne sont ni des policiers déguisés en manifestants comme l'ont suggéré des vidéos postées sur Youtube, ni des "provocateurs étrangers au campement" comme l'affirment de nombreux sympathisants du mouvement. "L e mouvement Occupy Oakland dont je peux assurer que l'écrasante majorité répugne aux actions violentes, dit-elle, est un mouvement très divers au sein duquel s'élèvent aussi des voix qui appellent à des actions non pacifiques et ceux-là, comme tous les autres, font tout autant partie d'Occupy Oakland".
Les protestataires qu'Amy refuse d'exclure ont pourtant failli gâcher ce qu'elle-même décrit comme "une journée formidable" ou plusieurs dizaines de milliers de joyeux et pacifiques manifestants ont répondu à un appel à la grève générale: "Nous avons manifesté dans les rues en chantant et en dansant, il y avait parmi nous beaucoup d'enfants, nous avons marché sur le port d'Oakland".
Parti du c'ur de New York, le mouvement de protestation "Occupy Wall Street", qui proclame s'inspirer directement des révolutions tunisiennes et égyptiennes, est en train de prendre une ampleur sans précédent à l'autre bout du continent, en Californie.
Ceux dont le slogan est "We are the 99%" (Nous sommes les 99%), se présentent comme les porte-flambeaux de la résistance de la majorité de la population broyée par un modèle économique au service d'1% de la population, à savoir la minorité honnie des ultra-riches, représentée par les banquiers de Wall Street. Leur méthode - choisir un espace public et y ériger un campement de tentes d'ou partent toutes sortes d'actions et initiatives en faveur des "99%" et contre les "1%" - a séduit et essaimé dans tout le pays: presque toutes les grandes villes des Etats-Unis ont aujourd'hui un campement Occupy. Manifestations et grèves sont souvent à l'ordre du jour, mais également des campagnes à plus longue haleine, comme celle, très populaire dans la Baie de San Francisco, appelant les citoyens à fermer leurs comptes bancaires dans les grandes banques et à en ouvrir dans les "community banks" qui font le travail des banques tout en étant des organisations à but non-lucratif.
Et c'est en Californie, plus précisément dans la ville d'Oakland dans la Baie de San Francisco, que les actions auxquelles appellent les "Occupiers" ont été les plus spectaculaires. La "joyeuse journée" de grève générale décrite par Amy Sonnie a été un véritable tournant pour le mouvement: ce fut un vrai succès populaire. Ce jour-là, le 2 novembre, une impressionnante marée humaine a marché sur le port d'Oakland (vue d'hélicoptère ici), parmi les cinq ports les plus importants du pays, contraignant les autorités à y faire cesser toute activité pendant plusieurs heures.
"Plus vous vous en prenez à nous, plus nous proliférons"
C'est la popularité du mouvement Occupy Wall Street qui le protège encore de la police et des grands médias.
Les journaux et télévisions avaient commencé par totalement ignorer les protestataires. Ensuite ils les ont raillés, tancés. Mais aujourd'hui, la plupart des journaux qui prenaient de la hauteur pour donner des leçons ou se moquer des "campeurs" publient de longs articles qui leur sont favorables ou des opinions qui leur fournissent des "conseils" pour faire perdurer le mouvement.
La police, elle, a tout de suite pris au sérieux ces "fauteurs de troubles" et, comme prise de panique, a décidé d'opter pour la brutalité. L'effet boomerang a été immédiat: les images des assauts policiers ont soulevé une telle indignation qu'il n'était plus possible aux grands médias d'ignorer le mouvement.
C'est d'ailleurs ainsi que le campement Occupy Oakland est devenu l'un des plus célèbres du pays, victime d'un assaut policier nocturne d'une rare férocité le 25 octobre dernier. Les images et comptes rendus des brutalités policières ont ulcéré des centaines d'autrement "paisibles citoyens" qui ont décidé d'aller, dès le lendemain, prêter main forte aux campeurs d'Occupy Oakland. Ainsi, la nuit du 26 octobre des milliers de citoyens, venus dire leur colère et leur rage, ont marché et marché scandant des slogans hostiles à la police, ils ont tourné et tourné jusqu'au petit matin, dans le centre-ville, à la recherche de l'affrontement avec une police pour le coup totalement absente. Pour John et Stephen, deux amis, venus l'un de San Francisco, l'autre de Sacramento, "ce fut une nuit totalement surréaliste, on faisait partie d'une foule qui se mouvait comme un ours en cage dans la ville, à la recherche du face à face avec la police, mais il n'y avait pas le moindre uniforme dehors".
La maire de la ville, la progressiste et très à gauche Jean Quan, était encore célébrée il y a moins d'un an comme la première femme américaine-asiatique à être élue maire. Aujourd'hui, sa cote de popularité est en chute libre. Décriée par ses propres électeurs qui l'appellent à démissionner, elle a vite fait marche arrière en ordonnant à la police de se retirer totalement des grandes artères de la ville lors de la manifestation nocturne du 26 octobre. Et depuis, elle doit observer les tentes des campeurs revenues plus nombreuses sous les fenêtres de ses bureaux en pensant amèrement au slogan préféré des protestataires de la Baie de San Francisco: "Plus vous vous en prenez à nous, plus nous proliférons".
Les SDF peuplent les campements Occupy
Prise entre deux feux, les supporters d'Occupy Oakland et les businessmen du centre-ville ou autres citoyens qui font pression pour voir le camp levé, la maire Jean Quan a invité jeudi dernier tous ceux qui ont un avis sur la question à venir discuter de manière conviviale à la mairie, "pour essayer de trouver une solution qui agrée tout le monde". Mais force est de dire que la "discussion conviviale" a immédiatement tourné à un échange d'hostilités pour le moins belliqueux entre les centaines de citoyens présents. Les uns (propriétaires de business dans le centre-ville) se plaignant de "l'insécurité et la saleté", les autres (supporters d'Occupy) les accusant ainsi que "les medias qui roulent pour le 1%" d'exagérer les "problèmes de sécurité, d'hygiène et de santé publique" que crée le campement.
Il est vrai que les articles de presse n'ont pas manqué pour décrire les "toilettes portables qui déversent leur contenu sur la chaussée" ou "les agressions sexuelles contre des activistes femmes à l'intérieur des campements". Mais il est également vrai que la décision au départ spontanée et enthousiaste de créer des campements de tentes au c'ur d'espaces urbains a vite débordé les initiateurs. Dans toutes les villes ou se trouve un campement Occupy, les SDF et les vagabonds ont accouru. Car dans les camps Occupy, ils se sentent protégés (relativement) de la police et ils bénéficient d'un abri, de couvertures et de nourriture. Mais si la trop visible présence des SDF, des fous et des vagabonds dans les campements Occupy a horrifié les commerçants et usagers des centres-villes ainsi que les medias, les campeurs eux leur ont chaleureusement ouvert les bras. Il suffit, explique Josh, 21 ans, campeur d'Occupy San Francisco de respecter les "règles d'hygiène et de conduite assez strictes que nous imposons à tous ceux qui font partie du campement et cela nous permet de continuer à être tous ensemble contre les "1%" qui veulent nous déloger". Il n'est pas question , dit-il, "de dire à ces gens qui ont perdu leur maison et la raison de décamper".


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