Algérie

En 1853 l’histoire des Suisses en Algérie commence



En 1853 l’histoire des Suisses en Algérie commence
Longtemps comme chez eux en Algérie française, les «colons» helvétiques ont dû partir en 1962.

Photo : Le général suisse Henri Guisan en visite chez les Suisses d’Algérie en 1951.
ARCHIVES FÉDÉRALES SUISSES

Les Suisses fixés en Algérie, on croyait les connaître à travers la triste expérience d’Henry Dunant, investisseur malheureux dans ce pays au milieu du XIXe siècle. Pourtant, leur histoire a duré bien plus longtemps. Elle s’est poursuivie jusqu’au retour au pays des derniers «colons» helvétiques, après la guerre d’indépendance algérienne contre la France coloniale. Ces Suisses s’étaient très bien accommodés de cette appartenance à la catégorie d’habitants européens qui pensaient être chez eux sur la terre d’Afrique. «Ce sont les Français qui les ont attirés en Algérie pour qu’ils contribuent à développer la colonie», explique l’historienne Marisa Fois (à ne pas confondre avec l’actrice française Marina Foïs!), maître-assistante à l’Université de Genève.

Cette spécialiste de l’Afrique du Nord, au patronyme bien connu en Sardaigne, a signé un livre sur cette page d’histoire méconnue – «Héritages coloniaux. Les Suisses d’Algérie» – qui vient de paraître chez Seismo. «J’ai abordé ce sujet en découvrant l’existence de l’Association des Suisses spoliés d’Algérie ou d’outre-mer (ASSAOM), créée à Genève en 1967 pour permettre aux gens qui avaient tout laissé de l’autre côté de la Méditerranée d’obtenir de l’aide en Suisse. Ensuite, j’ai appris que c’était au départ de Genève que l’immigration suisse en Algérie avait commencé plus d’un siècle auparavant, en 1853, par le biais de la Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif.»

Sétif est une très ancienne ville du Nord-Est algérien, dotée dès 1847 d’une urbanisation à l’européenne destinée à accueillir des Français, des Allemands et des Suisses désireux d’exploiter les terres et de faire marcher les commerces de cette partie de la Petite Kabylie. Jusqu’à sa nationalisation au début de la guerre d’indépendance algérienne, la colonie de Sétif disposait de 20’000 hectares concédés par le gouvernement de l’empereur Napoléon III en 1853. Là, à Alger et partout où des Suisses étaient établis, leur nombre atteignit 2000 environ au plus fort de leur présence dans le pays.

Un siècle et un an après la création des colonies de Sétif, la guerre d’indépendance commence, amorçant le départ des Suisses effrayés par l’insécurité grandissante. Pourtant, en 1951 encore, ils ne se doutent pas de ce qui les attend quand le général Henri Guisan leur rend visite dans le joli quartier d’Alger appelé Bouzareah. Des photos de cette réception illustrent le livre de Marisa Fois, témoignages très vivants de l’insouciance qui régnait dans la Cinquième Suisse avant le grand chambardement.

Marisa Fois poursuit: «Ce que j’essaie de raconter dans mon livre, à travers les archives que j’ai consultées, c’est que bien que la Suisse soit un pays neutre et qu’elle n’ait pas participé à la colonisation en tant qu’État, certains citoyens et même les autorités suisses ont manifesté un intérêt économique à participer à l’aventure coloniale. C’est un paradoxe de la microhistoire, la communauté étant de taille modeste. Dès le retour de ces gens au pays, les mêmes questions se sont posées pour eux qu’en France pour les Français rentrés en métropole: déracinement, perte de travail, propriétés perdues, pensions non versées. Des problèmes de colons dans un pays sans colonies, c’est étrange, non?»

La déception des rapatriés
Pendant de nombreuses années, ces Suisses vont chercher à obtenir des dédommagements qu’ils ne recevront jamais, tout au moins à la hauteur de leurs prétentions. Marisa Fois montre dans son livre quelle fut la déception de ces personnes que les autorités suisses avaient longtemps rassurées. «Quand la guerre de libération a commencé en 1954, les consulats et l’ambassade ont répondu aux inquiétudes de leurs concitoyens en leur disant qu’ils n’avaient pas à s’en faire, qu’ils pouvaient rester sur place et que de toute façon l’Algérie resterait française car la France ne reconnaîtrait jamais l’indépendance. Au fil de la guerre, le discours officiel a changé. Aux Suisses apeurés, leurs autorités ont dit qu’ils trouveraient logement et travail en Suisse s’ils revenaient. Dès leur retour, ils se sont rendu compte que cela n’allait pas de soi.»

Marisa Fois a pu rencontrer dans le canton de Vaud une dame suisse très âgée qui est partie en Algérie quand elle avait 4 ans, d’où elle est revenue en Suisse en 1962, à l’âge de 30 ans. «Son mari français l’a suivie ici car il reprochait à la France d’avoir trahi les Français d’Algérie, raconte l’historienne. Là-bas, ils vivaient comme des cultivateurs aisés. Quand ils sont arrivés en Suisse, ils n’avaient rien. Ils ont reçu quelques centaines de francs et des couvertures de la Croix-Rouge, rien de plus. Le dédommagement qu’ils espéraient n’est jamais venu et ils ont refait leur vie sans cela.»


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