Depuis longtemps et à ce jour, il y a des femmes dans les petites et grandes villes et dans les localités les plus lointaines du Sahara, qui ont choisi de s'exprimer par l'art.Certaines sont les pionnières, d'autres ont suivi leur voie. Des femmes des grandes villes, des petites localités et du grand Sahara ont choisi de s'exprimer en écrivant des poèmes, en dessinant, en jouant de la musique ou en chantant. Au début du siècle dernier, dans certaines villes d'Algérie, des femmes ont osé franchir le pas, en défiant les hommes et la société, en montant sur scène pour jouer dans des pièces de théâtre, en chantant et en exposant leurs tableaux, mais bien avant elles, d'autres plus audacieuses, sont allés à fabriquer un instrument de musique, à en jouer et même à l'interdire aux hommes.
Les reines de l'Imzad
Cet instrument à une seule corde frottée qui est le père du violon, est à ce jour utilisé par les femmes Targuies. Il a été classé en décembre 2013, comme patrimoine mondial de l'UNESCO, grâce au travail réalisé par l'association Sauver l'Imzad, dont la présidente, Farida Sellal, est elle-même une brillante artiste peintre et photographe. Après la disparition des dernières grandes maîtresses de l'Imzad, dont Alamine Khoulen et Tabelhout Akhamouk, des femmes telles que Badi Lalla, continuent sur la même voie en donnant des cours à des jeunes filles à Dar El Imzad à Tamanrasset.
Dans un enregistrement, la chanteuse et musicienne qui maîtrisait à merveille l'Imzad, cet instrument à une seule corde, disait qu'elle a appris à jouer auprès de sa tante Dassine ( poétesse et chanteuse), de Tabhat et Houta, d'autres musiciennes très connues dans la région de l'Ahaggar. Elle a elle-même formé d'autres instrumentistes, notamment Dmeyla Edabar et Alamine Khoulan et Khabou. Pour rappel, la défunte Tabelhout, qui était la fille de Akhamokh Aguehamma ( Amenokhal (grand chef) de l'Ahaggar et la nièce de Dassine, une des reines de l'Imzad, a consacré sa vie à cet instrument joué par les femmes du Sahara, pour encourager les hommes qui, eux, n'ont pas le droit de l'utiliser.
Elles ont osé
Si au Sahara, l'Imzad a toujours été autorisé et réservé aux femmes, dans les villes, toute la pratique artistique leur était interdite en public, et rares sont celles qui ont osé entrer dans ce monde dominé par les hommes. En effet, à l'époque où le domaine de la poésie Melhoun était dominé par Benguitoune, Smati et Ben Kerriou, une certaine Cheikha El Moqrania sortit du lot, en déclamant ses beaux poèmes. L'un des meilleurs poèmes de Cheikha El Mokrania est celui où elle raconte l'histoire de son berger, qui a osé sa main après la mort de son mari. Au début du siècle dernier, une femme, originaire d'un village de Djelfa, nommée Habba, est devenue la première chanteuse qui a vraiment passé le cap du professionnalisme, en enregistrant un disque. Cette artiste, qui a profité de l'invention d'Edison avec la sortie du premier phonographe à disques cylindriques, a profité pour enregistrer une chanson au début des années 1900. Ce passage au professionnalisme de Habba lui a valu la colère de tout son village, qui aurait décidé de l'extrader de la ville. Très audacieuse, la chanteuse Habba s'est inspirée de cette réaction pour écrire et chanter une complainte, dans laquelle elle raconte ce rejet de sa famille et son village. Aujourd'hui, il n'existerait qu'un seul disque cylindrique de Habba, que détiendrait un collectionneur de Djelfa.
Alice Fitoussi est devenue voyante
La deuxième femme ayant osé franchir le pas pour se faire un nom dans le domaine de la chanson qui était réservé aux hommes, c'est Yamna Bent El Hadj El Mahdi, fille d'une famille respectable de la Casbah d'Alger. C'est cette dame qui ouvrira les portes de la pratique artistique, notamment dans le domaine de la chanson andalouse et Hawzi, à toutes les femmes. Parmi ses élèves directes ou indirectes, il y'a eu Meriem Fekkai dite El Beskria, et Cheikha Tetma, qui a quitté sa ville Tlemcen pour Alger. Ces grandes dames de la chanson seront suivies par Fadhila Dzirya et bien d'autres, dont Latifa qui a enregistré sur disque 78 tours Doum Enhebbek et El Ain Ezzerga. Alice Fitoussi, Noura, Nadia, Fettouma, qui s'est consacrée par la suite au cinéma et Seloua, la doyenne des chanteuses. Il faut noter qu'à la fin des années 1970, Alice Fitoussi, qui ne pouvait plus subvenir à ses besoins, a quitté la vie artistique pour devenir voyante à El Biar. Pour la chanson Chaouie et kabyle, il y a eu aussi Beggar Hadda, Cherifa, Hnifa, Djemila et bien d'autres, qui ont enregistré des disques. Dans le domaine du théâtre, c'est Keltoum qui, à la fin des années 1930, est découverte à Blida par Mahieddine Bachtarzi. Bien que Marie Soussan faisait déjà les beaux jours du théâtre, aux côtés de son compagnon Rachid Ksentini, et arrêtera sa carrière après la mort du plus grand humoriste algérien, c'est Keltoum qui restera dans l'histoire, car elle mènera une grande carrière dans le quatrième art.
Flidjani, l'incomprise
Pour la peinture, deux femmes sont sorties du lot au début des années 1940. Keira Flidjani et Baya Mahieddine. La première est partie à Paris, où elle joua des petits rôles dans le cinéma pour financer ses cours de peinture. Après l'indépendance de l' Algérie, elle est revenue au pays pour une exposition, mais ses tableaux avaient choqué même les artistes de l'époque, qui ne savaient pas encore ce qu'est un Nu. La grande artiste est repartie pour terminer une carrière à New York. Baya Mahieddine, la femme du maître de l'Andalou, Hadj Mahfoudh, après plusieurs expositions et des encouragements même de Picasso, a été menée à mettre fin à sa carrière. Dans ce monde réservé autrefois aux hommes, il y a eu même des femmes qui se sont lancées dès la fin des années 1930 dans une carrière de danseuses. Aujourd'hui, le monde a évolué, mais il faut rendre hommage à ces femmes qui étaient déjà à l'avance, et ont osé lancer le défi d'être des artistes parmi les hommes pour s'exprimer.
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Posté Le : 08/03/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Bari Stambouli
Source : www.letempsdz.com