Algérie

Éloge de la critique



Les médias (écrits et audiovisuels) de qualité ont le constant souci, pour satisfaire le droit à l'information de leurs auditoires, d'accompagner l'information brute - essentielle - par des papiers de mise en perspective, y compris d'humeur, exigeants par leur critique. Dans un espace public national marqué du sceau de l'unanimisme, des titres de la presse privée assument quasiment en francs-tireurs et à leur corps défendant ce défi périlleux. Le journaliste Mohamed Benchicou, toujours en prison, est une écharde vivante de l'allergie de nos gouvernants à ce droit ; tout comme le scandale Orascom-Shorafa éventé par son journal et étouffé. Cependant que la multinationale de téléphonie mobile nous bassine de pub sur les millions d'Algériens porteurs de ses puces.Le paradoxe, c'est que, en même temps, certains de nos gouvernants veulent aussi parfois exceller à naviguer entre l'éloge et la critique. Dans ce registre du clair-obscur, Khalida Toumi a débusqué - mais toujours en gardant dans la boîte noire les renseignements utiles - devant l'Assemblée nationale une affaire de trafic de nos vestiges mémoriels en direction de l'Allemagne impliquant aussi des archéologues nationaux. Il s'est trouvé qu'un député a saisi l'aubaine pour tomber à bras raccourcis sur la télé gouvernementale, comme le rapporte l'un de nos quotidiens. Il a pointé que Canal Algérie « les a présentés récemment comme les bienfaiteurs du patrimoine algérien. La ministre de la Culture a tenu à défendre Canal Algérie, indiquant que les journalistes qui ont fait le reportage ignorent les dessous de l'affaire et rappelle que HHC (le directeur de la télé) a été le premier ministre du secteur à présenter un projet visant à protéger le patrimoine national ».D'une pierre deux coups, elle fait Khalida Toumi. L'éloge, formel et de connivence, fait à son ancien collègue est assorti d'une critique « maternaliste » à l'adresse des journalistes. On ne sait pas, et l'opinion publique ne le saura peut-être jamais, si c'est l'incompétence professionnelle qui a vicié le document télévisuel ; ou l'intérêt que les journalistes (et le boss de la télé) ont eu à « faire l'article », c'est-à-dire la pub, d'un « évènement » ; ou le black-out du ministère sur le dossier ; etc. Questions à tiroirs. A méditer, avec cette maxime inaltérable de Beaumarchais : « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. »


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