32.000 dinars, le salaire «correct». Le 27 juillet dernier, dans un
article délibérément provocateur publié dans ces colonnes, on donnait ce
chiffre sur la base du seuil d'octroi des crédits-automobile accordés par les
banques étrangères. Entre-temps et pour cause d'anxiété forte au sujet de
l'augmentation de la facture des importations, le gouvernement a décidé
d'interdire les crédits à la consommation et de nous priver ainsi de cette
référence «dangereuse» à ce qui pourrait être un salaire correct. Nul ne
s'attendait, bien entendu, à ce que le gouvernement fasse sienne cette
référence «perfide» aux pratiques des banques étrangères.
Mais le gouvernement a-t-il une
idée de ce qu'est le salaire correct et connaît-il la réalité du pouvoir
d'achat des salariés, hors fonction publique ? Apparemment, sa connaissance est
lacunaire puisqu'on peut lire, dans un journal public, que le ministère du
Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale a lancé deux avis d'appel
d'offres nationaux restreints pour la réalisation de deux enquêtes sur les
salaires dans le secteur économique et sur l'évolution du pouvoir d'achat et
des dépenses de consommation des ménages 2008-2009. On sera bien curieux de
connaître le résultat de l'enquête sur les salaires surtout si elle prend en
compte la part, importante, du travail informel qui se pratique dans le secteur
privé. Quant à l'évolution du pouvoir d'achat et les dépenses de consommation
des ménages, plus de détails seront les bienvenus, même si l'observation
courante permet déjà de différencier entre plusieurs catégories de ménages.
Les pauvres ne sont pas visibles
Les plus nombreux et
automatiquement les moins visibles sont ceux qui sont dans une démarche de
survie, la consommation se réduisant à l'essentiel. Pour ces larges catégories,
qui ne se disent pas encore «pauvres», l'essentiel est difficile, l'imprévu -
maladie - est déstabilisant. Il y a ensuite la «middle class», celle qui est
devenue apparemment trop «visible» et qui donne des soucis au gouvernement.
Cette middle class s'est mise à prendre des crédits pour avoir «sa petite
auto», son «petit frigo», sa télévision plasma et qui, accessoirement, s'offre
ses deux ou trois semaines de vacances en Tunisie. Dans sa volonté de brider
l'importation, c'est cette middle class qui est directement ciblée par les
autorités qui s'inquiètent à leur tendance à l'endettement. Et il ne s'agit pas
d'un simple discours.
Le Snapap, peu enclin à défendre
le gouvernement, confirme dans une étude statistique la forte tendance des
fonctionnaires à s'endetter. Le syndicat donne une estimation de 64% des
fonctionnaires qui vivent sous hypothèque après avoir contracté un crédit. Le
syndicat autonome n'hésite pas, pour ce qui le concerne, à user d'une formule
choc: le fonctionnaire algérien est «devenu un titre de pauvreté». Il y a de
l'humour très noir dans la formule du Snapap, mais il y a également le constat,
juste, que près de «98,03%» de la population active n'est pas satisfaite des
salaires qu'ils perçoivent.
Les «happy few» sont moins de 2%
En somme, dans l'Algérie de 2009,
ceux qui sont «satisfaits» de leurs salaires ne dépassent pas les 2%... Il
n'est pas difficile de deviner où se trouvent ces «happy few». Mais globalement
et pour paraphraser un vers de Louis Aragon, «il n'y a pas de salariés heureux»
en Algérie. Le plus surprenant est qu'un syndicat comme le Snapap tient compte
du principe de réalité et développe des demandes modestes, comme un salaire
minimum de 16.000 dinars et une augmentation de la prime de scolarité. Les
enquêtes diligentées par le ministère du Travail devraient globalement
confirmer les constats déjà faits.
La tripartite, annoncée pour
l'automne prochain, donc après un Ramadhan qui s'annonce pesant pour les
petites bourses, devrait être l'occasion d'un «petit effort» en matière de
salaires... Il y a peu de chance qu'il soit substantiel. Le gouvernement veut
réduire les importations et il fera valoir qu'une augmentation des salaires
sans augmentation de la productivité interne ne fera que nourrir l'inflation et
favoriser les... méchantes importations. Les syndicats autonomes ont beaucoup à
redire sur cet argumentaire. Le problème est qu'ils continuent de ne pas être
partie prenante de la tripartite alors que l'UGTA, sauf gros imprévu, va
continuer à être sage et responsable.
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Posté Le : 11/08/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com