Algérie

Elections présidentielles: L'Algérie dans une phase cruciale



«J'appelle les citoyennes et citoyens à contribuer collectivement, le 12 décembre prochain, à l'écriture de l'histoire de leur pays et au choix de leur nouveau président(...). »C'est avec ce propos que le chef de l'Etat a conclu le discours qu'il a adressé dimanche soir à la Nation pour lui annoncer la convocation du corps électoral. Discours qui n'a surpris personne puisque le chef d'état-major de l'ANP, vice-ministre de la Défense, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, avait décidé le 2 septembre dernier qu'il en soit ainsi. «J'avais abordé lors de ma précédente intervention la priorité d'entamer sérieusement la préparation des élections présidentielles dans les quelques semaines à venir et je confirme aujourd'hui, et partant de nos missions et prérogatives, ainsi que de notre respect de la Constitution et des lois de la République, que nous considérons qu'il est opportun de convoquer le corps électoral le 15 du mois de septembre courant, et que les élections puissent se tenir dans les délais fixés par la loi », avait-il affirmé ce jour là à partir de Ouargla, siège du commandement de la 4ème Région militaire. C'était l'annonce qu'il avait accompagnée par la nécessité de prendre certaines mesures notamment celle d'«installer rapidement une instance nationale indépendante pour la préparation, l'organisation et la surveillance des élections, qui supervisera toutes les étapes du processus électoral, ce qui requiert également la révision de quelques textes de la loi électorale pour s'adapter aux exigences de la situation actuelle, et non pas une révision totale et profonde qui toucherait tous les textes, tel que revendiqué par certains, ce qui prendrait beaucoup de temps ». Un emploi du temps clair et précis qui a été appliqué à la lettre et en un temps record.
«D'un Etat d'individus à un Etat d'institutions»
Abdelkader Bensalah a tenté, dimanche soir, d'envelopper ces décisions par un engagement constitutionnel en rappelant que «cette élection a été pour moi, dès le début, un objectif stratégique national, non seulement parce que c'est la mission qui m'est assignée par la Constitution et confirmée par l'avis du Conseil constitutionnel du 29 juin 2019, mais surtout parce qu'elle est la seule et unique solution démocratique viable. La solution à même de vous donner, Mesdames et Messieurs, la parole pour choisir, librement et souverainement, la personnalité qui vous paraît la plus apte à mener le changement auquel vous aspirez et à mettre en place un nouveau système de gouvernance qui répond à vos aspirations pressantes». Si les élections présidentielles sont pour lui « la solution à même de donner la parole » au peuple pour choisir un président, des analystes considèrent qu'elle constitue l'étape la plus difficile dans la construction d'un Etat de droit.
Le chercheur universitaire, directeur de l'IDRH, Mohamed Bahloul Echakir, identifie trois importantes étapes dans cette construction.
La première, dit-il, «amorce la consécration de l'identité nationale, elle énonce le mouvement de la résistance». La seconde, continue-t-il, «se décline en la revendication de la nationalité, c'est le mouvement national qui se constitue pour défendre la patrie, la Nation».
La troisième « renvoie au mouvement citoyen par lequel s'organise le congrès de l'Etat-Nation». C'est, affirme-t-il «l'étape la plus difficile dans l'histoire d'un peuple». Il la décrit comme étant «la phase où le peuple fait irruption dans l'histoire souvent de façon brutale, c'est la phase constitutionnaliste où il doit apprendre à élaborer une constitution, où il prend l'engagement de prendre comme référence l'Etat-culture et non d'agir comme dans une jungle». L'objectif visé est que «le peuple n'évolue plus dans un Etat d'individus mais dans un Etat d'institutions».
«Le devoir d'obéir aux gouvernants»
L'une des conditions sine qua non pour que cet objectif soit atteint est faire valoir au sein du peuple, dit Bahloul, «le devoir d'obéir aux gouvernants contre le droit de les choisir». L'Algérie est précisément dans cette phase cruciale de permettre au peuple de choisir ses représentants au niveau de l'Etat. Ce qui ne l'a presque jamais été sans fraude tant le pouvoir a toujours réussi à corrompre l'acte politique, économique et même social. Il l'a fait face à des partis politiques qui n'ont jamais réussi à s'entendre sur une sortie de crise sans se télescoper sur des questions stériles de leadership. Pour cette fois, rien n'a changé. Face à l'indigence de la classe politique, le Haut Commandement de l'armée a (re)pris la main pour dicter sa feuille de route d'un changement qu'il impose en dehors de tout consensus. L'on note que la date des élections présidentielles n'a pas été fixée d'une manière consensuelle comme prétendait Karim Younes de le faire lors d'une conférence nationale de dialogue. « Tout a été débattu et retenu d'une manière consensuelle, la conférence nationale n'est plus utile, ce serait une zerda politique », a-t-il lancé dans une rencontre avec la presse.
Place aujourd'hui aux déclarations d'intention des candidats à la candidature à l'élection présidentielle du 12 décembre prochain. Des Benflis, Tebboune, Belaïd, Makri, Mohand Saïd, et autres, Zeghmati, sortira certainement un candidat « du consensus » en faveur duquel des consignes de vote seront données.
Le jeu électoral ne peut être ouvert dans une conjoncture où les démons, vieux et jeunes, ne jurent que par une «désobéissance civile» qui paralyserait le pays et sèmerait le trouble au sein du peuple. «A la moindre tentative d'atteinte à l'ordre public, les corps constitués sont préparés pour intervenir sur tous les fronts», affirment des responsables. Gaïd Salah n'a pas besoin de consensus pour agir. «Ce peuple (...) a soutenu et approuvé les efforts de l'institution militaire, qui est déterminée à aller vers les élections et à les organiser dans les temps impartis, qu'on le veuille ou non, quels que soient les difficultés et les sacrifices », a-t-il martelé dans son discours du 2 septembre dernier.
Des propos qui ne trompent pas sur la ferme détermination du général de corps d'armée à brider toute velléité de contredire son agenda pour l'élection d'un nouveau président de la République.


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