EL OUED ET L'ILLUSOIRE SAVOIR-FAIRE

On en est encore et toujours là. A façonner et à distribuer les drames pour faire de la malédiction une campagne de route tenace qui réveille une société entière en sursaut. L'aube de ce mardi a vu à El Oued huit nourrissons les uns calcinés, les autres asphyxiés dans un incendie survenu dans une maternité. Par-delà la catastrophe, on imagine l'autre brûlure, celle des parents auxquels on a arraché une partie de leur chair pour que l'entaille subie au plus profond de leur âme ne se cicatrise jamais. La déroute des consciences est d'autant plus insistante quand on apprend que c'est le deuxième incendie arrivé sans crier gare dans la même maternité en une année.Bien qu'il faille concevoir et accepter que les catastrophes gardent partout ailleurs le privilège de choisir leurs niches maléfiques, la raison n'accepte pas qu'elles se démultiplient en permanence à cause de l'ignorance ou de la nonchalance humaine. Ancrés avec des visages multiples dans la société algérienne, l'incompétence et l'illusoire savoir-faire de parfaits amateurs sont les sources des catastrophes continuelles et il est à craindre que la faucille de la mort continuera à s'en donner à c?ur joie.
S'investit plombier qui veut et électricien ou maçon qui le voudrait est devenu une compétition nationale pour aller rejoindre les lots pléthoriques des artisans de pacotille sans conscience qui jouent avec une superbe fanfaronnade avec la vie des usagers. Du marché désaxé du travail, de la débrouillardise mal fagotée, de l'école sinistrée, des importations naïves ou roublardes, on ne sait plus à qui adresser les griefs. La floraison de l'immense inconséquence est à tout point désarmante jusqu'à entremêler les faux diplômes des hauts éducateurs paradoxalement chargés de façonner une saine société nouvelle avec les tares que celle-ci nourrit.
A juste titre, le drame d'El Oued et beaucoup d'autres qui ont fait disparaître des familles entières sont assimilables aux tueries des faux barrages d'un hier pas encore lointain. La similitude repose sur le plus haut degré d'une folle irresponsabilité.