Algérie - Abalessa

ELLE RACONTE UN PAN DE L’HISTOIRE DU HOGGAR Zaouïa de Tifert, un patrimoine à l’abandon



ELLE RACONTE UN PAN DE L’HISTOIRE DU HOGGAR  Zaouïa de Tifert, un patrimoine à l’abandon
Cheikh Ahmed El-Foulani fut accueilli à bras ouverts par les autochtones de ce village surplombé par le tombeau funéraire de la légendaire Tin Hinan.

Même si les zaouïas sont sollicitées pour servir d’appoint électoral, elles ne bénéficient pas toutes, en retour, de l’attention des pouvoirs publics. Il en est qui sont totalement à l’abandon. La zaouïa du vénérable cheikh Benmalek Ahmed Ben Mohammed El-Âam El-Foulani, qui servait la cour des tribus à l’ère de la confédération des Touareg et qui jouait un rôle prépondérant durant la guerre de libération nationale, en est un exemple éloquent. Située au village de Tifert (commune d’Abalessa, à 100 km du chef-lieu de wilaya), la zaouïa se trouve dans une déliquescence totale. Ce qui fut un lieu de pèlerinage et de savoir est en déperdition avancée, eu égard à la situation de la bâtisse et à l’état des murs qui risquent de s’effondrer à tout moment. Dépité, Abdelhalim Benmalek, petit-fils du fondateur de la zaouïa, nous fait part de l’histoire de cet espace cultuel et de son chef religieux qui fut élu conseiller de l’amenokal, Akhamouk Ag Ihemma pendant tout son règne, de 1920 au 1941, puis par ses successeurs Meslagh Ag Amaias (1941-1950) et Bey Ag Akhamouk (1950-1975). “Après la mort de l’amenokal Moussa Ag Amastan, cheikh Ahmed fut intronisé conseiller religieux de l’amenokal Akhamouk qui a quitté son fort à Tamanrasset pour s’installer à Tikourimine, tout près de Tifert. Akhamouk le sollicitait souvent pour renforcer son aura dans la lutte contre le colonialisme et l’aider à dénouer les situations conflictuelles entre les différentes tribus, en attestent les correspondances et les lettres trouvées dans les archives de la zaouïa”, raconte Abdelhalim. C’est ainsi que la zaouïa de Tifert, actuellement réduite en amas de décombres, est devenue l’axe central dans la gouvernance de l’amenokal de l’Ahaggar, et même au-delà, puisque la notoriété du cheikh dépassait les frontières, car il fut également sollicité par des notables du Niger et du Mali pour une quelconque fatwa religieuse. Son niveau intellectuel lui permettait aussi d’intervenir pour trancher des affaires d’ordre économique et culturel, nous dit notre interlocuteur, avant de nous inviter à une visite guidée de la zaouïa et nous replonger dans l’histoire de chaque coin et recoin de ses pièces. Selon notre guide, la zaouïa fut fondé en 1918. Elle est composée d’une mosquée qui fut le premier endroit cultuel doté d’une toiture en bois et d’une ossature entièrement couverte dans la région de l’Ahaggar. Baptisée du nom Hassen Al-Basri, la mosquée a connu deux opérations de réhabilitation. La première entre 1952 et 1953.
La seconde en 1993 où l’on a procédé à la reconstruction de la bâtisse qui accueille des passagers de tous bords. Cependant, ce n’est qu’à partir du 12 mai 2011 que la direction des affaires religieuses et des wakfs de la wilaya y a autorisé le premier appel à la prière du vendredi, sur instruction du wali d’alors, Saïd Meziane. La zaouïa se dote également d’une école coranique destinée à l’éducation et à l’enseignement des préceptes de l’islam et du parcours du Prophète Mohamed (QSSSL). Après 99 ans de sa mise en service, l’école continue d’assumer pleinement les missions qui lui ont été assignées en recevant des disciples, issus des familles nomades dont les plus brillants sont devenus des cadres bien placés dans nombre d’administrations locales. D’autres ont fini par devenir des notables et des personnalités influentes dans le Hoggar, à l’exemple de Hadj Moussa Ag Akhamouk, Chenani Ourzig, Mokhtar Zounga et Ahmed Edabir. Nonobstant le manque de moyens didactiques et de supports pédagogiques appropriés, les gestionnaires de l’école s’emploient à perpétuer les traditions et la méthodologie d’enseignement héritées de leur directeur spirituel et temporel d’ordre, cheikh Benmalek Ahmed El-Foulani. Outre la maison des hôtes qui a toujours offert le confort d’hébergement et d’accueil aux adeptes de cette région, plus particulièrement aux gens en quête de spiritualité, la zaouïa se dote également d’une bibliothèque riche de plus 360 manuscrits traitant, pour la plupart, de la religion et des sciences islamiques. La bibliothèque comprend aussi 180 titres et diverses publications servant de supports aux imams enseignants et au conseil scientifique de la zaouïa.
Sauf que la structure de la bibliothèque s’est écroulée sous le poids des années, ce qui a contraint les gestionnaires de la zaouïa à transférer tous les ouvrages et manuscrits dans un endroit plus ou moins approprié.
Près de 390 manuscrits collectés
Le chargé des affaires de la bibliothèque, Abderrahmane Ben Mohammed Alkhalifa Benmalek, a consacré toute une pièce de sa demeure à Tamanrasset pour sauvegarder ce patrimoine inestimable.
“Nous avons collecté plus de 387 manuscrits et 200 lettres adressées émanant des amenokals de l’Ahaggar et des responsables du FLN. L’opération de tri est toujours en cours afin de répertorier et inventorier ce patrimoines livresque.” Aberrahmane saisit cette occasion pour solliciter l’aide des spécialistes en la matière afin de faire aboutir cette opération et de parvenir à faire profiter les chercheurs universitaire de ce legs documentaire. Notre vis-à-vis a émis le désir de consacrer un salon national à ces archives pour permettre au public d’en prendre connaissance et aux historiens de réécrire l’histoire de cette région jusque-là méconnue.
Le souci des organisateurs de la zaouïa reste la reconstruction de la maison des hôtes et les classes de l’école coranique dont le projet est en souffrance en raison de l’absence de budget et de subvention.
À ce propos, Mohammed El-Mehdi Benmalek, chargé des affaires de la zaouïa, a fait savoir qu’une assiette foncière a été choisie pour l’érection de ce projet mort-né. “La zaouïa, pourtant sollicitée à chaque visite officielle de ministres, a été sciemment exclue des opérations de développement financées par les autorités locales”, s’indigne-t-il. Pour l’imam Mohamed El-Mokhtar Benmalek, la situation demande plus qu’une simple opération de développement, puisqu’il faut une restructuration totale de la zaouïa et une réhabilitation basée sur une étude de spécialistes en architecture patrimoniale.

Zoom sur le fondateur de la zaouïa
Ahmed Ben Mohammed El-Âam Benmalek El-Foulani, est natif du Sahel, en 1889. C’est à Akebli (wilaya d’Adrar) qu’ il a eu ses premiers rudiments et reçu des enseignements de base en côtoyant, de près, les érudits de la région du Touat, entres autres cheikh Hamza. Ce dernier était le premier à l’encourager et à l’avoir incité au voyage dans l’Ahaggar où il s’était rendu en 1908 lors d’une visite expéditive qui lui avait permis de découvrir un mode de vie différent mais qui a, de prime abord, suscité en lui le besoin d’asseoir une assise destinée à mettre en pratique son savoir-faire et la volonté de se consacrer au service de la société targuie. Après un court passage à Ouargla, il décida de regagner la capitale du grand Sud en passant par les villages d’Amguid et d’In M’guel avant que sa caravane n’atterrisse, en 1914, au village de Tifert, où il s’est établi définitivement.
Perçu comme un favorisé de Dieu du fait qu’Il lui délégua une étincelle de Sa toute-puissance et sa baraka, cheikh Ahmed El-Foulani fut accueilli à bras ouverts par les autochtones de ce village surplombé par le tombeau funéraire de la légendaire reine des Touareg, Tin Hinan. Pour lui exprimer la bienvenue et l’accepter parmi les leurs, ils lui ont accordé le privilège de se marier à une jeune fille du village. Les portes de l’Ahaggar lui furent ainsi ouvertes en grand après avoir épousé cette femme issue d’une mère targuie et d’un près marabout de la tribu Deg Ghali.
Grâce à la sagesse du cheikh, Tifert est devenu un lieu de pèlerinage où s’est érigée la zaouïa. En 1954, il décida d’aller en pèlerinage à La Mecque.
Pris d’une maladie subite, il décéda en cours de route à El-Menéa, dans la wilaya de Ghardaïa. Il a été remplacé par son fils cadet, Mohamed Abdelkader.


R. K.


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