C'est une journée étonnante. En éliminatoires de la coupe d'Afrique des
nations, les cinq équipes d'Afrique du Nord ont toutes été tenues en échec. Le
Maroc a piteusement échoué (0-0) face à la République Centrafricaine, malgré la
présence de sa star Marouane Chamakh. L'Algérie a buté sur la Tanzanie (1-1).
La Tunisie, chez elle, n'a pas brillé non plus face au Malawi (2-2), pendant
que l'Egypte, « équipe arabe du siècle », selon un commentateur d'Al-Jazeera
Sports, a failli se faire corriger par l'inconnue Sierra Leone, avant de se contenter
d'un modeste match nul (1-1). Enfin, la Libye, seule équipe à jouer à
l'extérieur, a été elle aussi contrainte au match nul face au Mozambique.
Pourtant, sur le papier, tout plaidait pour une nette supériorité des équipes
nord-africaines. Championne d'Afrique en titre, l'Egypte fait figure
d'épouvantail en coupe d'Afrique des nations. L'Algérie a participé au dernier
Mondial après avoir précisément éliminé l'Egypte. Le Maroc dispose d'une légion
de footballeurs jouant dans de bons clubs européens, comme Chamakh et Hadji.
Autant d'atouts qui devaient, en théorie, placer les équipes d'Afrique du Nord
en position relativement confortable. D'autant plus qu'elles jouaient contre
des équipes pour le moins modestes. Leurs adversaires du jour sont en effet plus
connus pour leur instabilité que pour leurs exploits sportifs. La Sierra Leone
sort d'une longue guerre civile, la République Centrafricaine compte plus de
coup d'Etat que de participations à la phase finale de la coupe d'Afrique des
nations, la Tanzanie, pays d'athlétisme, arrive difficilement à mettre sur pied
une équipe nationale, alors que le Mozambique émerge lui aussi de quatre
décennies de guerre. Au-delà de la similitude des résultats obtenus par les
équipes nord-africaines, c'est donc leur échec qui constitue un grand point
d'interrogation. Un échec dû, soit au recul de ces équipes, soit au progrès
réalisé par les équipes de l'Afrique subsaharienne jusque-là supposées faibles.
Et, plus probablement, par une convergence de ces deux facteurs. Les
techniciens devront étudier cette question, mais ils ne pourront occulter
certaines vérités. En premier lieu, les équipes subsahariennes réussissent à
placer beaucoup plus de joueurs dans les grands clubs européens, ce qui a des
retombées importantes sur leurs équipes nationales. Nigeria, Côte d'Ivoire,
Cameroun et Ghana peuvent ainsi disposer de joueurs évoluant dans des clubs de
très haut niveau (Chelsea, Barcelone, Arsenal, etc.), et d'autres, encore plus
nombreux, jouant dans des équipes moins connues, mais assurant un certain
niveau aux footballeurs. Ce sont ces joueurs qu'on retrouve dans les équipes
nationales. A l'inverse, à l'exception de Chamakh et Madjid Bouguerra, on ne
compte pas de footballeur d'Afrique du Nord évoluant dans une équipe jouant les
premiers rôles en Europe. Ceci est le résultat d'un processus d'intégration qui
a mis en place de multiples réseaux pour attirer vers l'Europe des footballeurs
d'Afrique subsaharienne, alors que ceux d'Afrique du Nord restent peu
sollicités dans le Vieux Continent. Les écoles de football, les fameuses
académies, le système de parrainage et de nombreuses autres formules ont permis
à certains clubs européens de mettre en place un maillage serré de tout le
football africain. Le football subsaharien est favorisé par un autre facteur,
un véritable paradoxe. La situation économique, moins favorable, impose le
football comme un facteur recherché d'ascension sociale. Dans les pays
d'Afrique noire, un footballeur d'un certain niveau ne peut faire fortune qu'en
s'expatriant. En Algérie, comme dans les autres pays d'Afrique du Nord, par
contre, un footballeur peut devenir relativement riche sans s'exiler. Cela a
pour effet de pousser le premier à travailler plus, à avoir de l'ambition,
alors qu'en Algérie par exemple, nombre de joueurs très doués ont rapidement
périclité parce qu'ils ont manqué d'ambition et n'ont pas fait les sacrifices
nécessaires. Par ailleurs, on retiendra des déboires des équipes
nord-africaines en coupe d'Afrique des nations cet autre paradoxe : à part la
Libye, toutes les autres équipes considèrent le résultat de leur premier match
de poule comme un échec. Pourtant, seul Rabah Saâdane a été poussé à la
démission. C'est là, la différence entre l'Algérie et les autres. En Algérie,
on adore vite, et on déteste encore plus vite. Les idoles ont une durée de vie
très courte. Il y a un an, Saâdane était une idole du peuple. Aujourd'hui,
c'est un petit vieux, incompétent, qui sort par la petite porte.
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Posté Le : 07/09/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com