Les 2,56 millions d'électeurs uruguayens, sur une population totale
d'environ 3,4 millions, ont décidé le 25 octobre de renvoyer l'élection de leur
chef d'Etat à fin novembre, aucun candidat à la charge suprême n'ayant obtenu
la majorité absolue au premier tour. L'ex-guérillero Jose «Pepe» Mujica se
détache en tête avec 47,49% des suffrages exprimés sous l'étiquette du «Frente
Amplio» (Front élargi), le parti qui gouverne à gauche le pays depuis cinq ans.
Suivent le candidat du Parti national («blancos»), Luis Alberto Lacalle
(28,53%) - un ex-président de la République -, et Pedro Bordaberry (16,66),
représentant les «Colorados», tous deux se situant à droite. Déçus d'avoir
échoué au premier tour, Jose Mujica et l'ensemble de la gauche qui le soutient
se préparent à faire front aux partis traditionnels «blanco» et «colorado» qui
vont sans doute unir leurs efforts en faveur de Luis Lacalle.
Le premier tour de ces élections
présidentielles eut lieu alors que le pays est sur le point de conclure un
cycle de cinq ans sous la direction du Dr Tabare Vasquez, un éminent
cancérologue, militant socialiste, qui sut forcer le respect de la majorité de
ses concitoyens. Plus de 60% de ceux-ci, selon les derniers sondages,
s'estiment satisfaits des achèvements socio-économiques atteints sous le mandat
du Président Vasquez qui ne peut se représenter car la Constitution ne permet pas
la réélection immédiate. Dans un pays respectueux de l'Etat de droit et de ses
institutions, il ne fut jamais question de toucher à la charte suprême pour
perdurer au pouvoir.
Le PBI de l'Uruguay a connu une
croissance de 30% depuis 2008, le commerce extérieur ayant augmenté pour sa
part de 31,8%. La dette publique a baissé de 53 à 38% du PBI. Les
investissements se sont élevés cette année-là à deux milliards de dollars grâce
au développement du secteur agricole, de l'industrie forestière et de la commercialisation
des viandes attirant les capitaux de la région, notamment d'Argentine, du
Brésil, du Chili. Cette euphorie économique, provoquée par l'unique
gouvernement de gauche de l'histoire du pays, permet au «Frente Amplio»
d'espérer de se maintenir au pouvoir au terme du second tour le 29 novembre
prochain alors que la coalition de droite rêve de désarçonner le candidat de la
gauche, Jose Mujica, surnommé affectueusement «Pepe» par ses électeurs. A ses
côtés, comme candidat à la vice-présidence se trouve Daniel Astori qui fut le
ministre de l'Economie du gouvernement sortant et qui jouit de la confiance
totale du Dr Tabare Vasquez. C'est là un atout technique majeur pour compléter
l'image d'un Mujica certes très charismatique mais peu au fait des dossiers
complexes.
Agé de 74 ans, Jose Mujica connut
une trajectoire politique qui le mena du Parti national au Mouvement de
libération nationale-Tupamaros MNL-T), un groupe guérillero inspiré de la
révolution cubaine et formé de jeunes marxistes et anarchistes. Afin de se
financer et s'armer, le mouvement commettra des exactions. Après une quinzaine
d'années de clandestinité et de prison sous la dictature militaire (1973-1985),
Mujica retrouve sa liberté de mouvement avec le retour de la démocratie dans le
pays, devenant le premier militant du MLN-T à être élu député, puis sénateur,
avant d'occuper le poste de ministre de l'Elevage dans le premier gouvernement
du «Frente Amplio» sous la présidence de Tabare Vasquez. Son épouse, Lucia
Topolansky, est également militante du MLN-T et connut la prison et la torture
sous la dictature militaire. Elle est sénatrice. Le couple Mujica est très
respecté pour son mode de vie austère qu'il mène dans une fermette à l'ouest de
la capitale, Montevideo. Mais pour rassurer les électeurs hésitants, Mujica
affirme que son ambition est de poursuivre la politique de Tabare Vasquez, en
assurant qu'il laissera à son vice-président, le modéré Daniel Astori, les
dossiers économiques.
Les hommes d'affaires uruguayens
se sentent rassurés par cette division du pouvoir. Les milieux bancaires de la
«Suisse de l'Amérique latine» poursuivent normalement leurs activités étant
convaincus que leur secteur ne souffrira pas de quelque révolution. La récente
annonce de l'abandon de l'Uruguay du Crédit agricole français, qui possède une
quarantaine d'agences dans ce pays, n'émeut pas outre mesure, même si ce départ
fait suite à la pression internationale sur l'Uruguay considéré comme un
paradis fiscal. Le 29 novembre, au deuxième tour, Mujica aura donc comme
adversaire Luis Alberto Lacalle, petit-fils du fondateur du Parti national -
justement là où «Pepe» fit ses premières armes politiques. Docteur en droit,
Lacalle présida le pays de 1990 à 1995, période au cours de laquelle certains
de ses collaborateurs furent accusés de corruption. Ces accusations laissèrent
plus de trace que l'équilibre fiscal, la stabilité des prix, la réforme de
l'Etat pour lesquels il s'était battu. Son électorat de droite ne semble pas en
mesure de freiner la poussée du «Frente Amplio» qui se préoccupe néanmoins des
alliances des partis conservateurs. Le premier tour fut également une
opportunité pour un referendum. Fallait-il annuler la loi d'amnistie qui avait
bénéficié aux auteurs des violences au cours de la dictature militaire ? La
majorité des électeurs uruguayens ont décidé de laisser en vigueur cette loi
malgré l'opposition des militants des droits de l'homme. Un signe de maturité
sans doute d'un pays qui souhaite tourner le dos à un passé certes douloureux
et dégager le chemin de l'avenir du lourd héritage des violences vécues par de
nombreux innocents.
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Posté Le : 31/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Correspondant A Buenos Aires: Mohammed Benamar
Source : www.lequotidien-oran.com