Les ministres candidats à la députation devraient en principe céder leurs
portefeuilles ministériels respectifs à des intérimaires, le temps qu'ils
mènent leur campagne électorale.
Il semble, selon certaines sources, que le président de la République a choisi
de désigner des intérimaires aux ministres candidats aux élections législatives
de mai prochain, au lieu de réfléchir à un changement de gouvernement qu'il n'a
pas trop envie d'opérer en ces temps troubles. Intérimaires qui ne seront
d'autres que leurs collègues du gouvernement. Il est avancé que les ministres
FLN, RND et MSP seront candidats dans leur majorité. Les ministres qui ne le
seront pas géreront alors plusieurs portefeuilles à la fois. La parade n'est
pas nouvelle. Elle a été appliquée en 2009, lorsque le ministre des Ressources
en eau a été le directeur de campagne du candidat président Bouteflika.
Abdelmalek Sellal a été
remplacé, le temps d'une campagne, par Dahou Ould Kablia, le ministre de
l'Intérieur et des Collectivités locales. Elle l'a aussi été lors des élections
législatives de 2007. Les ministres intérimaires devraient être affectés comme
tels par affinités sectorielles, c'est-à-dire à des ministères dont les
activités se rapprochent entre elles.
Reste cependant une équation difficile à saisir actuellement. Equation à deux variables, à savoir Ahmed Ouyahia
candidat ou non aux élections législatives. Pour se décider de l'être, le
Premier ministre devrait prendre en considération la faisabilité de plusieurs
hypothèses liées aux circonstances qui pourraient faire gagner ou faire perdre
son parti, le RND. S'il est candidat et que son parti gagne, il en tirera un
grand profit pour avoir été «le meneur» d'une élection gagnante. S'il est
candidat et que son parti perd, il perdra par contre la face pour avoir été un
mauvais «meneur». S'il n'est pas candidat et que le RND perd, lui en sortira
vainqueur quand même puisqu'il pourra soutenir que s'il avait été tête de liste,
le parti aura gagné.
Ce jeu de probabilités, Ouyahia y est certainement
rompu à force de manipuler la chose politique. L'on dit qu'il calcule toujours
avant de faire des choix, aussi élémentaires soient-ils. Il aurait, selon des
sources qui lui sont proches, exigé que toutes les candidatures RND aux
prochaines élections législatives soient arrêtées par ses seuls soins. C'est
dire qu'il dirige d'une main de fer un parti qu'il pense avoir été quelque peu
délaissé ces dernières années par le pouvoir central.
Révolu le temps où, dès sa naissance, le RND s'est vu projeté à la tête
des assemblées élues, raflant ainsi la mise là où il était question de scrutin
et sans pour autant se soucier des moyens utilisés pour y arriver. L'histoire
retiendra dans ses annales un rapport parlementaire faisant état, en 1997, d'une
fraude massive avérée à son profit. Bien qu'il ne fût pas à sa tête à l'époque,
Ouyahia n'en sera ni dérangé ni gêné. «Ne me demandez
pas à moi pourquoi ce rapport n'a pas été publié, mais demandez à ceux qui
l'ont commandé et qui n'ont rien fait pour le rendre public», nous avait-il
lancé en 2000 lors d'un débat télévisuel. Une réponse et bien d'autres du genre
qu'il sait produire pour des situations qu'il assume sans complexe. Il est
ainsi, puisque tous ceux qui ont dénoncé à cette époque cette fraude électorale
avérée, non seulement ont accepté de faire avec, mais ont siégé dans l'ensemble
des instances élues frauduleusement. C'est dire que la fraude est pratiquement
une seconde nature du pouvoir en place, que l'ensemble des acteurs politiques approuvent implicitement.
LA SORTIE «TURQUE» D'OUYAHIA
Ouyahia n'a pas d'état d'âme lorsqu'il s'agit de défendre ses intérêts. Il est
prêt à outrepasser ses limites, ses prérogatives et même les lois de la
République pour y arriver. Lors de la conférence de presse qu'il a animée en
janvier dernier à l'issue de la tenue du conseil national du RND, il a balayé
d'un revers de la main «la nécessité» de l'Alliance présidentielle, qu'il a
pourtant bien défendue quelques mois auparavant. Dès la rupture avec le MSP, il
plaidera la pertinence d'une «probable» alliance de son parti avec Amara Benyounès, avec lequel, a-t-il
dit «nous avons de grandes affinités.» Benyounès est
président de l'UDR (Union pour la démocratie et la République), agréée depuis
peu par le ministère de l'Intérieur. Mais à l'époque des propos, l'UDR n'était
pas encore agréée. Le Premier ministre a encouragé une alliance avec une
personne et non un parti.
Il tombera par ailleurs à bras raccourcis sur la Turquie d'Erdogan. Il suggérera en substance au Premier ministre turc
de ne pas se cacher derrière l'histoire de la guerre de libération nationale
pour défendre ses intérêts auprès de la France. C'est à se demander le comment du
pourquoi d'une telle réponse à un moment où il est malsain de prendre partie
avec une France qui se moque du respect des droits humains, lorsqu'elle
bombarde sans scrupules des villes libyennes au nom de la protection de ses
mêmes droits. Il est clair qu'en reprochant à la Turquie de «se mêler de ce
qui ne la regarde pas», Ouyahia avait en point de
mire les chefs des partis islamistes algériens qui, depuis quelque temps, se
prêtent à des va-et-vient entre Ankara et Alger pour s'inspirer du modèle turc
incarné par l'AKP d'Erdogan,
l'actuel parti islamiste au pouvoir.
Il est cependant évident que son attaque contre la Turquie ne s'arrête pas là.
Paris a dû applaudir «la sortie» d'un Ouyahia qu'elle
avait accusé en 2009 d'avoir décidé d'une loi de finances complémentaire qui a
pris en otage ses intérêts économiques. Les observateurs se rappellent le
chambardement qu'a connu le port de Marseille par lequel transitent toutes les
marchandises devant être exportées vers l'Algérie. L'on dit que Paris a même
osé demander à l'époque la tête d'Ouyahia à Alger. Le
Premier ministre s'accommode de toutes les situations. Il peut même s'en
repentir s'il juge que «ça ne rapporte rien.» Pour rappel, il a même été
jusqu'à se déplacer à l'ambassade de France à Alger pour déjeuner avec son hôte
du moment, Jean-Pierre Raffarin. C'était le 30 mai 2011, après l'ouverture
officielle du forum algéro-français dont les travaux
ont continué jusqu'au 1er juin. Pour avoir été diplomate, il sait pourtant
pertinemment que la diplomatie bannit ce genre de complaisance. L'on dit ces
jours-ci que la visite éclair de Raffarin à Alger était une petite fleur pour
lui. «Raffarin revient à Alger sans un ordre du jour précis», nous a dit un
diplomate français.
LES FRERES ENNEMIS A L'EPREUVE DES SIEGES
L'on a beaucoup tendance à penser que le Premier ministre se projette au-delà
des législatives, pour se placer sur la trajectoire de l'élection
présidentielle de 2014. En attendant ce rendez-vous, il a commencé par enjamber
les convenances politiques d'un gouvernement qui l'oblige, en principe, à ne
pas se prononcer sur un changement de président de la République, notamment
avant terme. Lui l'a pourtant fait lors de sa conférence de presse en jugeant
qu'une élection de Bouteflika pour un quatrième
mandat présidentiel ne rendrait pas service à l'Algérie. Lancé sur un ton
interrogatif, la sentence en sera bien une qui fera date.
Les observateurs s'attendent à ce que, les jours à venir, Ouyahia s'attaque frontalement au FLN et à son secrétaire
général, Abdelaziz Belkhadem, qui lui aussi garde en
tête l'élection présidentielle de 2014. Les deux hommes tentent de se placer
conformément aux feuilles de route que les puissants de ce monde distribuent au
monde arabe, chacun selon des spécificités qui prennent en compte leurs
intérêts. Pour l'heure, ils montrent qu'ils se complaisent assez bien avec les
courants islamistes. «Il vaut mieux les avoir devant soi que derrière», avait
estimé un observateur. Les choix sont donc faits.
La France et les Etats-Unis semblent, cependant, avoir des difficultés à découvrir
un remplaçant à Bouteflika. Le FLN et le RDN doivent
certainement le sentir plus que tout le monde. Ils feront donc beaucoup pour
captiver l'attention de ces décideurs du monde. Mais en même temps, les frères
ennemis seront en évidence les partis les plus en vue qui se disputeront la
vedette pour arracher le maximum de place sur l'échiquier politique national, dont
les contours s'affichent au fur et à mesure que de nouveaux partis retirent
leur carte d'habilitation auprès du ministère de l'Intérieur.
UNE RECONFIGURATION POUR ASSURER LA CONTINUITE
De prime abord, le FLN serait le parti qui tirerait le plus de dividendes
de cette (re)configuration du paysage politique qui
se fait dans la stricte et pure continuité des pratiques politiques et
partisanes auxquelles à toujours recouru le pouvoir en place. Ce dernier a
trouvé l'astuce de recomposer ses forces et préserver sa pérennisation en
accréditant des partis dont les responsables sont - à quelques exceptions près -
des personnages qui ont fait parti à un moment ou à un autre de son décor. Ce
qui donnerait, sans doute, une large latitude au FLN de s'étendre sur une
partie de l'échiquier en fomentant des alliances avec les formations qui se
rapprochent de lui en termes «d'idéaux et de principes politiques». Les partis
nouveaux et anciens savent toutefois que les résultats des joutes électorales
dépendront, comme de tradition, d'une politique de quotas dans laquelle le
pouvoir excelle.
Le FLN est donné dans ce cas pour être le grand rassembleur, d'abord
parce qu'il est traversé par l'ensemble des courants politiques existants dans
la société, et aussi parce qu'une grande majorité des partis agréés se propulsent pratiquement sur sa voie. Du conservateur à
l'islamiste modéré, en référence à son secrétaire général, en passant par le
nationaliste, pour arriver au patriotique et au réconciliateur, tous ont des
accointances avec le vieux parti. L'on avance même que 40% des indépendants «se
noieraient dans ses rangs». Le FLN reste le parti-pouvoir
par excellence, même s'il arrive que des officines puisent dans le RND pour
asseoir des équilibres. Fabriqué en 1997 à la hâte pour des raisons que Mohamed
Betchine, alors conseiller du président Zeroual, maîtrisait
le plus, le RND avait démarré avec comme « militants» l'ensemble des ministres
du gouvernement d'alors, excepté deux ou trois d'entre eux. Aucun d'entre les
ministres qui ont été «embauchés » d'office dans les rangs de cet appareil
électoral n'a osé décliner l'offre.
L'on rappelle pour la circonstance, qu'en septembre dernier, le ministre
de l'Intérieur et des Collectivités locales avait annoncé un changement des
walis et des chefs de daïra. L'on ne se cache pas au niveau de ce ministère
pour avouer que ce mouvement a été décidé en grande partie en prévision des
échéances électorales à venir. Dahou Ould Kablia avait soumis, à cet
effet, un mouvement allant dans le sens d'un changement important à la tête des
collectivités locales. Pour cela, le président de la République avait gardé
certains responsables en place, fait des permutations, signé des départs à la
retraite ou pour cause de maladie, mais aussi nommé 11 nouveaux walis et 36
nouveaux chefs de daïra. Ils avaient tous une feuille de route en main, dont
les deux missions étaient «le travail de proximité» pour convaincre le peuple
et la préparation des élections de 2012 et 2014. Le ministre de l'Intérieur
aurait souligné qu'il n'y aurait - sauf imprévu - aucun autre changement à ces
niveaux de responsabilité locale avant 2015. C'est dire que l'administration
est déjà bien rôdée pour encadrer les scrutins à venir.
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Posté Le : 07/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com