Algérie - Revue de Presse

Eléments d'un débat sérieux autour d'une question moins sérieuse



Des spécialistesvenus du monde entier se sont réunis en Chine, au courant du mois de novembre2004, pour discuter le plus sérieusement du monde du droit de l'homme à selibérer de ses excréments et de ses urines.Expulserdignement et discrètement ce qu'on a dans son estomac ou dans ses vessies estle propre de l'homme, mais aussi de l'animal. Le faire publiquement marqueindubitablement un passage ignominieux d'une humanité pudique vers unebestialité grossière.A voir cesindividus accolés aux arbres, parfois en présence de leurs progénitures hébétésde la posture animalière que prennent soudainement leurs géniteurs poussés parl'envie pressante de décharger leurs déchets biologiques, donne tout son sens àla théorie darwinienne. Au risque d'assimiler quelques énergumènes au genrezoologique, il n'y a là aucune dérive méthodologique à transposer lesparadigmes d'étude de l'animal sur cette catégorie de citoyens. L'homme est eneffet le seul être vivant capable d'échapper à la condition animale si bienentendu il n'agresse pas ses semblables par son désordre comportemental. Danscette conduite incivique qu'est le « vidange public », il y a incontestablementdes traces animalières que certaines personnes n'arrivent malheureusement pas àeffacer. Il va falloir abandonner l'anthropologie pour envisager les méthodeséthologiques pour disséquer des comportements qui n'ont rien d'humain. Quelleest la responsabilité de l'Etat et celle du citoyen dans cette affaire ? Etcomment est-il possible aujourd'hui, au moment où on évoque la quatrièmegénération des droits de l'homme, on en est encore au stade rudimentaire desdroits créances de l'Etat, c'est-à-dire ceux que l'administration doitimpérativement garantir pour assurer la condition humaine du citoyen algérien. Selon l'OMS, lasanté est en deux mots « le bien-être ». Se soulager est une notion éminemmentobjective de ce « bien-être » C'est un acte normal, un processus biologiquevital, voire un signe de bonne santé qui renforce l'intégrité de l'individudans ses fonctions vitales. Se libérer est aussi et surtout un acte justifiantdes mesures de santé publique lorsque la personne ne peut l'accomplir dans lesecret de son habitation. En terme dedroit, il n'est pas irrationnel de lier ce geste quotidien avec la notion del'Etat providence que les administrativistes et autres constitutionnalistesconnaissent très bien. Dès lors, il estconcevable d'envisager un droit d'accès aux toilettes publiques, appréhendé nonseulement au titre du droit à la santé, mais perçu en termes des conséquenceséconomiques qu'il est susceptible d'engendrer. Les excréments sont générateursde profits et sources d'engrais. A bien y réfléchir, ils peuvent même absorberune partie du chômage.Si nous parlonsaujourd'hui d'un droit à l'hygiène en général, c'est parce que l'eau, source devie et condition de « bien-être », ne peut être dissociée du meilleur étatd'être dans l'intimité des W.C. Sociologiquement il est clair qu'il y'ainégalité devant l'accès aux toilettes qu'elles soient privées ou publiques.Lorsqu'elles sont collectives, comme c'est le cas dans plusieurs localités dela ville d'Oran (W.C. collectif des Houach), leur état est un indicateur dedéliquescence de l'Etat. Pire encore, parfois, les toilettes dénotent ladétresse d'une société en déperdition qui s'automutile dans la scélératesse.Prenez l'exemple des toilettes publiques du nouvel aéroport internationald'Alger, ou celles de l'aéroport d'Es-Sénia et essayez d'imaginer quelle imageoffrions-nous aux étrangers qui foulent le sol algérien. Mêmes noscarry-ferries, nos avions, nos gares, nos hôpitaux... n'échappent pas àl'horreur. Sali qui peut. Aurions-nous compris autrement le hadith du ProphèteQSSL qui fait de l'hygiène un des fondements de la foi. Un colloqueinternational sur la bioéthique tenu dans un « grand hôtel oranais » qui s'estoctroyé « cinq étoiles » n'a pu se dérouler dans la sérénité, car l'odeur quis'échappait des toilettes a indisposé le plus courageux des anosmiques. Lesemployés d'un département de l'université d'Oran, ont dû quitté leurs bureauxpour les mêmes raisons. La femme de ménage qui essaya bravement de « débloquer» la situation n'a pu résister, et finira par s'évanouir. Le boulevardprincipal de Canastel, pourtant un quartier opulent, offre un spectacle dignedes films de fins du monde. Sous le regard indifférent des résidants sedéclarant ostensiblement huppés, leur liquide verdâtre coule en longeant lesvillas comme si les odeurs ne dérangent personne sauf les oiseaux qui ontpréféré aller ailleurs. Considérer que sesoulager est un droit l'homme signifie positivement l'obligation de l'Etatd'assurer certaines prestations hygiéniques pour que tous les hommes et toutesles femmes puissent jouir du meilleur état de bien-être qu'ils soient capablesd'atteindre. Que dirions-nous alors des personnes âgées, des diabétiques, detoutes ces personnes qui doivent constamment se soulager_ Et les femmes alors,n'ont-elles aucun droit et sont-elles condamnées à se retenir. Voilà unenouvelle façon de refuser à la junte féminine le droit, pourtant biologique,d'avoir envie de se soulager, exactement comme on leur refuse - encore - ledroit de jouir même dans le cadre légal du mariage.Droit à la santé,droit d'accès à l'eau, droit de « se libérer » dans la dignité sont autant deconcepts qui doivent signifier que l'Etat s'abstienne de tout acte qui pourraitmettre en danger le bien être de l'individu. Alors on est dans le domaine desdroits fondamentaux traditionnels; droit à la sécurité personnelle, droit à lavie, droit à l'intégrité physique et mentale_ Le devoir de l'Etat de ne pass'abstenir de prendre en charge les détritus humains doit comporter desobligations d'action positive, comme le traitement des eaux usées, del'entretien des égouts_ On peut pousser assez loin les conséquences d'un teldroit à la santé conçu de façon négative. Prenons un seul exemple ;l'autorisation étatique pour une installation polluante ou dangereuse d'unedécharge publique à proximité d'une agglomération (Ain El Türck par exemple)constitue une violation d'une obligation qui incombe à l'Etat de s'abstenir detout acte mettant en péril la santé des individus. Nettoyons d'abord avant deparler Tourisme. Le droit de nepas se sentir gêné, de ne pas souffrir hors de chez soi en cas de pousséeimpose à l'Etat de réaliser une infrastructure pour créer les conditions à unemeilleure jouissance de sa santé. Ces problèmesétant posés, est-il théoriquement possible d'envisager dès lors des recoursjudiciaires pour faire valoir un droit non conféré par la constitution maisexistant par la force des choses car déterminant pour la jouissance du droit àune bonne santé. Imaginons ce casde figure qui peut se produire en France ou en Suisse: Un citoyen pris par uneenvie pressante, se dirige en courant vers les toilettes publiques les plusproches et réalise une fois sur les lieux que l'endroit est fermé, toutefoisnon occupé. Imaginons la souffrance de ce pauvre citoyen qui vient de souffrirphysiquement et surtout moralement en offrant un spectacle aussi affreux quedégueulasse de quelqu'un qui vient de s'ensevelir dans son propre immondice. Cecitoyen est en droit de demander réparation à l'Etat qui a failli à sonobligation d'assurer à ses citoyens les conditions du bien-être. Imaginonsencore un instant quelle serait la réaction du juge algérien si un tel cas seprésenterait à lui. Aux dernièresinformations rapportées par la presse locale oranaise, les Vespasiennesfraîchement installées pour ornement du côté du lycée Pasteur d'Oran ont étédémontées pour être réinstallées à Santa Cruz au cas où une poussée royale sefera sentir.


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