«A l'école, j'étais déjà choqué de voir qu'il n'y avait que deux Algériens dans ma classe. Ce n'est que bien plus tard, lorsque je fréquentais les syndicats (la CGT), que j'ai compris que l'Histoire de l'Algérie était autre que celle racontée par les Français'»
Issu pourtant d'un milieu européen, Felix Colozzi n'était pas indifférent à l'injustice et au racisme subis par les Algériens, notamment au collège. Il avait 24 ans au moment du déclenchement de la Révolution en 1954. Aujourd'hui, du haut de ses 81 ans, Colozzi, natif de Belcourt, revient sur certains épisodes de son combat révolutionnaire aux côtés de personnages illustres, à l'image de Fernand Yveton, Abdelhamid Gherab et autres Maurice Labon. Colozzi fut champion en cyclisme. Grâce à cette pratique sportive, il a parcouru plusieurs douars et villages de l'Algérie profonde, ce qui lui a permis de découvrir les conditions de vie difficiles des Algériens «qui vivaient dans la boue, les enfants couraient pieds nus». «C'est au syndicat qu'on m'a formé finalement, et c'est grâce au syndicat que je me suis senti algérien. J'ai senti que je faisais partie de cette nation.»Après cette prise de conscience, l'heure de passer à l'acte révolutionnaire sonna. «Au déclenchement de la Révolution, nous étions surpris. Cependant, nous étions impatients d'y participer.» Les premiers contacts avec la révolution armée remontent à mai-avril 1956. A cette époque, Colozzi faisait partie, aux côtés d'Yveton, d'un groupe armé appartenant au Parti communiste algérien (PCA). Lorsque les «choses sérieuses avaient commencé», c'est-à-dire en juillet 1956, tous les groupes de fedayin sous la responsabilité de Castel et de Guerroudj sont passés sous le commandement du Front de libération nationale (FLN) suite à un accord avec le PCA. Parmi les actions armées auxquelles Colozzi a participé, l'acte réussi contre la «Bouchonnerie internationale», une fabrique de bouchons sise à Hussein Dey, mise à feu durant trois jours. Avec cet acte qui signait leur baptême du feu dans la Révolution, ces combattants «pieds-noirs» appelés les CDL (Combattants de la libération, ndlr), portés par cet élan révolutionnaire et la réussite de leur première action contre la France coloniale, voulaient passer la vitesse supérieure. Ils réclament des explosifs. «Yveton devait mettre une bombe à l'UGEA, et moi, la semaine suivante, à la centrale de Mustapha. Personnellement, je n'avais pas de difficultés à transporter des bombes, témoigne-t-il, car je travaillais là-bas et donc je pouvais faire rentrer n'importe quoi.» Au même moment, le groupe dit du «Maquis rouge» (composé de huit éléments), sous le commandement du sous-lieutenant Abdelhamid Gherab, assisté de l'aspirant Henri Maillot alias Si Abdelkader, tous jeunes, donnaient des sueurs froides aux stratèges de l'armée coloniale. Le 6 octobre 1956 à Frais Vallon, le groupe manque de peu une opération de liquidation physique contre le tristement célèbre général Massu. L'empreinte de la jeunesse dans la glorieuse Révolution algérienne est des plus intéressantes. Pour s'en faire une idée, il n'y a qu'à voir la moyenne d'âge des chefs historiques, à l'instar des «Six» qui ont allumé la première étincelle de la Guerre d'Algérie. Leur moyenne d'âge ne dépassait pas 30 ans. Larbi Ben M'hidi avait 22 ans lorsqu'il adhéra au Mouvement des Amis du Manifeste et de la Liberté et participa ainsi au congrès de mars 1945. Il fut condamné par contumace à dix années de prison, dix années d'exil, et à la privation de ses droits civiques pendant dix années. Pour échapper à la police, Ben M'hidi dut changer sans cesse d'identité, ce qui lui valut le surnom de l'Homme aux vingt visages. En avril 1954, Ben M'hidi participa à la constitution du Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) dont il devint l'un des 22 membres. Il n'avait que 34 ans lorsqu'il fut assassiné par les hommes du sanguinaire Bigeard. Une autre héroïne, Hassiba Ben Bouali, elle qui rêvait de devenir infirmière, est tombée au champ d'honneur alors qu'elle n'avait que 19 ans. Abane Ramdane, surnommé l'architecte du Congrès de la Soummam, digne fils du village d'Azouza en haute Kabylie, a donné une nouvelle orientation à la Révolution. Cartésien, il payera néanmoins cher le prix de sa témérité. Bien que jeunes, ces révolutionnaires, imprégnés des valeurs patriotiques, ont répondu à l'appel de la patrie et se sont élevés contre la force d'occupation française. Boudiaf, Abane, Ben M'hidi, Bitat, Ben Boulaïd, Didouche, Hassiba Ben Bouali, Ali Amar (alias Ali la Pointe), etc., autant de symboles qui auraient pu se choisir une autre destinée. L'appel du c'ur étant plus fort, certains ont donné ce qui est le plus cher à un être humain, la vie, tandis que d'autres ont été empêchés prématurément de continuer le processus de construction du pays au lendemain de l'indépendance. Frappée du sceau de la jeunesse, la Révolution algérienne peut s'enorgueillir d'avoir été portée et menée à bon port par une fougue juvénile singulière dans les annales de l'histoire'
Y. D.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 31/10/2011
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Younès Djama
Source : www.latribune-online.com