Entre gloire et tragédie, l'homme souriait Qui se souvient du destin olympique d’Ahmed Boughera El Ouafi ? Quelques noms de rues dans le département, un gymnase à La Courneuve sont les rares traces de cette personnalité au destin olympique qui traversa toutes les affres de ce siècle avec son légendaire sourire. Tout juste se souvient-t-on qu’il fut champion olympique en 1928 aux J.O. d’Amsterdam et qu’il repose au cimetière musulman de Bobigny depuis 1959. Entre ces dates, la vie d’un homme simple qui devint le temps d’une olympiade un héros des temps modernes. Son histoire, sa solitude, sa gloire et sa fin tragique interroge. Ahmed Boughera El Ouafi nous rappelle que la vie est un combat permanent, et que la traversée du siècle dernier fut à l’image de la compétition qu’il pratiqua : une épreuve d’endurance, d’abnégation et d’humilité. Cet engagement, il le paya au prix fort. Verdun, Amsterdam, New York Nomade, Ahmed Boughera El Ouafi ? On ne lui demande pas son avis. Natif d’Ould Djellal (entre 1899 et 1903), dans le Constantinois, sa première croisière, il la fait, contraint, dans une tenue militaire. Sa découverte de la France fut la fin des combats de la Grande guerre, en première ligne comme tous les tirailleurs venus de nos colonies et qui furent chairs à canon. Charleroi, Verdun, l’Artois, voici les premières pages de géographie que découvre en direct le jeune Algérien. L’histoire ne dit pas si c’est sur les champs de bataille qu’il se fait remarquer pour ses talents de crossman. Il faut toujours avancer pour comme le claironne ces généraux bien à l’abri derrière les lignes. Si des centaines de milliers de ses frères sont sacrifiés, Ahmed Boughera El Ouafi s’en sort. Son deuxième voyage le conduit dans les armées d’occupation en Allemagne. C’est là que l’officier des sports de son régiment remarque ses aptitudes à la course d’endurance et le renvoie en France en 1923 pour défendre les couleurs de son bataillon dans les compétitions sportives. Il a 24 ans. Très vite il se fait un nom parmi les meilleurs, son épreuve de prédilection étant le marathon. Il est sélectionné pour les J.O. de Paris en 1924 et termine septième à 13 minutes du vainqueur le Finlandais Stenross. Démobilisé, il lui faut maintenant assurer son quotidien. Il s’installe en région parisienne et devient ouvrier (décolleteur) chez Renault-Billancourt. Licencié au Club athlétique de la Société générale puis au Club olympique de Billancourt, il consacre ses dimanches à sa passion, la course. Il multiplie les compétitions (1er de la classique Paris-Melun le 8 juillet 1924) et gagne sa sélection pour les J.O. d’Amsterdam en 1928. Le dimanche 5 août est son jour de gloire. Cet inconnu du grand public remporte de haute lutte la compétition, avec sang-froid et une confiance en lui qui lui permet de s’imposer au terme d’un spectaculaire final. Il gagne le marathon en 2h 32m 57s. El Ouafi et son éternel sourire devient une vedette que l’on invite partout. C’est pour lui un moment de grâce, il est l’invité des stades et l’éternel nomade choisit sans trop y réfléchir de répondre aux sirènes américaines. Il traverse l’Atlantique et se prête à des exhibitions dans les cirques et autres lieux. Il y fait des rencontres mémorables, sa nièce se souvient : “Son voyage en Amérique demeurait l’aventure de sa vie et il racontait qu’il avait rencontré Chaplin, Mistinguett, Maurice Chevalier.” Le rêve américain ne dure guère. Rémunéré (petitement) pour ses prestations, ce qui est interdit par le comité olympique, il est radié à vie, la compétition lui est proscrite. La punition est lourde et injuste. Elle laisse beaucoup d’amertume au jeune sportif qui redevient un anonyme. Il faudra plusieurs décennies et attendre notre deuxième champion olympique du marathon Mimoun, à Melbourne en 1956 et sa visite à son glorieux aîné pour remettre dans la lumière El Ouafi et lui rendre justice. Dans ce moment de médiatisation éphémère ce dernier avoue aux journalistes : “J’ai été ballot d’accepter la traversée de l’Atlantique (…) je ne sais pas si vous vous rendez-compte ce que ça représentait pour moi un manoeuvre des usines Renault d’aller en Amérique.” Paris, Saint-Ouen, Saint-Denis, Bobigny Mais nous n’en sommes pas encore là. De retour des Etats Unis en 1929, El Ouafi avec un petit capital ouvre un bar à Paris, gare d’Austerlitz. C’est l’échec. Un associé mal intentionné le contraint à la faillite. Retour à la case départ. El Ouafi reprend son baluchon et retrouve le monde ouvrier, peintre au pistolet chez Alsthom. Il vit dans une chambre d’hôtel à Saint-Ouen. Sa soeur et son beau-frère s’installent à Stains dans les années 50. C’est là que se rend le week-end l’ancien champion et éternel célibataire. L’effet Mimoun et les lumières de 1956 se sont éteintes, la malchance le poursuit et un triste soir du 18 octobre 1959, El Ouafi accompagne sa famille dans un café à Saint-Denis. Nous sommes en pleine guerre d’Algérie, les règlements de comptes visent souvent les bars tenus par des Algériens. Luttes internes au sein du mouvement d’indépendance, adversaires de l’indépendance, ou encore malfrats… l’enquête policière n’aboutira jamais. El Ouafi est au mauvais endroit à la mauvaise heure quand plusieurs personnes jaillissent dans le bar, armes à la main, et tirent. El Ouafi et sa soeur sont tués par balles. Le cimetière musulman de Bobigny sera son ultime demeure. Ainsi se clôt le marathon de sa vie. De Verdun à l’Allemagne, de Paris à New-York de Chicago à Saint-Ouen, le jeune natif d’Ould Djleb au sourire légendaire aura connu, un conflit mondial, le colonialisme, l’usine, les lauriers, la gloire, la solitude, la pauvreté et l’hypocrisie d’un monde olympique qui daigna, après l’avoir interdit de compétition, payer au moins ses obsèques. Guillaume Chauderon Le marathon d’Amsterdam, dimanche 5 août 1928 “Le temps est doux, le ciel brumeux, conditions idéales pour un coureur de fond. Le Japonais prend immédiatement le commandement du peloton qui s’étire. Prudemment, El Ouafi court à son train, une vingtaine d’hommes le précède. Les écarts se creusent mais il ne s’affole pas et contrôle à distance les hommes de tête (…) D’une allure souple et sans chercher à accélérer, il revient peu à peu sur des adversaires asphyxiés par un début de course trop rapide. (…) Lorsque dans le lointain, Robert Vintouski (perchiste) aperçoit la frêle silhouette du marathonien revêtu du maillot tricolore, Vintouski n’en croit pas ses yeux : son ami El Ouafi est en tête. S’approchant de la table où sont disposés les verres, il l’asperge d’eau, lui donne à boire et glisse des pastilles (de Vichy) dans la main du petit Algérien. Un clin d’oeil complice à son camarade et il repart en lui lançant cet encouragement : “Vasy merde !” (…) à l’issue d’une chevauchée de 2 heures 32 minutes et 57 secondes, El Ouafi franchit en vainqueur la ligne d’arrivée, sourire aux lèvres…. » Extrait de La grande histoire des Jeux olympiques d’Henri Charpentier et Euloge Boissonnade aux éditions France Empire.
combien de boughera de mimoun tout ces algériens a chaque fois que je suis en face de leur histoire je ne peux m’empêcher de pleurer je revis leur quotidien je les vois souffrir sans avoir le choix ou la parole ils étaient contraint a tout faire mais ils sont restés algériens.chose qu'on a perdu Allah yarhamhoum.
zabana - marseille, France
15/04/2012 - 30580
Je vous remercie pour votre message d'encouragement. il est tout à fait normal de parler des grands champions de notre pays. A bientôt.
Nassima - Tlemcen
08/06/2009 - 3587
Merçi Nassima et merçi bien, tu nous as offert un bon cadeau à tout les djellalis en te publiant cet article precieux et extra-ordinaire sur notre fameux et miraculeux champion du bled,c'est un grand honneur pour nous,donc "Baraka laho fik khti',
FARRAH Boualem Lazhar - Technicien Exp/SH-BHP. - Ouled-Djellal
05/06/2009 - 3576
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Posté Le : 13/05/2009
Posté par : nassima-v
Source : ksp17.free.fr