Algérie

Elections locales Le Jour d'après... et les suivants



Le corps électoral est convoqué pour la 7ème ou 8ème fois depuis 1967, année de l'institutionnalisation des Assemblées populaires communales et de wilaya pour élire ses représentants locaux. Pour de nombreux citoyens, l'assemblée de wilaya, est cette institution, dont ils méconnaissent les missions et souvent la composante. Certains électeurs n'ont jamais rencontré leur représentant wilayal ou parfois même communal, faute de le connaître. Le 30 novembre 2007 le pays sera doté de nouvelles instances élues. Les citoyens qui auront exprimé par le suffrage leurs choix, seront dans l'attente légitime, de voir s'améliorer leur sort, sinon leur vécu. Le maire qui est devenu par la force de la pratique, ce responsable qui loge ou qui emploie, ne peut plus répondre présentement à ses attentes, sachant que ces attributions, relèvent désormais d'autres paliers de décision (commission d'attribution du logement, A.N.S.E.J et autre A.N.E.M). Ces épisodiques émeutes et autres prises d'otages d'élus, ne sont-elles pas l'expression de virtuelles attentes insolvables ? Une question demeurera toutefois posée. Sera-t-il encore possible, aux nouveaux élus à l'entame de leur mandat, de sérier et de quantifier, la multitude de sollicitations citoyennes, à l'effet d'y apporter des réponses mêmes parcellaires ? Le traitement et la réponse même négative au courrier du mandant, sont déjà une réponse en soi. Cette culture du respect de la doléance est à inventer. La preuve vient de nous être apportée par la lettre questionnaire adressée, à certains électeurs abstentionnistes de la dernière législature. Sans juger de la pertinence ou non de ce courrier, il est heureux de constater que les destinataires ont réagi, chacun selon sa motivation ou sa conviction. Une manière, quoiqu'on en pense, de rappeler à l'administré son devoir citoyen. Cette démarche aura eu le mérite, de faire sortir le débat des sentiers battus. Chacun de nous s'en est allé, de sa propre lecture pour en tirer ses conclusions propres. En élisant de nouveaux édiles, l'administré s'imposera-il une ligne de conduite citoyenne, en s'inscrivant dans une éthique civique ? Il serait présomptueux d'affirmer métaphysiquement, que cette thèse, pourrait induire machinalement, cette équation : A bon citoyen, bon élu ! La commune, ce démembrement de l'Etat, n'est-elle pas définie et à juste titre comme collectivité locale ? Ce concept inclus à la fois, le citoyen et l'élu. Ce qualificatif, on ne peut plus explicite, suppose une gestion collective des affaires de la cité. Les lois, portant code communal de 1967 et de 1990, ont-elles été mises en application dans la lettre et l'esprit ? L'on serait tenté de dire non, eu égard aux us observés jusque-là. - Les délibérations de l'assemblée communale, sont publiques, sauf dans deux cas d'espèce (Art. 19). - L'extrait de la délibération est affiché à l'endroit destiné à l'information du public, au siège de l'assemblée dans les huit (8) jours qui suivent la séance ; les absences des membres de l'assemblée, sont affichées dans les mêmes formes. (Art. 21). - Toute personne, physique ou morale, a le droit de consulter sur place, les procès-verbaux des délibérations de l'assemblée communale et les arrêtés communaux et d'en prendre copie à ses frais (Art. 22). Autant de dispositions légales, qui permettent à l'administré d'être au fait de la vie de la collectivité, dont il est partie intégrante. On aura remarqué que le président de l'Assemblée populaire communale, « légifère » par voie réglementaire (arrêtés) pour l'harmonie de la cohabitation, qu'elle soit urbaine ou rurale. Ce qui n'est pas le cas, pour le Chef de daïra et ce n'est pas peu. L'arrêté, ce précieux outil réglementaire, n'est malheureusement pas instrumentalisé dans toute sa plénitude, d'où ces déviances socio-urbaines vécues au quotidien. Un bref survol des années post-indépendance et une bonne moitié des années soixante-dix, peut restituer quelque peu, l'âge d'or de la collectivité locale. A cette époque, la délégation spéciale se substituait à la machine administrative coloniale. J'ai bien dit la machine administrative. Eh oui ! Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la mairie était ce haut lieu de la décision administrative souveraine. La rédaction des textes régissant la municipalité, les archives (donc la mémoire), l'adjudication des marchés, le recensement, la veille sur la salubrité publique, la promotion des actions de santé de masse, la gérance des fourrières (canine et automobile), le gardiennage de la morgue et du cimetière, relevaient matériellement et moralement de la commune. L'on me dira alors, comment qu'à cette époque, Cheikh el baladia (appellation sociologiquement idoine), pouvait-il gérer la collectivité, avec en général un niveau d'instruction élémentaire, souvent empreint d'illettrisme ? Mais il ne gérait presque rien ; cette fonction était dévolue à l'administration communale pérenne. Le maire s'occupait plus de relations publiques et de cérémoniaux, que d'autres choses. Il jouait un rôle modérateur entre l'administré et son administration ; il était neutre en apparence. Il pouvait intercéder auprès du gendarme, des services des impôts et parfois même du juge, au profit de son administré. Sa seule médiation, pouvait mettre un terme à des différents familiaux ou même tribaux. Il représentait l'Autorité publique, dans son acceptation la plus noble. Le sous-préfet, résidant généralement ailleurs, trouvait quelque difficulté, pour « fourrer son nez » directement dans les affaires courantes. Les multiples décentralisations, ont porté un certain préjudice, à l'aura du maire. Il se trouve doublé et disqualifié à la fois, en dépit de l'encadrement actuel et de ses propres facultés intellectuelles. La situation s'est complexifiée au décours des multiples mandatures. Le président de l'Assemblée communale, chef de son exécutif peut être ingénieur, maître de conférences ou avoir toute autre qualification pointue, mais ne peut influer qualitativement sur le secrétaire général « chevronné ». Surtout depuis que pour certaines communes, ce poste est classé, fonction supérieure. Il ne pourra pas non plus outrepasser le comptable assignataire du budget communal. Il faut toutefois relativiser ces rapports, la règle n'étant pas générale. Il ne dépendra que de ses capacités managériales pour que le premier magistrat de la commune, puisse imprimer sa propre dynamique au groupe dirigeant. L'imprégnation textuelle, législative et réglementaire, est le postulat cardinal pour une gestion sereine, de la collectivité locale. Le président est qualifié d'organe au même titre que l'assemblée (art.13). En règle universelle, tout organe a une fonction propre. Il se trouve, qu'entre la règle et l'usage, de profonds hiatus se sont durablement incrustés. C'est ainsi, que sous la pression de différents facteurs, aussi bien endogènes qu'exogènes, les attributions régaliennes du maire, se sont quelque peu délitées. Il passe son temps, dans des réunions où, il ne se sent pas le plus souvent, directement concerné. Quelques exemples livrés à l'emporte-pièce, permettront d'en juger : réunions du conseil de wilaya, sessions de l'assemblée de wilaya, cérémonie d'ouverture de l'année judiciaire, préparation de la rentrée scolaire, du Ramadan, prévention des feux de forêt, campagne « moisson-battage », fêtes agricoles, kermesses commerciales, campagne du hadj, lutte antiacridienne et autres manifestations sportives. Dans les profondeurs du pays, cette image caricaturale, n'est pas bien loin de la réalité. Quand sera-t-il donné au maire, le temps de s'occuper des missions, dont il est supposé en avoir la charge ? Le standard de la planification encore administrée a « occi » l'initiative. L'opération des 100 locaux commerciaux, décidée par le président de la République est illustrative de cette approche. Il est évident que si pour le tiers des communes, ce nombre est dérisoire, pour le millier restant, c'est le casse-tête chinois. Il s'est trouvé des communes rurales, qui, faute de conviction intime, ont implanté une partie des locaux en rase campagne. Les futurs détenteurs, commerceraient-ils avec qui ? La seule opération dans l'air du temps et fréquemment recherchée, est celle des aménagements urbains : réfection de trottoirs, installation ou remplacement de luminaires sur les axes principaux. La mode est aux carrefours giratoires. La vie sociale dont l'évaluation matériellement ne peut se faire qu'à long terme, n'est pas encore inscrite sur les tablettes ou si peu. Elle s'est confondue avec le cadre de vie qui, comme chacun sait, est à plusieurs connotations. Le « prêt-à-porter » urbanistique l'emporte sur le tissage urbain. On pare au « plus urgent » ?! On joue à l'aise dans le neuf ; l'historico-culturel attendra son heure et ses hommes. Des casbahs et des ksour se désintègrent sous l'oeil dépité des riverains, qui assistent « le coeur gros comme çà » au gommage de leur mémoire collective. La réhabilitation du patrimoine immatériel, n'est pas encore sortie du domaine mystico-hérétique. Les arts populaires ne sont pas encore prêts à quitter la manifestation folklorique festive occasionnelle. Les espaces artistiques et cinématographiques, sont toujours pensés en espace clos ou en vestiges romains. Les cités qui n'ont pas eu l'heur d'être romanisées, attendront des jours meilleurs. Monsieur le maire tentera d'introduire, une fiche technique auprès du subdivisionnaire de l'urbanisme ou celui des équipements publics, pour l'inscription éventuelle d'une opération de réhabilitation du vieux bâti. Est-ce que la direction de la Planification et de l'aménagement du territoire consentira à l'inscrire, dans sa prochaine nomenclature des Plans communaux de développement (P.C.D) ou pas ? Il y a, à l'énoncé de réhabilitation de vieux sites, de ces réparties truculentes, telle que : « Il faut d'abord s'occuper des vivants... les morts... on verra après ! ». Telle est usuellement la réponse du puriste bureaucrate. Ce conjecturel plaidoyer, est malheureusement admis par tous ; il devient un état de fait indémontable. Il manque à l'évidence un palier local d'arbitrage, qu'il faille créer. Il ne dépend le plus souvent, que d'un seul responsable, pour faire « capoter » de généreux desseins. Ne faudrait-il pas interchanger ce vocable de responsable par un autre, plus approprié, eu égard à la désinvolture avec laquelle celui-ci, élude sans état d'âme, de vitales préoccupations, Ces refus ne sont souvent justifiés, par aucune logique de planification. Ils ne peuvent être le fait, que d'un puéril comportement d'un agent qui, par son seul incommensurable pouvoir décisionnel, impose sa prééminence sur l'élu sans possibilité de recours. Cette manie de la contradiction, a porté et porte jusqu'à ce jour, de sérieux coups de bélier à la crédibilité de l'instance élective. Ce seuil atteint et il l'est déjà, la suspicion s'installera inexorablement entre le citoyen et l'élu. Ce dernier deviendra « la courge sur le plat de couscous » comme le dit si bien, l'adage populaire. Il est de ces traits psycho-sociaux qui considèrent que seules, leurs circonvolutions cérébrales sont, elles, capables de produire du génie. On aime plus que tous son pays, quitte à en devenir subséquemment, l'unique citoyen. L'oracle clôturera le débat. Après plusieurs quinquennats et des enseignements que nous sommes supposés en avoir tirés, faut-il encore perdurer dans cette situation, que chacun de nous, du sommet à la base, se complait à stigmatiser et à subir en même temps ? D'aucuns, parmi de grands commis de l'Etat, ne se gênent pas de tenir un discours pour la consommation immédiate de l'auditoire et de développer parallèlement, le contraire en coulisses. Est-ce à dire que la sincérité, ne peut se conjuguer avec la politique ? Passons... Faut-il aussi sacrifier au paraître, le devenir d'une multitude de générations par un mode de gestion communale, décrié dans le pays même où il est né ? Il est officiellement admis que le code communal actuel, est inspiré de celui de l'ancienne puissance coloniale. Il n'y aurait pas de génie national, pour produire des textes législatifs conformes à nos moeurs, quoiqu'on en dise, sont d'essence afro-orientale ? Certains partis politiques ont découvert, semble-t-il, la panacée à nos maux. Celle qui consiste à lever la barre plus haut, exigeant des futurs candidats un C.V de niveau universitaire. L'intention est louable, mais a-t-on réellement besoin d'un chercheur pour diriger une collectivité, dont les missions prosaïques, ne relèvent souvent que d'une dose de bonne volonté et de calcul arithmétique. Les ordures ménagères qui envahissent notre environnement, les nids de poule qui n'ont besoin que d'une rustique dame et d'une brouette de gravillon asphalté, ou cette lampe grillée de l'éclairage public ou cette distribution d'eau potable, livrée au bon vouloir d'un fontainier qui a fait son temps, sont-ils devenus des thèmes de recherche appliquée ou des sujets de thèse ? Que cette exigence s'applique aux quelques membres de l'exécutif, cela pourrait se comprendre, mais érigée comme règle générale, elle ne pourrait participer que du suicide politique. L'assemblée est censée être représentative de toutes les couches sociales. La lubie tendant à produire plus de « blouse blanche » que de « blouse bleue » a montré ses limites ! La suppression des centres de formation administrative, a été dramatiquement ressentie. L'attaché d'administration, véritable cheville ouvrière de l'administration générale, a été inexorablement laminé. Il n'a pu être remplacé par le profil détenteur d'une licence et pour cause. Ce dernier, sans formation spécifique, ambitionne d'occuper une fonction supérieure et c'est à la limite, légitime. Il est difficile d'inverser une tendance, qui portait par l'expérience opérationnelle acquise, les corps de maîtrise au sommet de la hiérarchie et d'imposer le poste subalterne au cadre d'aujourd'hui, dans sa dimension formative s'entend. Le technicien et l'ouvrier professionnel expérimentés utiles, ne pourront plus prétendre aux joutes électorales. Quand nous sommes encore tenus par l'esprit de clocher et la tyrannie de chapelle, il est assurément entendu que l'intérêt général, repassera... plus tard ! De grands pays et pas des moindres, n'ont pas confié, que leur seule collectivité locale à la gestion citoyenne, mais leur magistrature suprême. Soumise au plébiscite populaire à d'anciens ouvriers et syndicalistes, elle ne s'en porte pas plus mal pour autant. Les ingrédients de la problématique sont à chercher ailleurs. Le membre de l'exécutif communal, comme son nom l'indique, ne conçoit pas de politique de développement. Celle-ci se cogite encore au niveau hiérarchiquement supérieur. Libre maintenant, aux zélateurs, de verser dans cette logique mirifique et élitiste, qu'il faudrait conforter par le délestage du qualificatif « populaire » apposé sur les frontispices de nos institutions !


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