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Election : le vote local est aussi entre les mains des tribus Actualité : les autres articles


Election : le vote local est aussi entre les mains des tribus                                    Actualité : les autres articles
Alors que les élections locales se tiendront jeudi prochain, c'est une drôle de campagne qui s'achève ce dimanche dans certaines communes où les tribus ont aujourd'hui plus de pouvoir que les partis. El Watan Week-end s'est rendu en terre chaouie.
Un air de gasba sort d'une permanence de campagne RND, pleine à craquer d'affiches et de drapeaux algériens. On ne lésine pas sur les moyens pour amener les électeurs à reconduire Salah Afaifia, tête de liste, pour un quatrième mandat de cinq ans à la tête de l'APC de Hammam N'bails, à 35 km de Guelma. «Nous gagnerons le 29 novembre, parce que Hammam N'bails, c'est tout simplement Si Afaifia», confie Sofiane, 35 ans, sans emploi, un «fan» du maire sortant. A première vue, il s'agit d'une élection comme toutes les autres dans toutes les contrées d'Algérie, une élection communale qui voit s'affronter différentes formations politiques. Sauf qu'à Hammam N'bails, sur cette route sinueuse entre montagnes, oliviers et figuiers de Barbarie, la situation est complètement différente de ce qu'on peut trouver dans les communes de la capitale. Certes, trois listes sont en lice, mais la commune, créée officiellement en 1963, est composée de trois entités tribales qui existaient bien avant l'indépendance, voire avant la colonisation. Trois listes, à savoir le RND, le FLN et le PT pour trois tribus. La liste RND du maire sortant a une très forte coloration de la tribu des Mchaâla, localisée au sud de la commune.
MENTALITES
Celle de l'ex-parti unique semble clairement représenter la tribu des N'bails, qui a donné son nom au hammam éponyme du village, originaire du nord-est. Celle du parti de Louisa Hanoune est la tribu Sfahli, qui avait à l'époque française donné son nom à la commune mixte d'alors, et de laquelle sont issus les Keblouti de la mechta Aïn Ghrour, rendus célèbres par l'illustre Kateb Yacine, et qui recoupe toute la partie nord-ouest de l'actuelle commune. Pour Bouzid Menasria, un représentant des Sfahli, cette élection n'a rien à voir avec les autres scrutins à caractère plus national. Il s'explique : «Il est vrai que lors des élections législatives ou présidentielles, les électeurs sont davantage amenés à voter pour des partis, voire des indépendants, mais pour les locales et en particulier pour les communales, ce sont nos liens ancestraux qui prédominent. Malgré le fait que le système tribal soit aboli depuis la colonisation, il est clair qu'il est toujours présent dans les mentalités. C'est comme cela que l'espace local est régi ici, et je pense qu'il doit en être de même dans beaucoup de communes isolées à l'instar de la nôtre dans le reste de l'Algérie.» Malgré le peu d'engouement constaté dans le chef-lieu de la commune, tout comme dans les autres mechtas comme El Chahid Mohamed Seghir, plus connu sous le nom de El Barnous, ou bien Oued El Maleh, toutes deux situées sur la route de Guelma, les habitants sont attachés à ce système que certains qualifient d'«archaïque».
BENT M'CHAÂLA
Linda, 17 ans, lycéenne en classe de terminale lettres, regrette cette situation : «C'est vraiment dommage que nous en soyons encore là. Je ne comprends pas ce retour en arrière. Rana Djazaïriine, avant tout, mais imaginez un peu que Salah Afaifia se présente sous l'étiquette d'un parti qui n'a même pas d'assise dans notre région, un parti aux couleurs régionalistes. Ça ressemble presque à de l'opportunisme par nécessité. Autant créer un parti des N'bails, un parti des M'chaâla et un parti des Sfahli, au moins tout serait clair.» A la question de savoir si des conflits intertribaux ont lieu, elle reste évasive : «Nous sommes des citoyens de Hammam N'bails, avant tout, de cette commune d'où est originaire l'une des plus belles plumes d'Algérie (Kateb Yacine, ndlr). Mais il suffit que je dise à une de mes camarades que je suis originaire de la mechta Aïn Djmel, et tout de suite, on me taxe de 'Bent M'chaâla . Et moi je lui rétorque tout simplement : 'Ana bent el Hammam, bark .» Toutes nos tentatives d'approcher Salah Afaifia sont restées vaines, malgré la présence à nos côtés d'une connaissance personnelle figurant sur sa liste. Concernant les autres têtes de liste, Ali Bediaf pour le PT, donc, issu des Sfahli, et Hocine Hadjadji, des N'bails pour le FLN, ils étaient apparemment «indisponibles pour le moment, car trop occupés par leur campagne». Cependant, un représentant de la liste FLN a tenu, sous le couvert de l'anonymat, à nous faire cette confidence : «Pendant de nombreuses années, la tribu dominante était la tribu Sfahli. C'est celle dont le territoire est le plus étendu et dont la population est la plus nombreuse. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que les autorités coloniales, en créant la commune mixte, l'ont appelée Sfahli, alors que d'autres auraient souhaité qu'elle porte un autre nom. Heureusement que notre parti, en 1963, a rendu justice, en appelant la commune du nom de Hammam N'bails.»
AAYIT MEN SYSTEME TAA EL AROUCH
Pour cet autre représentant du RND, la commune aurait dû porter un autre nom, dont la toponymie ne rappelle aucune des trois tribus : «Pourquoi pas du nom de Djebel Bou Aïchoun (point culminant à 1107 m, ndlr) ' Au moins tout le monde y aurait trouvé son compte. Avant, il n'y en avait que pour Sfahli, maintenant que pour les N'bails, ça commence à faire trop.» Cependant, notre interlocuteur omet de signaler que le fameux Djebel Bou Aïchoun est situé sur le territoire même de sa propre tribu' Des villageois, à l'instar de Laïd Boussaha, une des figures de la liste RND, restent cependant plus réalistes : «Arrêtons ces querelles qui nous rappellent une époque révolue. Nous sommes les citoyens d'une seule et même commune. Nous recherchons juste un représentant intègre pour Hammam N'bails qui puisse 'uvrer pour le bien de ses administrés, un homme qui soit au service de ses citoyens.» Des voix comme celles-ci sont rares sous ces cieux. Même si des jeunes, à l'instar de Linda, rêvent d'une abolition du tribalisme dans les mentalités. Karima, sa camarade, issue des Sfahli, l'espère de tout c'ur : «Tout ça n'est qu'une manière de penser qui ne doit plus exister. C'est dur. Même nos parents nous ont élevés comme ça. C'est malheureux à dire, mais l'école algérienne n'a rien fait pour endiguer ce genre de réflexe. Aayit men système taâ el arouch. Plus tard, je souhaite épouser non pas un membre de ma tribu, mais un homme de l'Ouest, comme cela, peut-être les mentalités vont changer certainement.»
OULED EL HAMMAM
Facile à dire. Pour Malek, père de famille de 31 ans, un des rares de sa génération à maîtriser parfaitement la langue française à Hammam N'bails, la plupart des mariages se font «intra muros», au sein d'une même tribu : «Il arrive, de temps à autre, que des unions intertribales se fassent, mais elles sont extrêmement rares. Moi-même qui suis un N'bails, je me suis plié à la loi tribale, j'ai épousé une N'bails.» Cependant, bien que chacune des listes soit composée majoritairement de membres d'une seule et même tribu, des «entorses» existent qui laissent présager des alliances de circonstance quant à la future majorité à l'APC. Kaddour Mihaibia, chèche blanc sur la tête, bouc bien taillé, estime qu'il faut arrêter d'évoquer les tribus et les clans, même s'il se dit fier d'être un authentique enfant de Sfahli : «Dans notre liste du PT, nous avons quelques personnes issues des autres tribus et c'est ce qui compte le plus pour l'avenir de notre commune. Nous devons être unis dans la diversité. Ahna ouled el Hammam». Reste qu'à travers tout le village et dans les mechtas environnantes, la campagne continue tant bien que mal de battre son plein. Mais la plupart des électeurs potentiels restent sensibles aux problèmes récurrents à toute l'Algérie : logement, emploi' Mais les tribus semblent veiller au grain. Qui sera l'heureux élu, ou plutôt quelle sera l'heureuse élue ' Réponse dans la soirée du jeudi 29 novembre.
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