Près de 7,5 millions de Tunisiens sont conviés, ce dimanche, pour un
scrutin historique destiné à élire 217 députés à l'assemblée constituante. Ils
doivent élire une assemblée constituante pour enterrer définitivement la
dictature et mettre le pays sur le chemin de la démocratie.
Sur la base d'un mode de scrutin proportionnel aux plus forts restes, les
électeurs auront à trancher entre 1.570 listes, soit 11.000 candidats, dont une
moitié d'indépendants. Une pléthore qui n'a rien de surprenant. Après la chape
de plomb des années de dictature, la
Tunisie compte aujourd'hui officiellement 111 partis. Le
scrutin qui devrait faire un premier écrémage de la scène politique marquera
symboliquement la fin de l'acte I de la transition. L'assemblée constituante
élue prendra le relais de la « haute Instance pour la réalisation des objectifs
de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique»
mise en place après la fuite de Ben Ali. Le mot « historique » n'est pas de
trop pour un pays qui n'a connu que la dictature. Relativement « éclairée »
durant une partie du règne sous Habib Bourguiba, policière et très prédatrice
sous Ben Ali. C'est le premier scrutin réellement pluraliste en Tunisie. Les
députés auront une année pour élaborer une nouvelle constitution. L'assemblée
constituante assumera également la fonction de contrôle du gouvernement et
adoptera les lois. En dépit des palabres et des polémiques et parfois de
manifestations qui ont tourné à la violence, la marche vers les élections s'est
déroulée dans de bonnes conditions. La diffusion par Nessma
TV du film Persépolis et les réactions qui ont suivi ont été le moment le plus
délicat de cette transition.
EVITER UN 26 DECEMBRE 91 ALGERIEN FATAL
Très clairement, les Tunisiens ont eu à l'esprit le scrutin du 26
décembre 1991 en Algérie - où avec 35% des voix le FIS se retrouvait largement
majoritaire - en préférant le mode de scrutin proportionnel aux plus forts
restes. Ils ont choisi de prendre le risque d'une atomisation de la
représentation politique pour éviter l'hégémonisme d'un parti ou d'un courant. Le
mouvement Ennahdha, qui se veut aux antipodes du FIS
et proche de l'AKP turc, est crédité d'être le
premier parti politique tunisien. Il s'est publiquement engagé à ne pas
remettre en cause le statut personnel tunisien et à maintenir l'interdiction de
la polygamie. Il a tenu également à maintenir ses distances à l'égard d'une
mouvance salafiste remuante qui d'ailleurs pense que
le scrutin est « haram ». Le score d'Ennahdha sera analysé avec un grand intérêt par les
Tunisiens, par les pays voisins et par les chancelleries occidentales qui ont
longtemps soutenu la dictature au nom du refus de l'islamisme. Face aux
islamistes, quelques partis sont crédités d'un certain poids et qui pourraient
s'unir, par la suite. Il s'agit de partis qui avaient déjà une existence légale
sous l'ancien régime, ce qui ne les mettait pas forcément à l'abri de la
répression : le Parti démocrate progressiste (PDP) d'Ahmed Nejib
Chebbi, le Parti social-démocrate Ettakatol
de Mustapha Ben Jaafar. Ettajdid
- ex-Parti communiste - légalisé en 1993, présente ses candidats dans le cadre
du Pôle démocratique moderniste ou le Qotb (PDM), une
coalition de partis de gauche et d'extrême gauche et d'initiatives de la
société civile. Le Qotb se place ouvertement comme en
opposition aux islamistes d'Ennahdha. Il y a
également le Congrès pour la République de Moncef Marzouki, le Parti du travail tunisien dirigé par Abdeljelil Bedoui, issu de
l'influente UGTT. Mais devant la pléthore de listes et de partis… il faudra
attendre le scrutin pour avoir un premier déblayage de la scène politique
tunisienne.
UN SCRUTIN QUI CONCERNE LE RESTE DU MONDE ARABE
Le plus grand enjeu est bel est bien de réussir une transition vers la
démocratie. De ce point de vue, l'enjeu du scrutin ne concerne pas que les
Tunisiens mais l'ensemble du monde arabe. La Tunisie a été un pays où une dictature policière
a systématisé le discours selon laquelle elle est un « rempart » contre
l'islamisme. L'enjeu de la transition démocratique en cours est d'apporter la
preuve qu'une démocratie est possible en terre d'Islam. Et que l'islamisme ne
servira pas, une fois de plus, de cause et de prétexte, pour faire avorter un
développement politique fondamental. C'est pour cela que les Tunisiens votent
pour eux-mêmes mais aussi pour le reste du monde arabe.
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Posté Le : 23/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com