- Où en est le recensement de la flore actuellement au niveau du Jardin d’Essai?
On passe à la numérisation de l’herbier du jardin. Ce dernier est une identification des plantes par moyen de séchage de spécimen et la conservation de ces plantes. Ainsi, ces plantes séchées sont conservées dans un endroit loin de l’humidité, avec soin. L’herbier existe aujourd’hui, mais dans les jardins botaniques du monde entier, on utilise la numérisation de l’herbier. On scanne ces plantes pour les avoir sur un support magnétique.
- Quel est l’avantage de cette technique?
C’est l’identification des plantes. Cela permet l’identification de l’ensemble des plantes du jardin. L’herbier est une technique qu’on utilise pour l’identification des plantes. Une fois on a la copie numérique de l’herbier, on va le publier sur le site du jardin. Celui qui veut connaître les plantes du Jardin d’essais (qu’il soit spécialiste ou amateur) peut avoir recours à cet herbier numérique sans même se déplacer au jardin. Celui qui se trouve dans un autre continent peut passer par le site du jardin pour consulter l’herbier de ce jardin sans se déplacer.
L’avantage également, ce n’est pas seulement une liste nominative de plantes; avec un herbier numérique, il va trouver une plante séchée sur un support numérique, avec le nom scientifique, le nom commun et le nom de la famille. Cela va lui permettre d’identifier cette plante parce qu’il trouve des clés d’identification. Il y a des clés qui lui permettent de distinguer entre une plante et une autre, une famille et une autre, grâce aux méthodes d’identification. La science actuellement est arrivée à l’identification génétique des plantes: la fleur est-elle hétérosexuelle, homosexuelle, la couleur, la forme… Par conséquent, lorsqu’on utilise ces clés, on peut savoir de quelle plante il s’agit. On est en train de faire cet herbier.
- Qu’en est-il du projet de l’introduction des plantes du Jardin d’Essai dans l’encyclopédie numérique initiée par l’expert suisse Cyrille Chatlain?
Pas encore, pour le moment, on a signé une convention de partenariat. La première étape a été de contacter par le biais de la conservation du Jardin botanique de Genève, précisément par le conservateur Cyrille Chatlain. Ce dernier a émis son souhait de signer une convention de partenariat avec le Jardin d’essais. De notre côté, nous avons donné un accord favorable. Suite à sa visite pour l’Algérie, parce qu’il a une convention avec l’ENSA (ex-Institut national de l’agronomie), une convention avec l’université de Tlemcen, il s’est déplacé en Algérie dans le cadre de l’identification des plantes du Sud. Au niveau du Jardin d’Essai, il a été reçu par moi-même et le Conseil scientifique du jardin, et on a discuté de la possibilité de signer un partenariat. Cyrille Chatlain, après avoir visité et eu connaissance des richesses du jardin, il a donné son accord pour la convention. Cet expert ayant plusieurs projets veut travailler également sur l’identification des plantes du Maghreb (I.Flor).
- Qu’est-ce que ce partenariat va apporter de plus pour le Jardin d’Essai?
Le rôle principal du Jardin d’Essai est la conservation de la faune et de la flore. Dans le monde entier, le rôle des jardins botaniques et les Parcs nationaux est complémentaire. En Algérie, nous avons ce qu’on appelle les Parcs nationaux. Leur rôle est la conservation des plantes in situ (soit dans leur milieu naturel). Le rôle des jardins botaniques est la conservation des plantes ex-situ (en dehors de leur milieu naturel). A titre d’exemple, le Parc national de Tlemcen peut avoir une plante qu’il conserve. Le Jardin d’essais peut également, à travers une convention avec ce parc, introduire la dite plante au niveau du jardin. Le Parc national peut perdre cette plante pour une raison ou pour une autre: une catastrophe naturelle, une maladie ou un changement climatique peuvent faire disparaître la plante dans son milieu naturel (le Parc national de Tlemcen).
Ce dernier peut la trouver au niveau de notre jardin. A notre niveau, la conservation ne se limite pas à sa plantation. On va la planter, on va la multiplier pour avoir d’autres sujets. On va faire la collecte des graines et on conserve la graine. Ainsi, le Parc national peut nous contacter pour lui fournir des graines afin de multiplier cette plante. Comme on peut lui donner des sujets pour réintroduire cette plante. Le Jardin d’essais peut également solliciter les Parcs nationaux pour réintroduire des plantes qu’il a perdues. Ainsi, selon les propos de Cyrille Chatlain, il ne peut pas travailler avec les Parcs nationaux sans travailler avec un jardin botanique.
Et le jardin botanique le plus indiqué pour lui est le Jardin d’essais. Donc, il nous a contactés pour cela d’une part, d’autre part, la plupart des plantes du Jardin d’essais sont des plantes exotiques des 5 continents. Ainsi, la convention avec le Jardin botanique de Genève peut également s’étendre à d’autres projets. On peut bénéficier de l’expérience du jardin de Genève, de leurs compétences et l’échange d’informations. C’est important d’avoir un réseau qui travaille dans la conservation des plantes, parce que l’intérêt de notre jardin est la conservation des plantes. Nous n’avons aucun intérêt commercial. Nous n’allons pas vendre des plantes, mais on peut échanger des plantes avec le jardin de Genève.
- Où en est l’identification des plantes du Jardin d’Essai?
Pour notre jardin, on est bien avancé. Nous avons actualisé notre inventaire en 2018. Nous avons même dépassé 90% de l’identification des plantes. Pour le reste, nous avons sollicité Cyrille Chatelain pour nous aider: il y a une dizaine de plantes que nous n’avons pas pu identifier. Mais ce qui nous pose vraiment problème, ce sont les hybrides. Dans le temps, les plantes peuvent se croiser entre elles. Deux espèces différentes de la même famille peuvent se croiser pour donner naissance à un nouveau sujet qui est différent des parents. On peut voir un sujet qui a les mêmes caractéristiques de deux espèces différentes. On est bien dans le cas de l’hybridation.
Ce phénomène concerne les 10% des plantes qui ne sont pas encore identifiées au niveau du jardin. On a besoin d’experts et d’analyse ADN pour les identifier. Grâce à notre convention avec le Jardin botanique de Genève et le Jardin botanique de Cagriali en Italie, ils sont d’avis de nous aider. Nous avons reçu le professeur Baccheta de l’université de Cagriali qui est prêt à nous aider et nous avons même signé une convention pour faire des analyses ADN au niveau de l’université de la Sardaigne. Ce professeur est prêt à nous assurer une formation dans le domaine et de faire des analyses de l’ADN. Cette dernière est très coûteuse. Mais dans le cadre des partenariats dans le domaine de la recherche scientifique, nous allons obtenir ces analyses gratuitement pour le jardin en leur donnant des spécimens et faire l’identification pour savoir de quelle espèce il s’agit.
- Lors du dernier inventaire que vous avez effectué en 2018, avez-vous constaté la disparition de certaines plantes?
Le Jardin d’Essai est passé par plusieurs phases. Malheureusement, il y a certaines phases de déclin où le jardin a perdu beaucoup d’espèces et d’espace. Le jardin actuellement est à 32 hectares. Mais avant l’indépendance, on a trouvé certains documents qui parlent de 120 hectares. A l’indépendance, le jardin était à 68 hectares. Il y a une perte d’espaces. Évidemment, les espaces perdus sont des espaces qui ont abrité des plantes. Après l’indépendance, les Français ont laissé ce jardin entre les mains d’un agent polyvalent. Donc, le premier directeur de cet établissement après l’indépendance était un agent polyvalent qui a travaillé à l’époque coloniale et a appris certaines techniques.
Mais il n’était pas botaniste. Jusqu’aux années 1970, il n’y avait pas de spécialistes capables de gérer ce jardin. Donc, le jardin a perdu beaucoup d’espèces par méconnaissance. La deuxième phase du déclin est durant la décennie noire. La période la plus difficile se situe entre 1994 et 2004. Sur 10 ans, il y a eu beaucoup de déperditions parce que ce sont des plantes qui nécessitaient un entretien, des soins, et les plantes qui ont disparu, il fallait les remplacer. A titre d’exemple, notre jardin abrite la plante Encephalartos qui a disparu de son milieu naturel. Il n’y a que 9 jardins dans le monde dont le Jardin d’Essai où on peut trouver cette plante.
Entretien par Djedjiga Rahmani
Posté Le : 06/01/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Entretien par Djedjiga Rahmani
Source : elwatan.com du 26 décembre 2019