L'emploi n'est
pas une problématique qui concerne uniquement les jeunes, mais elle interroge
sur ce qu'est la jeunesse. Pour beaucoup de spécialistes, il ne saurait y avoir
de réponse spécifique à l'emploi des jeunes sans une politique globale de
l'emploi : relance de l'économie, redistribution des richesses, réaffirmation
des droits du travailleur, lutte contre le travail à temps partiel et les
emplois précaires, politique industrielle... Surtout une politique de l'emploi
qui favorise l'insertion dans un emploi durable, qui lutte contre les
discriminations et le travail précaire: c'est une politique bénéfique aux
jeunes comme à l'ensemble des actifs.
Dès lors se pose
une question simple, est-ce que ces réponses globales suffisent à traiter le
chômage particulièrement élevé que subissent les jeunes et la détérioration des
conditions de travail ; ou, à l'inverse, y a t il des spécificités à l'emploi
des jeunes, qui bien que nécessitant des réponses globales pour tout le
salariat, nécessitent une réflexion et des réponses spécifiques ?
Afin de répondre à cette question, il faut,
tout d'abord, interroger le temps de vie qu'est la jeunesse par rapport à
l'emploi afin d'appréhender les particularités de cette problématique pour les
jeunes. Puis développer les mutations de la question de l'emploi et des jeunes
lors des vingt dernières années, qui ont donné une acuité toute particulière à
ces questionnements.
La jeunesse se
définit-elle par rapport à l'emploi ?
La jeunesse n'est
pas une classe sociale ni un groupe uniforme, elle est un temps de la vie entre
l'enfance et la complète autonomie où l'on a un emploi stable, un logement
propre et où l‘on peut former un ménage. Ce temps que constitue la jeunesse a
donc profondément été modifié ces dernières années. Dans les années 1960 et
1970, la jeunesse se divisait en deux catégories. D'un côté, ceux qui faisaient
des études courtes, jusqu'au certificat d'études, qui rentraient très vite sur
le marché du travail ; celui-ci étant stable, en dépit de la pauvreté ils
pouvaient très vite fonder une famille. De l'autre, les enfants des classes
aisées et une petite minorité, qui à chaque génération réussissait à gagner ses
rangs, faisaient des études plus longues et obtenaient dès lors leur autonomie
totale, de façon plus tardive mais disposaient d'une éducation plus importante
leur garantissant dans la majorité des cas d'être cadres.
Aujourd'hui ce schéma traditionnel de sortie
du système éducatif où se succèdent rapidement «emploi stable, logement,
fondation d'un ménage» n'est plus la norme, même s'il reste prépondérant.
Surtout, le temps pour réaliser ces trois étapes a augmenté. La diminution des
emplois industriels et agricoles, l'allongement de la durée des études, et
surtout le temps beaucoup plus long pour obtenir un emploi stable a
considérablement allongé la période que constitue la jeunesse. De plus en plus
de jeunes, même en emploi, doivent vivre chez leurs parents, ou dépendent de la
solidarité familiale pour accéder à un logement. La jeunesse c'est donc le
temps d'études et le temps de l'insertion dans l'emploi jusqu'à l'acquisition
d'une situation stable permettant d'être pleinement autonome.
La détérioration
des conditions d'entrée dans le salariat pour la jeunesse
L'entrée des
jeunes dans l'emploi a été profondément bouleversée ces 20 dernières années.
Pendant les années glorieuses, l'entrée dans l'emploi se faisait à un niveau de
salaire relativement faible qui s'élevait avec les qualifications. L'écart de
salaire entre les salariés plus âgés, mais disposant de moins de
qualifications, était faible. Les augmentations répétées des salaires
permettaient donc de valoriser, dans le même temps, ceux qui avaient de
nouvelles qualifications, et ceux qui avaient l'expérience. Si le fait d'avoir
une haute qualification, que cela soit le baccalauréat ou plus encore un
diplôme universitaire, garantissait d'être cadre, près d'un cadre sur quatre
n'avait toutefois pas de diplôme universitaire. Ce qui démontrait l'importante
possibilité de pouvoir progresser dans la carrière même pour quelqu'un qui
n'avait pas de diplôme. Depuis le début des années 1990 ce modèle s'est
effondré. La fin de l'augmentation annuelle des salaires et l'augmentation du
taux de chômage se sont opérées très fortement au détriment des nouveaux entrants.
L'écart de salaire entre les moins de trente ans et les plus de cinquante ans
s'est sensiblement accru et cela malgré la hausse massive du niveau de
qualification et d'une maîtrise des nouvelles spécialités que n'avaient pas
leurs aînés.
La hausse globale du niveau de qualification
a aussi profondément bouleversé la façon dont s'opère l'entrée dans l'emploi,
ainsi que le déroulé de la carrière. Le diplôme est de loin la meilleure
protection contre le chômage, mais ne permet pas forcément d'obtenir un emploi
requérant le niveau de qualification que l'on a obtenu. Un double sentiment de
déclassement s'opère. Tout d'abord ceux qui sortent du système éducatif sans
qualification ont de plus en plus de mal à trouver un emploi non qualifié quand
des diplômés se portent candidat sur de tels postes. Ensuite, un véritable
sentiment de déclassement touche ceux qui pensaient obtenir une promotion
sociale en étant les premiers de leur famille à atteindre le baccalauréat ou la
licence et qui se retrouvent au même niveau que leurs parents. Certes dans ce
cas, il n'y a pas de déclassement avéré, mais la promesse non-tenue de la
promotion sociale par la réussite scolaire explique fortement cette frustration
bien réelle.
Pis encore, l'Algérie se caractérise aussi
par une surdétermination du rôle du diplôme non seulement à l'embauche mais
tout au long de la carrière, où quelles que soient les qualités démontrées dans
l'emploi, toute promotion sera quasi impossible si l'on ne dispose pas du
diplôme nécessaire. Cette donnée explique tant la férocité de la compétition
scolaire que la frustration et la colère de ceux qui ont échoué dans celle-ci.
Enfin, même le diplôme ne permet plus
d'accéder à un contrat à durée indéterminé et à un niveau de salaire permettant
d'être autonome et correspondant au niveau de qualification. Les contrats à
durée déterminé, le temps partiel, la vacation sont principalement l'apanage
des jeunes. Des lectures sociales précises sont à opérer. Si les jeunes en haut
de la hiérarchie sociale voient une très forte harmonisation de leurs
conditions de vie et d'emploi, les discriminations sont beaucoup plus fortes
pour ceux qui ne sont pas sortis victorieux de la compétition sociale qui est
organisée. L'apparence physique, l'origine géographique, le sexe peuvent
constituer de très importantes discriminations face à l'emploi et dans l'emploi
qui renforce ces tendances lourdes. Il est important d'éviter toute lecture
simpliste : si les jeunes hommes non-qualifiés par exemple ont des taux de
chômage relativement plus hauts que ceux des jeunes filles dans la même
situation ; la réalité est, par exemple, plus grave dans les zones rurales, ce
qui démontre de la spécificité des discriminations à caractère géographique.
À bien des égards, tous ces éléments expliquent
l'augmentation du taux de suicide chez les jeunes qui est l'une des
caractéristiques les plus fortes des mutations que subit la jeunesse mais aussi
autres phénomènes sociaux comme la harga.
Former et insérer
durablement les jeunes dans l'emploi
• Développer les
technicums accueillant l'ensemble des formations d'une même famille de métiers
du CAP aux diplômes universitaires techniques en y intégrant les filières en
apprentissage. Cela doit offrir une meilleure lisibilité de l'offre de
formation, rompre avec l'idée que l'enseignement professionnel serait une
filière courte, encourager le retour en formation.
• Systématiser
l'alternance lors de l'année de sortie du système éducatif, tout
particulièrement dans les spécialités professionnelles.
• Allonger la
durée de scolarité à 18 ans pour tous les jeunes sans qualification. Tout en
introduisant un dispositif d'une classe d'âge qualifiée, il s'agira de garantir
une qualification pour chaque jeune, protectrice sur le marché du travail.
• Créer dans tous
les lycées une cellule -école-insertion -qui assure le suivi de tous les
anciens élèves dans les trois années qui suivent la sortie du système éducatif
pour savoir où en est le jeune (Etude supérieur, emploi, chômage, contrats
précaires) et favoriser le retour en formation pour ceux qui sont sortis sans
qualification ou qui souhaiteraient reprendre une formation.
• L'orientation
scolaire ne doit plus être différenciée. Il faut intégrer les études de genre
dans les programmes scolaires pour permettre aux élèves de prendre conscience
du rôle des femmes dans nos sociétés, des responsabilités qu'elles exercent à
compétences égales que celles des hommes.
• Améliorer tout
au long du parcours scolaire et universitaire l'information sur la création
d'entreprise, en incluant systématiquement l'économie sociale.
• Renforcer
significativement les moyens alloués à l'ensemble des acteurs de l'insertion
sociale et professionnelle pour leur permettre de prendre en charge et
d'accompagner les jeunes dans tous les aspects de leurs vies (insertion
professionnelle).
• Créer un
véritable partenariat entre les lycées et les centres de formation
professionnelle, de manière à préparer l'insertion sur le marché de l'emploi
des jeunes et encourager les retours en formation.
• L'accompagnement
individuel des jeunes en situation de chômage et de précarité doit être
considérablement renforcé dans le cadre du service public de l'emploi.
• Permettre à
chacun d'accéder au plus haut niveau de qualification : cela passe par un
statut social qui protège les étudiants, les lycéens majeurs ou émancipés sans
qu'ils ne doivent choisir entre dépendance familiale et précarité du salariat
afin de pouvoir étudier.
• Les jeunes en
sortie du système éducatif ou universitaire doivent pouvoir bénéficier de cette
même allocation en tant que travailleur en devenir et être accompagnés avec des
dispositifs renforcés d'aide à la recherche du premier emploi afin de garantir
un droit au premier emploi.
• Financer une
formation à tous les jeunes sans qualifications et surtout les demandeurs
d'emploi de longue durée et bénéficier dans le même temps d'une allocation qui
les incitent à opter pour une formation.
L'insertion
professionnelle comme temps de formation et non comme emploi déguisé
• Interdiction
des stages de plus de six mois et limiter la durée totale des stages à 6 mois
contre une prime conséquente assurant la dignité des jeunes.
• Garantir les
mêmes droits qu'un contrat ordinaire.
• Intégrer les
stages dans le code du travail, comptabiliser leur durée dans les tous droits.
• Etendre les
missions de contrôles des inspecteurs du travail aux stages
Lutter contre les
discriminations
• «Égaux devant
l'adresse» Reconnaître par la loi la discrimination notamment pour la
convocation aux concours ou à l'entretien d'embauche.
• Augmenter
significativement le nombre d'inspecteurs du travail, et leurs moyens pour
garantir l'effectivité de l'application des lois de la République.
• Créer un
service public de lutte contre les discriminations à l'emploi qui permettra la
collaboration des services de police, service public de l'emploi, des
inspecteurs du travail et de la justice afin de détecter et sanctionner les
employeurs qui refusent de rencontrer des candidats pour des motifs subjectifs.
• Donner comme
mission à l'Agence Nationale de l'Emploi-ANEM- d'instaurer une base de données
de CV anonyme pour les employeurs.
• L'Etat doit
inviter les partenaires sociaux à une conférence tripartite pour revoir la
question des discriminations, tout particulièrement à l'embauche, et garantir
les moyens à l'application d'un accord plus souple et plus opérationnel.
• Les entreprises
qui n'auront pas mis en place un plan pluriannuel de réduction des écarts de
salaires devront être taxées pour casser le plafond de verre qui s'impose à tous
les employés.
• Instaurer des
comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travails de branche sur un
territoire ou un bassin d'activités afin que chaque salarié, bénéficie de cette
protection quelle que soit la taille de son entreprise.
• Instaurer des
comités d'entreprises de territoire pour que tous les salariés, même des
petites entreprises puissent en bénéficier.
L'économie
sociale : la démocratie comme mode d'organisation
• Encourager le
développement social des entreprises par la mise en Å“uvres de mesures
incitatives à l'encouragement de création de l'emploi «En réduisant les charges
qui pèsent sur le travail, on libérera l'emploi.» Pour lutter contre le
chômage, la possibilité pour chaque entreprise de créer deux emplois sans
charges. A moyen terme, il est important de réfléchir au transfert des charges
sociales vers d'autres bases que le travail.
Quand il s'agit de définir des priorités en
matière économique, tout le monde parle de croissance, d'emploi, et,
évidemment, à juste titre. Mais la croissance et l'emploi sont des résultantes
: ce qui fait l'emploi, c'est l'entreprise. L'esprit d'entreprise et
l'entrepreneur. Or, si une entreprise, à production de richesse semblable, crée
des emplois, elle paye le maximum de charges ; si elle n'en crée pas, elle paye
très peu. Formidable injustice. Rien ne justifie que l'ensemble du financement
de la protection sociale repose sur le travail, sur l'emploi.
• Faciliter le
rachat d'entreprises en situations financières difficiles par les salariés en
adoptant un statut d'entreprise sociale grâce à l'accès aux crédits publics.
• Développer la
reprise d‘activité en milieu rural notamment grâce à l'accès à des fonds
publics et des dispositifs d'accompagnements spécifiques. Les formes
coopératives doivent être favorisées notamment pour faciliter la participation
de tous les bénéficiaires pour la création de l'activité économique en milieu
rural.
• L'Etat doit
accorder à chaque salarié un chèque syndical afin de favoriser la
syndicalisation et lutter contre les discriminations syndicales en généralisant
le syndicalisme.
Faire du CDI la
norme : taxer l'emploi précaire
• Conditionner
tout contrat précaire pour cause d'augmentation temporaire d'activité à
l'accord soit du délégué
du personnel soit
de l'inspecteur du travail.
• Introduire une
surcote progressive des cotisations patronales sur les emplois précaires. Un
premier niveau sur les emplois en contrats à durée déterminé à temps complet,
un deuxième niveau plus élevé pour les temps partiels, ainsi qu'une surcote
progressive en fonction du pourcentage d'emplois précaires dans l'entreprise.
Augmenter les
salaires et garantir la reconnaissance salariale des qualifications
• L'Etat doit
avoir une politique volontariste d'augmentation du SMI C et des salaires afin
que les salariés disposent d'une plus grande part de la richesse qu'ils
contribuent à produire.
• Conditionner
toutes les exonérations de cotisations sociales à la signature d'accords dans
les branches et entreprises sur les salaires et à la définition d'une grille de
salaire où le SMI C est appliqué aux seuls emplois sans qualification puis une
augmentation en fonction des qualifications dans les conventions collectives.
• Garantir
qu'aucun salaire minimum de branche ne soit inférieur au SMI C pour permettre
l'augmentation annuelle des salaires.
• Transférer une
partie des cotisations sociales sur la valeur ajoutée afin de favoriser
l'emploi et faire cotiser de façon plus importante les entreprises à forte
création de richesses mais à faible main-d'oeuvre. !
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Posté Le : 03/02/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hamiani Mohammed Toufik
Source : www.lequotidien-oran.com