Le 26 mars, en catimini,
les députés européens, dont le mandat s'achève la semaine prochaine, ont voté
une quasi-fusion économique de l'UE avec les USA ! Invraisemblable histoire.
Les 6 et 7 juin
prochain se dérouleront en France les élections européennes. Au total, ce sont
736 députés européens qui seront élus pour représenter les 27 États membres de
l'UE. Les électeurs français vont avoir à choisir les 72 députés qui les
représenteront pendant 5 ans au Parlement européen.
Sans enthousiasme
palpable, voire avec un désintérêt manifeste. Les sondages sur la participation
attendue rivalisent dans le pessimisme : au mieux un tiers des Français pensent
se déplacer pour placer un bulletin dans l'urne. Le taux de participation ne
sera guère plus élevé dans le reste de l'Europe.
Selon Libération
du 13 avril, la presse elle-même se désintéresse de l'évènement : «seulement 36
% des citoyens ont lu, entendu ou vu un sujet consacré au Parlement européen
dans leurs médias.»
UE : des
instances démonétisées
Le quotidien
établit un lien de causalité entre la mauvaise couverture médiatique de la vie
politique européenne et «un effondrement de la confiance dans les institutions
communautaires : le Parlement européen perd six points dans l'indice de
confiance en six mois, passant de 51 % à 45 %, la Commission chute de 47 % à 42
% et la Banque centrale européenne, en dépit de son rôle stabilisateur
unanimement salué par les politiques et les experts, de 48 % à 39 %. Une
défiance qui se reflète dans l'abstention massive qui menace la légitimité de
la seule institution européenne élue au suffrage universel.».
Les raisons de la
désaffection de l'électeur européen sont connues. L'Union Européenne se
présente aux opinions publiques comme un dédale d'instances élues comme le
Parlement ou désignées (Conseil des ministres, Commission européenne,
directions générales...) qui fonctionnent dans une certaine opacité, sans
contrôle et sans avoir sérieusement la volonté de rendre de comptes, voire
seulement d'expliquer ses innombrables décisions. Car la bureaucratie
bruxelloise est bien connue par sa capacité à produire surabondamment textes,
circulaires, ordonnances, directives et recommandations sur tout et n'importe
quoi. La boulimie réglementaire communautaire est ainsi aujourd'hui à l'origine
des deux tiers des nouvelles lois qu'adopte le parlement français !
L'Union
européenne apparaît surtout aux opinions publiques des 27 comme le fer de lance
dans le Vieux Continent, de la globalisation et de l'hyper-libéralisme. Les
électeurs allemands, français, italiens ou espagnols notamment ne manifestent
plus de soutien excessif à la volonté de dérégulation à tout prix menée par
Bruxelles : démantèlement des politiques fiscales, des contraintes du droit du
travail, des services publics, des systèmes de protection sociale...
Le krak
économique d'octobre dernier a douché les rares enthousiastes restants
(notamment dans les pays de l'est de l'Europe) et a fait surgir une demande
unanime de retour à une politique fortement orientée sur une nouvelle régulation
nationale des marchés. Mais ce dernier concept ne fait pas partie de la culture
du bureaucrate européiste de base pour qui, dans tous les cas de figure, ce
sont les «états nationaux» qui constituent «le problème» et qui représentent
«l'ennemi». Enfin, la conception européiste de la démocratie est toute à fait
particulière.
L'affaire du
Traité constitutionnel a été symptomatique de ce travers des eurocrates à
considérer que les peuples sont trop stupides pour comprendre à leur juste
valeur les projets historiques bâtis par les cénacles de Bruxelles, Strasbourg,
Luxembourg, Francfort et la Haye, les cinq «capitales» des grandes institutions
européennes.
Le traité
constitutionnel visait, dans ses grandes lignes, à imposer une légitimité
européenne supranationale au détriment de celle des États-nations. Prudemment,
la plupart des pays ont fait ratifier ce traité impopulaire par leurs
parlements mais quand on a fait appel au référendum, comme en France ou en
Irlande, les peuples souverains étaient contre, clairement contre. De quoi ! De
quoi ! Le peuple s'oppose, regimbe, proteste... Le peuple, est décidemment trop
bas-de-plafond, il refuse de comprendre les avantages des géniaux projets de
l'élite ? Il veut donner son opinion ! Mais on s'en moque bien de son opinion !
On s'assoit dessus, même. C'est ainsi qu'a été pondu le «traité de Lisbonne»,
copie conforme du Traité constitutionnel mais ce traité n'a pas été soumis à
l'approbation populaire. Ah ! Mais...
On comprend que
des institutions aussi peu attentives à l'opinion des citoyens ne captent guère
l'attention des électeurs.
L'invraisemblable
vote du 26 mars 2009
Des Européens
convaincus et sincères trouveront évidemment un peu caricaturale cette
présentation de l'Union européenne. Bien sûr, l'Union européenne est un grand
projet. Que l'on soit eurosceptique ou au contraire europhile, l'Europe
constitue dorénavant notre «maison commune».
Mais cette maison
commune est bien peu démocratique. S'il fallait une preuve supplémentaire, le
récent scandale du «Grand Marché transatlantique» cumule tout ce qu'il y a de
profondément détestable dans les pratiques de l'Union européenne. Le tout dans
un climat de secret tel qu'aucun média n'en a rendu compte ! Le rédacteur de
cette chronique, ce naïf qui se croyait cyniquement rompu aux mensonges des
puissants, en est resté comme deux ronds-de flanc !
Les faits : Le 26
mars 2009, le Parlement européen approuve par 503 voix pour, 51 voix contre et
10 abstentions, une résolution sur «l'état des relations transatlantiques après
les élections qui ont eu lieu aux États-Unis». Son but : construire «un
véritable marché transatlantique intégré», qui devra être établi «d'ici à
2015». Donc un marché unique, unifié entre l'Union européenne et les
États-Unis. Rien de moins. C'est le Conseil économique transatlantique (CET),
créé lors du sommet UE-USA du 30 avril 2007, et orienté entre autres par «des
représentants du monde de l'entreprise», qui veillera à l'harmonisation des
législations pour faciliter «l'approfondissement du marché transatlantique» Ce
marché intégré qui représenterait 57% du PIB mondial , peut en effet laisser
espérer une longue continuation d'un monde épuisé, exsangue, ravagé de guerres
mais toujours dominé par les Occidentaux. «Considérant que l'investiture du nouveau
président américain marque le début d'une nouvelle ère dans l'histoire des
États-Unis, que l'on fonde de grands espoirs sur lui de par le monde et que
cette investiture a le potentiel pour donner un nouvel élan au partenariat
transatlantique». C'est bien la première fois dans l'histoire de la diplomatie
occidentale que l'on fonde un pacte «de civilisation» sur le bilan de quelques
semaines d'activités d'un président certes sympathique. On pourrait néanmoins,
par prudence, donner à Barak Obama quelques mois supplémentaires pour faire ses
preuves.
Créer un marché
intégré entre les États-Unis et l'Europe d'ici 2015 n'est pas sans
d'importantes conséquences : suppression de toutes barrières douanières et réglementaires
; adoption unanime des normes commerciales et comptables du partenaire
dominant, les Etats-Unis ;uniformisation des règles commerciales, fiscales et
sociales sur le modèle anglo-saxon, intensification des flux financiers
transatlantiques avec une primauté donnée à Wall Street, «harmonisation» des
politiques économiques dans un sens encore plus libéral qu'aujourd'hui,
positions communes au FMI, à la Banque mondiale, à l'OMC...
Alignement
complet sur Washington
Il n'y a qu'un
seul domaine où nos vibrionnaires députés européens se sont bien gardés
d'avancer, celui de la politique monétaire : organiser une parité stable
Euro/dollar ? Adopter le dollar comme monnaie commune ? Ah, ça, c'est bien
compliqué !
La lecture de
cette déclaration d'amour aux États-Unis laisse pantois, surtout dans le cadre
de la récession économique que nous traversons et qui trouve une bonne part de
son origine dans les excès libéraux et les bavures laxistes de l'économie
américaine.
L'américanophilie
du Palais de Strasbourg, siège du parlement européen ne se cantonne pas aux
questions économiques. C'est quasiment la fusion des deux ensembles qui est
initié : «le nouvel accord devrait moderniser l'actuel dialogue transatlantique
des législateurs pour en faire une assemblée transatlantique servant de forum
pour le dialogue parlementaire, l'identification d'objectifs ainsi que le
contrôle conjoint de la mise en oeuvre de l'accord, et pour la coordination des
travaux du Parlement européen et du Congrès américain sur les questions
d'intérêt commun, y compris la coopération étroite entre les commissions et les
rapporteurs des deux parties», le Parlement européen estime que «cette
assemblée devrait se réunir en plénière deux fois l'an, être composée à parts
égales de députés du Parlement européen et des deux chambres du Congrès des
États-Unis»; il souligne que «qu'un système d'alerte législatif précoce
réciproque devrait être mis en place au sein de cette assemblée». Coté
politique extérieure et sécurité, c'est l'alignement pur et simple sur
Washington : «le nouvel accord devrait créer un organe de consultation et de
coordination systématiques de haut niveau pour la politique étrangère et de
sécurité; recommande que cet organe soit présidé par le Haut représentant /
vice-président de la Commission, pour l'Union européenne, et par le Secrétaire
d'État, pour les États-Unis, et qu'il se réunisse au minimum tous les trois
mois, sans préjudice de contacts informels et suggère que ce mécanisme soit
nommé le Conseil politique transatlantique». Les députés ont d'ailleurs passé
en revue les dossiers difficiles. Iran, Irak, Afghanistan, Pakistan :
l'alignement sur les positions américaines est là encore total.
Le texte voté par
la droite et la gauche européenne recommande également « de promouvoir une
approche commune à l'égard d'autres acteurs géopolitiques majeurs tels que la
Chine, l'Inde ou le Japon, ainsi qu'en ce qui concerne divers problèmes et
crises en Afrique subsaharienne».
Obama en demande-t-il
autant ?
Sur les questions
de sécurité et d'anti-terrorisme, il n'y a plus de place à des stratégies
nationales. Le texte recommande «qu'une coopération étroite entre l'Union
européenne et les États-Unis dans le domaine de la justice et des affaires
intérieures est également nécessaire pour bâtir progressivement un espace
transatlantique de liberté, de sécurité et de justice»; les parlementaires
exigent «une rapide entrée en vigueur de l'accord d'extradition et d'assistance
juridique entre l'Union européenne et les États-Unis, et exhorte les États
membres qui ne l'ont pas encore ratifié à le faire dès que possible». En clair
et cela est spécifié dans le texte : les 27 de l'UE doivent expulser au plus
vite vers les États-Unis, les Européens que ce pays soupçonne ! Seule
contrepartie témérairement demandée et non pas exigée par le Parlement : que
les États-Unis abandonnent la peine de mort...
On a rarement vu
un tel exemple de démission collective, qui ferait passer le Maréchal Pétain en
1940 comme un parangon de l'orgueil national. On pensait avoir vu le bout avec
le ralliement définitif et complet de la France à l'OTAN, «pierre angulaire de
la sécurité transatlantique», quelques cinq cents député européens ont décidé
d'aller bien pus loin : la création à court terme des «États-Unis d'Occident»,
capitale Washington ! Il n'est pas sûr que cela soit dans les plans de Barak
Obama...
Dans cette
«politique-fiction» hallucinée, l'Algérie n'est pas oubliée. L'axe
euro-atlantique ne s'arrête pas aux frontières actuelles de l'Europe, puisque
l'objectif est de lui rattacher tous les pays du sud de la Méditerranée et du
Proche-Orient. Cette «intégration» politique et économique s'effectue, dans le
cadre de l'UE, dans un programme qui s'appelle la PEV (Politique européenne de
voisinage), et qui concerne aujourd'hui neuf pays du Sud : Algérie, Égypte,
Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Territoires palestiniens, Tunisie, et cinq pays
de l'Est : Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Moldavie et Ukraine, la Biélorussie,
la Libye et la Syrie constituant des cas particuliers.
Américanophiles
bêlants, les députés européens de droite et de gauche, des conservateurs aux
socialistes (seul le groupe communiste a voté contre) n'en sont pas moins
conscients que leurs ridicules positions sont loin d'être partagées par leurs
concitoyens européens. Du coup, tout fut fait en catimini, aucune déclaration
publique n'a suivi ce vote «historique», ni dépêches d'agence, ni articles, ni
même communication publique du Parlement. L'affaire a été en France soulevée
par Jean-Luc Mélenchon qui présente ses candidats sous l'étiquette «Front de
gauche», en alliance avec le Parti Communiste. Contacté par le Quotidien
d'Oran, l'ancien ministre des Affaires étrangères Roland Dumas a déclaré
«découvrir l'affaire» et prépara une communication vengeresse. Et l'affaire va
évidemment éclater au grand jour, persuadant un peu plus les électeurs français
de l'incompétence, de l'hypocrisie, de la malhonnêteté et de l'absence totale
de patriotisme des députés européens dont on leur demande la semaine prochaine,
de prolonger le mandat.
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Posté Le : 28/05/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Pierre Morville
Source : www.lequotidien-oran.com